Charlie : La drôle de cavale des frères Kouachi
Durant leurs 53 heures de fuite, les tueurs n’ont pas tout fait pour échapper aux radars, attendant manifestement une confrontation avec les forces de l’ordre pour “mourir en martyr”
Et si les frères Kouachi, une fois leur objectif atteint à Charlie Hebdo, avaient eu l’intention de poursuivre leur course sanglante à travers Paris ? L’hypothèse est parfaitement plausible. Dans la Citroën C3 abandonnée par les deux terroristes, les enquêteurs ont en effet retrouvé un équipement complet : pack d’eau, matériel de survie, couteaux, lampes frontales, talkieswalkies, gyrophare bleu, caméra GoPro, matraque, holster, chargeur de kalachnikov, ainsi que de quoi confectionner une dizaine de cocktails Molotov. Contraints d’abandonner tout ce matériel, les deux hommes emporteront avec eux leurs fusils d’assaut et un lance-roquettes équipé d’une charge antichar, avec désormais l’objectif de mourir en martyr. « Ils s’étaient préparés en se rasant les aisselles et le pubis, pour rejoindre leur Dieu. Il ne fait guère de doutes qu’ils voulaient aller à la confrontation », confirme à la barre le commissaire de la Sous-Direction Anti-terroriste (Sdat) venu raconter « l’enquête hors-normes » déclenchée dès le 7 janvier 2015. Une procédure tentaculaire générant en l’espace de 14 jours la rédaction de 2 400 procès-verbaux et le recueil de 400 témoignages et 2 182 scellés pour un dossier de près de 20 000 feuillets.
A visage découvert
Au-delà de ces éléments, qui serviront de base pour la gigantesque procédure judiciaire qui suivra, le récit de la cavale des tueurs a donné hier la nette impression que ceux-ci n’avaient pas fait grand-chose pour échapper à leurs poursuivants.
Ainsi, lorsqu’ils accidenteront la C3 en plein Paris et braqueront le conducteur d’une Clio grise, ils le feront à visage découvert, Cherif Kouachi disant au propriétaire du véhicule : « Si les médias t’interrogent, t’as qu’à dire Al Qaeda Yémen ».
Dès le lendemain matin, 8 janvier, à 9h20, les deux frères se signalent en braquant une station-service à Villers-Cotterêts. Là encore, ils agissent tête nue devant les caméras de surveillance, demandant à l’employé terrorisé s’il les reconnaît et lui enjoignant « d’attendre cinq minutes » avant d’appeler la police. 24 heures plus tard, le matin du 9 janvier, au bord d’une route secondaire, ils arrêtent cette fois la conductrice d’une 206, lui laissent récupérer ses affaires et son téléphone portable avant de reprendre leur route. «A chaque fois, ils se montrent calmes, courtois et soucieux de savoir si les gens les reconnaissent », précise le commissaire de la Sdat. « Ne veulent-ils pas en fait attirer l’attention sur eux ? », l’interroge un avocat de la partie civile. «On s’est posé la question », reconnaît le chef enquêteur. « Ce qui était dans la C3 pouvait leur permettre de tenir », observe-t-il, mais à partir du moment où ils abandonnent leur matériel, « ils veulent en découdre ».
Le janvier à h , les armes à la main
Ce 9 janvier, à 16 h 50, sur le parking de l’imprimerie CTD, à Dammartin-en-Goële, 53 heures après la tuerie de Charlie Hebdo, le GIGN donnera l’assaut alors que les deux frères sortent armes à la main et ouvrent le feu. Auparavant, Cherif Kouachi avait pris le temps de répondre par téléphone aux questions d’un journaliste de BFM-TV.