Pr Didier Raoult en solo face au sénateurs
La commission d’enquête du Sénat sur le coronavirus a entendu, hier, le Pr Didier Raoult seul, après son refus de participer à une table-ronde avec deux autres chercheurs comme initialement prévu. « C’est au-dessus de mes forces » de « discuter sereinement avec des gens qui m’insultent », s’est justifié le directeur de l’Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille, en ouverture de son audition. Le microbiologiste, connu pour sa défense de l’hydroxychloroquine dans le traitement contre le nouveau coronavirus, devait initialement échanger devant les sénateurs avec l’épidémiologiste Dominique Costagliola, directrice de recherche à l’Inserm, et l’infectiologue Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat. « Je ne peux pas me retrouver à discuter avec des gens qui font une tribune pour dire que je fraude, ce n’est plus une discussion scientifique », a poursuivi le chercheur devant les sénateurs.
Dominique Costagliola figure parmi les signataires d’une tribune intitulée « Halte à la fraude scientifique », publiée le 2 septembre par Libération. Des médecins et chercheurs français de tous horizons y fustigeaient « quelques chercheurs minoritaires mais surmédiatisés » qui ont « durablement déformé et altéré l’image de la science et de la recherche », sans nommer le professeur marseillais. Didier Raoult s’en était pour sa part pris, lors de son audition à l’Assemblée nationale, aux supposés « conflits d’intérêts » des membres du Conseil scientifique chargé de conseiller l’exécutif dans la gestion de la crise sanitaire, dont fait partie Yazdan Yazdanpanah.
Dans de longues réponses volontiers très techniques et renvoyant à des « données » disponibles «on line», le scientifique a une nouvelle fois justifié la politique de tests massives de l’IHU dès le début de l’épidémie et affirmé l’efficacité de l’hydroxychloroquine.
« Donner de l’espoir »
Il s’est dit « extraordinairement surpris » par l’ampleur des mises en garde contre les effets secondaires de ce médicament, un dérivé de la chloroquine habituellement utilisé pour traiter des maladies auto-immunes. Un discours qui a trouvé un écho parmi plusieurs membres de la commission, comme le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi (LR), reprenant devant Didier Raoult l’argumentaire selon lesquels les médecins libéraux auraient été « contraints de ne pas prescrire [son] traitement » par la restriction d’utilisation de l’hydroxychloroquine au début de l’épidémie, ou la sénatrice du Jura Sylvie Vermeillet (Union des démocrates), atteinte par le Covid-19 mimars, assurant très émue que Didier Raoult avait été « le premier à nous donner de l’espoir ».
D’autres ont, en revanche, vu « une forme d’imprudence » dans l’expression publique du chercheur au début de l’épidémie, affirmant l’efficacité de l’hydroxychloroquine alors que seuls des résultats très préliminaires étaient disponibles. «Six mois après, il n’y a rien de probant », a estimé le sénateur de Paris David Assouline (PS). Des critiques balayées par le chercheur, justifiant l’importance de « donner de l’espoir » par « l’effet placebo » que cela crée chez les patients. Il a aussi défendu l’« empirisme » face aux tenants des essais cliniques randomisés en double aveugle et autres « modes méthodologiques ».
« C’est comme ça que marche la science », a-t-il affirmé.