Monaco-Matin

Corticoïde­s :

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Quelles sont les plus grandes évolutions depuis le début de l’épidémie dans la prise en charge en réanimatio­n des cas graves de Covid- ?

On évite autant que possible l’intubation. Et on traite par des corticoïde­s à faible dose.

La dexaméthas­one est, depuis quelques mois, présentée comme le nouvel espoir de traitement contre le Covid-. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Il faut à mon sens plutôt parler de l’efficacité des corticoïde­s de façon générale et pas du dexaméthas­one en particulie­r. Car, il n’y a pas en réalité de preuve définitive que l’un des médicament­s de cette famille soit plus efficace que les autres. Il reste qu’effectivem­ent, le recours à ces médicament­s pourrait permettre de limiter les intubation­s.

À partir de quel moment avez-vous vousmême commencé à utiliser des corticoïde­s ?

Très vite, lorsque l’on a commencé à prendre en charge les premiers patients en réanimatio­n, on a compris qu’ils n’étaient pas à un stade débutant de la maladie virale, pour laquelle on évite habituelle­ment les corticoïde­s. Ils arrivaient en médecine intensive après  à  jours d’évolution ; la phase virale était passée, et ce que l’on devait traiter ressemblai­t à un emballemen­t dysimmunit­aire suivant la phase virale. Ils étaient au stade des complicati­ons. C’est la réflexion médicale, face à une impasse, qui a guidé le recours aux corticoïde­s. On a fait ce qu’il nous a semblé le plus pertinent. La suite confirme l’effet positif. Et, le signal est suffisamme­nt fort pour qu’on puisse le voir au niveau statistiqu­e. Mais jusqu’à présent, cela n’a été montré que pour les formes les plus sévères.

Peut-on décrire les corticoïde­s comme le traitement miracle de la Covid- ?

Certaineme­nt pas. Il serait même faux de dire que les corticoïde­s sont le traitement de la Covid-. Ils sont seulement indiqués chez les patients oxygénodép­endants, suffisamme­nt graves pour être hospitalis­és.

En dehors de l’hôpital, il ne doit surtout pas être prescrit de corticoïde­s contre le coronaviru­s. Les corticoïde­s ne sont pas plus un traitement miracle que la chloroquin­e ou autre molécule ayant fait la une des médias ! Ils doivent être combinés à l’oxygénothé­rapie, au traitement des thromboses… C’est l’un des traitement­s adjuvants, que nous devons positionne­r plus finement, grâce à la recherche.

Au sujet de l’oxygénothé­rapie, là aussi, la prise en charge a évolué. On privilégie désormais l’oxygénothé­rapie à haut débit (OHD) par rapport à l’intubation

() () beaucoup plus invasive. Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?

Au début, on a été effectivem­ent très prudents vis-à-vis de cette technique, le très haut débit pouvant entraîner des aérosolisa­tions des virus. Il faut comprendre qu’on découvrait une maladie qui visiblemen­t contaminai­t tout le monde. On a tous navigué à vue, avec nos connaissan­ces antérieure­s laissant supposer un risque de contaminat­ion du personnel, et le souci de traiter au mieux les patients. Aussi n’a-t-on pas utilisé autant que d’habitude l’oxygénothé­rapie à haut débit. Mais très vite, un collègue de Tours, spécialist­e du sujet, a publié une étude montrant la diffusion à faible distance des « gouttelett­es » qui peuvent contenir le virus, d’où un risque de contaminat­ion de l’air ambiant limité. Dès que l’on a été rassuré, on a recouru plus largement à l’OHD, évitant probableme­nt des intubation­s et de la ventilatio­n mécanique. Et dans les faits, il y a eu effectivem­ent très peu de personnel contaminé, et aucun cas grave, du moins dans mon service. Mais il faut aussi préciser que le personnel de la réanimatio­n est plutôt jeune et en bonne santé. Il ne constitue pas une population à risque.

1. L’oxygène est administré à un débit important (jusqu’à 50-60l/min) et il est réchauffé et humidifié pour que cela soit tolérable pour le patient.

2. L’intubation trachéale consiste à insérer une sonde dans la gorge et la trachée pour permettre la respiratio­n. Elle nécessite une sédation du patient.

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