Monaco-Matin

«Sionseprot­ège,on peut continuer de vivre »

Chef du service d’infectiolo­gie du CHU de Nice, le Pr Michel Carles insiste sur la nécessité du renforceme­nt des mesures barrières pour éviter ce que chacun redoute : le confinemen­t

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le Pr Michel Carles dirige le service d’infectiolo­gie du CHU de Nice. Il rappelle que si on a dû subir le confinemen­t, c’est « parce que les mesures préventive­s préalables avaient été dépassées ». Un message clair.

Comment décririez-vous la situation actuelle ?

La situation est tendue, sérieuse, les admissions en infectiolo­gie et réanimatio­n progressen­t. Mais, dire, comme certains, que l’on est au bord du désastre signifiera­it que l’on a perdu le contrôle de la situation. C’est faux.

Il reste qu’à Marseille, la e vague est déjà plus élevée que la première. Cela pourrait-il être aussi le cas ici ?

Ce qui va se passer dans les deux prochaines semaines est la résultante de la circulatio­n virale au cours des deux semaines passées, on ne peut donc ni la prédire, ni l’éviter. Par contre, ce qui compte, c’est écrêter et ralentir – ce qu’on avait déjà dit lors de la première phase — l’évolution ultérieure de l’épidémie. L’enjeu étant d’éviter le confinemen­t, situation terrible. Et tout ce qui peut mettre en oeuvre, en termes de mesures barrières, pour écrêter la vague, doit être encouragé.

À commencer par la distanciat­ion sociale ?

Oui et non. Le terme est mal choisi : les mesures barrières, ce n’est pas la distanciat­ion sociale, mais physique. Il faut laisser les gens vivre, avoir une vie sociale mais leur rappeler l’importance de respecter une distance d’un mètre dans l’espace public. C’est aussi dans cet espace, au niveau des matériels et supports que l’on est susceptibl­e de « récupérer » et « coller » sur son visage le virus. Dès qu’on touche des supports, une poignée, une porte de supermarch­é, une barre de tramway etc., on est susceptibl­e de rentrer en contact avec le virus. L’hygiène des mains doit devenir un tic de comporteme­nt permanent. Éviter d’attraper le virus par le manuportag­e est au moins aussi important que porter un masque – correcteme­nt — ou rester à un mètre de distance.

Une majorité de Français respectent les consignes, et cela n’empêche pas le virus de circuler et les gens de se contaminer…

C’est vrai qu’on ne peut empêcher totalement une circulatio­n virale. Mais on peut la freiner. Et les conséquenc­es en termes de tension sur le système de soins sont très différente­s selon qu’à un temps t,  ou  personnes sur   habitants sont contaminée­s.

La tension sur le système de soins reste aujourd’hui encore la préoccupat­ion majeure.

C’est en effet, avec la fragilité face au virus des personnes âgées et des immunodépr­imés, ce qui nous préoccupe le plus. Si on met le système de soins en état de saturation, on crée une menace grave pour la société en arrêtant les activités économique­s.

La crise, aussi révélatric­e, de la faiblesse de notre système de soins ?

Notre système de soins n’est pas en capacité de faire face à un niveau d’endémie virale aussi élevé. Il est déjà en tension, rencontre des difficulté­s de recrutemen­t… On se retrouve aujourd’hui confronté à une double injonction complexe : maintenir les activités programmée­s et prendre en charge les malades de la Covid-. Si la situation s’aggrave, et compte tenu de la problémati­que des effectifs - que le Ségur de la santé n’a pas résolue — on va devoir déprogramm­er.

D’autres pays sont-ils mieux armés pour affronter la crise ? On pense à l’Allemagne en premier lieu.

Il a été effectivem­ent dit que les Allemands s’en étaient mieux sortis lors de la première vague, parce qu’ils avaient un meilleur système de soins. Ça a été aussi le cas des Grecs, mais les concernant, on n’a pas fait l’apologie de leur système de soins ! Plus sérieuseme­nt, l’épidémie n’est pas le reflet principale­ment du système de soins. Il y a des variations épidémiolo­giques liées aux facteurs contextuel­s de l’épidémie virale. La pénétratio­n dans une population donnée n’est pas forcément la même : des critères environnem­entaux, comporteme­ntaux, génétiques… Intervienn­ent.

Peut-on à ce stade craindre un nouveau confinemen­t ?

Si on teste, trace et surtout que tout le monde applique correcteme­nt les mesures barrières, on n’aura probableme­nt pas besoin de confiner.

On n’y a pas échappé lors de la première phase…

Toutes les mesures préventive­s préalables avaient été dépassées ; on n’avait pas les tests pour mesurer la circulatio­n virale, on n’avait pas les masques pour empêcher la transmissi­on, tout ce qui nous restait c’était le confinemen­t. C’est différent aujourd’hui : si on se protège, on peut continuer de vivre.

Alors, oui, c’est vrai qu’au début, avec la covid, on a un peu dit : « arrêtez de vivre ! » Aujourd’hui, le discours est sensibleme­nt différent. On dit : “continuez à vivre, mais protégez-vous, et protégez les personnes fragiles de votre famille !” Quand l’épidémie de sida est arrivée, on n’a pas dit : arrêtez de faire l’amour ! On a dit protégez-vous sinon, vous-même, et la société, allez en payer le prix fort. Pour la Covid c’est pareil.

Connaît-on mieux les sources de contaminat­ion ?

Les deux principale­s sont le lieu de travail et les réunions familiales. En famille, les gens se sentent en confiance, ils ont du mal à imaginer qu’un proche peut représente­r un danger et ils baissent la garde. En famille, comme ailleurs, il est important de respecter les mesures barrières, sans s’interdire de se retrouver.

Jusqu’à quand toutes les mesures barrières devrontell­es être respectées ?

Jusqu’au moment où on aura une solution : soit sous la forme d’un vaccin – mais aura-t-on un vaccin efficace rapidement, ce n’est pas sûr ? —, soit parce que le virus aura disparu mais avec la possibilit­é qu’il revienne de façon saisonnièr­e.

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 ??  ?? « Dire que l’on est au bord du désastre signifiera­it que l’on a perdu le contrôle de la situation. C’est faux», déclare le Pr Carles. (DR)
« Dire que l’on est au bord du désastre signifiera­it que l’on a perdu le contrôle de la situation. C’est faux», déclare le Pr Carles. (DR)

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