Les taxis plaident pour un nouveau report de crédits
Après un été plombé par la crise sanitaire, les taxis azuréens prévoient de la casse cet automne... à moins d’un nouveau sursis pour rembourser leurs mensualités. Témoignages d’une profession à l’arrêt
Les plus anciens ont en mémoire l’impact de la Guerre du Golfe en 1991. Certains ont subi les humeurs du volcan islandais Eyjafjallajökull en 2010. Mais aucun d’entre eux n’avait vécu une crise si dure, si longue, à l’issue si incertaine. Le soleil qui inonde l’aéroport Nice Côte d’Azur ce matin-là est trompeur. Pour les 437 taxis niçois, « l’avenir s’assombrit. On ne sait pas de quoi il sera fait », soupire Fabrice Cavallera, président de leur syndicat. Jusqu’ici, les reports de paiement de crédits et les aides de l’Etat leur « ont permis de survivre » .Le « feu de paille » estival a remis un peu de carburant dans le moteur. Mais le redémarrage du paiement des mensualités de crédits, début octobre, leur donne des sueurs froides.
Passer l’hiver
Après cette saison blanche, l’hiver s’annonce « catastrophique » pour les artisanstaxis, redoute Fabrice Cavallera. S’inspirant des mesures accordées aux hôteliers, il plaide pour «unreportdes crédits pour les six prochains mois. Pour passer cet hiver difficile. En espérant que ce soit le dernier ainsi... ». Comme Fabrice Cavallera, Eric Di Malta, membre de son bureau syndical, en convient : « Le taxi niçois a véhiculé pendant des années une mauvaise image. » Trop cher, peu aimable... On connaît la chanson. « Mais l’Etat a imposé des forfaits fixes. Nous balayons dans notre corporation. Il y a une nouvelle génération ; il faut laisser une chance à ces jeunes ! »
Jeunes en péril
Sur le parking du terminal 2 au ralenti, Michaël, Thomas et Frédéric témoignent de ce péril pour les jeunes. Ils sont taxis depuis sept ou huit ans. Michaël, 36 ans, accuse «une énorme perte de chiffre d’affaires. Pour pallier à cela, je fais un peu de transport médical. » De quoi payer certains frais. Mais à l’approche des prochaines échéances pour ses crédits licence et voiture (soit 3 000 euros mensuels), Michaël ne sait « pas du tout où trouver l’argent. On a deux enfants. Heureusement, ma femme travaille. En ce moment, je vis sur son dos... ». Thomas Voiturier, 41 ans, ne peut compter que sur ses revenus. Entre « les crédits qui reprennent et les aides qui s’arrêtent, sans avoir pu mettre d’argent de côté, l’hiver va être terrible ! ». Pour limiter la casse, il multiplie les heures à l’aéroport. «Ilfaut une journée de dix-huit heures pour faire quatre courses...» Frédéric Comman, 35 ans, a acheté sa licence en juin. Lui non plus ne compte pas ses heures. « On vient ici pour limiter les dégâts. » Il a vendu son VTT et « tout ce dont [il] ne se sert pas ». Seul moyen d’assumer son crédit de 2 600 euros mensuels.
D’un taxi à l’autre, toujours la même histoire. Celle d’une interminable attente pour les 150 à 200 véhicules stationnés. « On lit, on joue aux boules, on va boire le café. On fait ce qu’on n’a pas le temps de faire d’habitude, comme la comptabilité. Mais la comptabilité, en ce moment, elle est vite faite… », s’efforce de sourire Guillaume Mia, 36 ans.
« Si ça dure, on devra déposer le bilan »
Parmi les taxis niçois, une centaine est en location-gérance. Tel Nabil Debouz, 46 ans, taxi depuis janvier. «Ce n’était pas la bonne année pour commencer... », soupiret-il. Eux ne peuvent espérer aucune aide. Nabil est sur le pied de guerre depuis 4 h du matin, travaillera peut-être jusqu’à 22 h. Il pense à sa famille, soutien indéfectible. « On subit, et on a un moral d’acier. On est conscient que ça touche tous les secteurs. Mais si ça dure, on sera obligé de déposer le bilan. »
Les solutions ? Outre un report de charges, Eric Di Malta implore les services de l’Etat d’accorder aux taxis « des forfaits à 10 euros pour les petites courses intramuros ». Même si les temps économiques sont durs, il « demande aux Niçois de prendre le taxi. Aidez-nous ! ».