Cacophonie médicale
La Covid- a déjà fait plus de morts et une victime collatérale : la crédibilité de la parole scientifique. Jamais maladie nouvelle ne fit l’objet d’autant d’analyses, de diagnostics et de prévisions, livrés au public en temps réel, par les experts les plus qualifiés. A l’heure du tout-info, virologues, épidémiologistes et autres urgentistes, médecins « de base » ou sommités, ont annexé les plateaux télé, ravissant la vedette aux politiques et aux stars du showbiz. Et à l’évidence, beaucoup adorent ça… Plaisanterie qui court dans le milieu : quand on fait le , on tombe sur le standard de BFMTV. Les épidémies sont tant propices aux rumeurs et aux récits fantasmagoriques. Que les journalistes s’en remettent à plus compétents qu’eux, c’était – pensaiton – une garantie de sérieux et de rigueur. Hélas ! La triste vérité est que ce défilé de blouses blanches a plutôt ajouté à la confusion, à l’inquiétude, et quelquefois à la propagation de divagations complotistes.
Nous n’aurons pas la cruauté (encore moins la place !…) de dresser la liste des erreurs, spéculations hasardeuses et prédictions péremptoires… péremptoirement démenties par les faits. Tels qui adjuraient le gouvernement, fin février, de ne pas sur-réagir, et lui reprochaient quelques jours après de ne pas avoir confiné plus tôt. Tel autre qui sifflait la « fin de partie » quand elle commençait à peine… Il y faudrait un livre. Il ne s‘agit pas de leur en faire grief. Face à l’inconnu, on ne se trompe pas : on apprend. On s’adapte. On corrige. Au moins auraiton souhaité que des esprits scientifiques fassent preuve de plus de prudence (le média, il est vrai, n’y pousse pas : le doute « passe » mal à la télé). Et qu’ils s’abstiennent aujourd’hui de jouer les « je l’avais bien dit ». Les paroles s’envolent. Les vidéos restent. La vérité, c’est qu’à quelques exceptions près, ceux à qui on avait besoin de se fier se sont beaucoup contredits, et plus grave, n’ont cessé de se contredire les uns les autres. Une « battle » médicale sans fin, attisée par les médias, pour qui rien n’est plus frustrant que le consensus. Envenimée par les arrièrepensées politiques – quand les uns défendent la gestion de l’épidémie par le gouvernement, les autres y voient une succession ininterrompue d’erreurs criminelles, dont les ministres devront répondre. Après la furieuse bataille, toujours en cours, entre pro et anti-raoultiens, la polémique rebondit de plus belle sur d’autres fronts. La seconde vague ? Elle est là, devant nous / Mais non, c’est une psychose entretenue par le pouvoir et les médias ; l’épidémie est finie. Les jeunes vont contaminer les plus âgés, ce sera une hécatombe / Mais pas du tout : ils sont très peu contagieux. L’explosion de la mortalité, c’est pour dans jours / Faux, si elle avait dû avoir lieu, elle serait déjà là. Le gouvernement est bien trop laxiste, il faut durcir les mesures prophylactiques / Il en fait bien trop, au contraire, et nous conduit vers une dictature sanitaire. Le masque partout et pour tous ! / Mais non, en milieu ouvert, ça ne sert à rien ! Paroles de médecins. Et pas des moindres. Tribune contre tribune, expertise contre expertise, renom contre renom. Pour ne rien dire des réseaux sociaux, où le débat – relayé par les meutes de fans – tourne à la bataille de chiffonniers, avec tous les excès propres à la culture FaceBook-Twitter. Entendons-nous. La controverse scientifique est saine et légitime. C’est ainsi que la science progresse. Mais pas comme ça. Pas en place publique. Pas au milieu de la bataille. Car un des effets de cette cacophonie, c’est que les Français, saoulés d’avis et d’injonctions contradictoires, n’y comprennent plus rien et doutent de tout. Y compris du bien-fondé des mesures sanitaires qu’on leur impose. Et ça, le coronavirus adore !
« Plaisanterie qui court dans le milieu : quand on fait le 15, on tombe sur le standard de BFMTV »