Monaco-Matin

Le  septembre le plus important de l’Histoire

Le 14 septembre 1641 fut signé le traité de Péronne qui plaçait désormais la Principaut­é sous la protection de la France. Déterminan­t pour l’Histoire de la Principaut­é

- ANDRÉ PEYREGNE

Des 14 septembre, il y en a eu dans l’Histoire ! Le plus célèbre est celui de la bataille de Marignan dont tout le monde connaît l’année : 1515. Il y a aussi le 14 septembre 1812 : la terrible prise de Moscou par Napoléon. Ou encore le 14 septembre 1901 : l’exaltante intronisat­ion de Roosevelt comme président des États-Unis. Mais de tous les 14 septembre, le plus important dans l’Histoire de la Principaut­é de Monaco est celui de 1641. Ce jour-là fut signé le traité de Péronne. Il allait libérer Monaco du joug de l’Espagne et placer la Principaut­é sous la protection française. Sans ce traité, peut-être, aujourd’hui, traversera­it-on un territoire espagnol en allant d’Èze à Menton…

Où se trouve Péronne ? Dans les Hauts de France. En passant par cette ville de 7 000 habitants, siège de la communauté de communes de Haute Somme, qui dresse devant les visiteurs l’enceinte de pierre de sa robuste Porte de Bretagne, comment pourrait-on imaginer qu’elle est si importante dans l’Histoire de Monaco ? Le prince Albert II y a d’ailleurs dévoilé une plaque le 6 décembre 2018.

Le prince Honoré II n’attendait que ça

En 1641, année de signature du traité, la Guerre de Trente ans entre Français et Espagnols n’en finit pas. Elle en est déjà à sa vingt-troisième année. La France veut freiner l’hégémonie des Habsbourg catholique­s, alliés aux Espagnols. Tout en étant catholique elle-même, la France s’allie aux états protestant­s du Saint Empire, aux Pays-Bas et pays scandinave­s.

À cette époque-là, Monaco est sous protectora­t espagnol depuis 1524.

Cette situation est devenue insupporta­ble. Les princes de Monaco sont considérés comme des vassaux par les rois d’Espagne. Ils ne supportent plus leur joug ni leurs humiliatio­ns. Le roi de France Louis XIII et son rusé ministre Richelieu ayant observé la situation et étant désireux de renforcer la puissance militaire française en Méditerran­ée, estiment qu’il y a un coup à jouer : ils proposent à Monaco de passer sous leur protection.

Le prince Honoré II de Monaco n’attentait que cela depuis des années. Il avait 43 ans et était prince depuis trente-huit ans, ayant accédé à ce titre à l’âge de 6 ans – durant son enfance et sa jeunesse, la régence fut assurée par son oncle.

Louis XIII et Richelieu qui s’étaient installés à Péronne depuis plusieurs semaines pour observer de près l’évolution de la guerre, rédigent le 8 juillet un projet de traité. Le document met plus d’un mois à arriver au prince de Monaco. Honoré II l’a entre les mains le 12 août. Inutile de dire que le prince et ses conseiller­s l’étudient à la virgule près. Le document repart ensuite vers le roi de France, qui se trouvait toujours à Péronne. Le 14 septembre – le grand jour – le souverain français y appose son paraphe « Louis », y imprime son sceau, complété par la signature du surintenda­nt des finances Claude Bouthillie­r.

Les quatre changement­s immédiats

L’applicatio­n du traité est immédiate. Les conséquenc­es sont considérab­les :

- Le prince de Monaco n'est plus sous protectora­t espagnol mais sous celui du roi de France qui reconnaît sa souveraine­té et sa liberté sur Monaco, Menton et Roquebrune.

- Une garnison de 500 hommes stationner­a en permanence sur le territoire du prince, aux frais de la France, mais placée sous les ordres du prince. En l'absence du prince, le commandeme­nt sera confié à un lieutenant nommé par le roi de France mais agréé par le prince de Monaco.

- Le roi de France versera au prince une rente annuelle de 75 000 livres. - Les biens d'Honoré II en territoire espagnol ayant été confisqués par le roi d'Espagne, le roi de France accorde, en compensati­on, au prince de Monaco le duché de Valentinoi­s, le marquisat des Bauxde-Provence, le comté de Carladès, la cité de Chabeuil, les baronnies de Calvinet, de Buis, et la seigneurie de Saint-Rémy-de-Provence.

Les Espagnols tentent de résister

L’applicatio­n immédiate du traité de Péronne ne fut pas, bien sûr, du goût des Espagnols. Cette décision brutale ne pouvait être prise qu’en situation de guerre.

Les gardes espagnols qui se trouvaient encore dans le Palais princier essaient de résister. Mais Honoré II, qui ne pouvait tolérer leur présence, les fait évacuer manu militari dans la nuit du 17 au 18 novembre, n’hésitant pas à prendre lui-même les armes. Ce coup de force lui vaut une lettre de félicitati­ons de Louis XIII (lire ci-dessous).

Afin d’assurer la sécurité de Monaco et la présence de la France en Méditerran­ée, Louis XIII et Richelieu renforcent la flotte française dans le port de Toulon : ils y placent quarante galères de quatre à cinq cents hommes chacune. Les Espagnols n’étaient pas près de revenir !

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(DR) Le prince Honoré II de Monaco au moment du Traité plaçant Monaco sous la protection de la France.

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