Emma B., miss féministe et antiraciste ?
Cette étudiante niçoise, surgie de nulle part, a porté la manifestation contre les violences policières. Aujourd’hui, elle concourt pour Miss France à Vallauris. Paradoxe ou nouveaux codes ?
Peut-on être féministe et concourir pour Miss France ? S’imposer comme la porteparole du mouvement local Black Lives Matter (les vies noires comptent) après la mort de George Floyd et défiler sur un podium en maillot de bain ?
Il y a six mois, Emma B., cette étudiante niçoise inconnue au bataillon, a pris de court le monde de gauche militant en réussissant un coup de maître : faire descendre dans les rues de Nice des milliers de personnes contre les violences policières. Sans amalgame, sans animosité et sans débordements alors que la manifestation était interdite et redoutée par la préfecture.
« Ce titre pourrait être une tribune »
Vingt ans, brindille aux cheveux afro issue d’une histoire d’amour métissée, Emma B. s’est imposée comme le nouveau visage de l’antiracisme à Nice. Hyperactive sur Twitter, elle s’est construite. Voix qui a porté avec conséquence la cause des minorités, féministe, antiraciste, pourfendeuse des discriminations lors de la rentrée du centre LGBT, la semaine dernière. Et puis, elle a annoncé sur son compte Twitter qu’elle était candidate à Miss France. Prenant de court (une nouvelle fois) ses soutiens (pas tous).
« J’ai toujours aimé regarder les soirées Miss France en famille. Il y a deux mois, un ancien membre du comité Miss Paca m’a incitée à m’inscrire. Je l’ai fait », résume simplement Emma B., qui concourra ce soir à Vallauris pour devenir Miss Vallauris-Golfe Juan 2020. Un premier pas vers Miss Côte d’Azur puis Miss France.
Pas question pour elle de « renoncer au militantisme » une seconde. La question : peut-on être féministe et Miss, elle « l’attendait » : « Je ne serai jamais la Miss classique. Rien ne change, c’est juste challengeant de mélanger ses combats et ses rêves. Il n’est pas question que je me lisse les cheveux ou que j’abdique quoi que ce soit. Ce titre pourrait être une tribune ! »
Femme objet ?
Challengeant ? Pas sûr que cela parle aux féministes pures et dures. « On n’a pas la même approche. Le concours de Miss France est rétrograde, basé uniquement sur le physique. Il en appelle à une image biaisée de la femme, pure et parfaite, la femme objet », oppose Marie Lopez, de l’association « Culottées » qui respecte cependant « le choix personnel d’Emma ». Est-ce si simple ? Erwann Le Hô, président du centre LGBT Côte d’Azur, rappelle le b.a.-ba du féministe : « Dispose de ton corps comme tu veux. » Et prône l’évolution dans la lutte : « Il n’y a pas forcément d’incohérence quand il s’agit de dire : j’investis cet événement et j’y porte mon message. La journaliste Léa Salamé, qui a écrit un livre sur les femmes puissantes, explique elle-même que les jeunes femmes, aujourd’hui, imposent leur façon de parler, leur militantisme, leurs codes. Emma, c’est ça : se présenter à Miss France c’est pas juste cosmétique, c’est une vraie tribune une revendication, ça a un vrai sens politique. »