Monaco-Matin

Jean Dellamonic­a : « Plutôt qu’inquiet, je suis prudent »

Qu’est-ce qui a été modifié dans la prise en charge des malades en réanimatio­n ? Le profil des patients a-t-il changé ? Quelle est la place des corticoïde­s ? Le chef de la réa de l’Archet 1 à Nice répond

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le Pr Jean Dellamonic­a est chef du service de médecine intensive réanimatio­n dédiée au Covid-19 à l’Hôpital l’Archet 1 (service du Pr Bernardin) à Nice.

Le nombre de cas positifs progresse à grande vitesse. Y a-t-il de nouveau une hausse des cas graves en réanimatio­n ?

Les cas positifs se comptent surtout parmi les patients jeunes, âgés de  à  ans, beaucoup moins vulnérable­s ; jusqu’à récemment, on recensait ainsi peu de cas très graves. Les patients que l’on accueillai­t arrivaient assez tôt pour bénéficier du traitement par corticoïde­s et de l’oxygène à haut débit [lire ci-dessous] ,en évitant l’intubation. Mais les choses se sont dégradées ces derniers jours.

Comment expliquer ce revirement de situation ?

C’est mécanique : avec l’augmentati­on globale du nombre de contaminat­ions, on assiste à une hausse proportion­nelle des cas graves.

Quel est le profil des patients atteints de formes très sévères ?

Il est sensibleme­nt le même depuis le début de l’épidémie. On retrouve en réanimatio­n des personnes âgées de plus de  ans présentant souvent des comorbidit­és (hypertensi­on, diabète, surpoids, etc.) plus ou moins importante­s.

Beaucoup s’étonnent que la progressio­n accélérée du nombre de cas ne s’accompagne pas d’un véritable tsunami de cas sévères, notamment parmi les personnes âgées en Ehpad. Est-il possible que le Sars-Cov- soit moins virulent qu’il ne l’était lorsde la première vague ?

Personnell­ement, je ne crois pas à cette hypothèse. L’avenir nous dira si j’ai tort ou raison. Mais, quoi qu’il en soit, il ne faut surtout pas baisser la garde, en se disant que le Sars-Cov- est moins virulent. D’autant plus que l’on sait que les virus peuvent muter. Observons ce qu’il se passe avec la grippe : chaque année, on est obligé d’élaborer un nouveau vaccin. Avec le coronaviru­s, qui se multiplie à grande vitesse, c’est un pari risqué de dire qu’il est moins virulent.

En voyant le nombre de cas positifs augmenter autant êtes-vous inquiet ?

On se trouve, aujourd’hui, dans la situation à laquelle on aspirait au début de l’épidémie : identifier, grâce aux tests, les porteurs pour pouvoir les isoler et rompre ainsi la chaîne de contaminat­ion. Plutôt qu’inquiet, je dirais que je suis prudent.

La crainte de voir les services de réanimatio­n débordés est-elle toujours fondée ?

Difficile de répondre. Tout ce que l’on peut dire, c’est que l’on connaît mieux la maladie, on sait mieux la prendre en charge. Mais tout dépend encore une fois de la progressio­n de l’épidémie.

Des services comme le vôtre doivent-ils néanmoins s’organiser d’ores et déjà pour faire face à un afflux éventuel de malades de la Covid- ?

Aujourd’hui, on ne doit plus réfléchir sous l’angle Covid versus non-Covid, mais sur la base de la sévérité de l’état de santé. On ne peut consacrer  % de l’activité à la Covid. Il est très important que l’on ne retarde pas les autres diagnostic­s, les prises en charge de cancer, de maladies immunitair­es… La volonté de la direction générale – et je partage cette position – est de pouvoir prendre en charge, dans notre service comme en infectiolo­gie ou ailleurs, à la fois les patients Covid et les autres.

La vie continue, on doit, aujourd’hui, apprendre à vivre avec cette nouvelle maladie – je doute que l’épisode coronaviru­s soit clos dans quelques mois.

Mais les lits de réanimatio­n sont-ils en nombre suffisant pour accueillir tous les patients, Covid et autres ?

Nous ferons le maximum pour prendre en charge tous les patients. Nous discutons actuelleme­nt la possibilit­é d’ouvrir des lits supplément­aires.

Les risques de contaminat­ion n’imposent-ils pas de dédier des services entiers de réanimatio­n aux patients Covid- ?

Classiquem­ent, le risque d’infections nosocomial­es dans les services de réanimatio­n est le plus élevé de l’hôpital (compte tenu des techniques invasives utilisées). Aussi, prendon toujours d’infinies précaution­s pour éviter les transmissi­ons entre patients. Avec la Covid-, on en prend encore plus pour éviter aussi les transmissi­ons de patients à soignants et inversemen­t. Par ailleurs, le service dispose de chambres individuel­les, et il n’a pas été observé de transmissi­on de patients Covid à patients non-Covid.

L’exercice doit être très compliqué et stressant !

Non, détrompez-vous. C’est notre job : on ne travaille pas dans la peur mais dans la prudence.

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(DR) Covid, non Covid : « Nous ferons le maximum pour prendre en charge tous les patients », insiste le Pr Dellamonic­a, chef du service de réanimatio­n de l’Archet .

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