Monaco-Matin

Xavier, miraculé de Beyrouth

Le 4 août dernier, ce lycéen de 17 ans et sa famille ont réchappé à l’explosion qui a détruit la capitale libanaise. Ils ont décidé de s’installer à Cannes pour commencer une nouvelle vie

- ÉRIC FAREL efarel@nicematin.fr

Achrafieh, le quartier chrétien de Beyrouth. Xavier Moussalem, 17 ans, y occupe avec ses parents et son frère aîné, un appartemen­t cossu de huit pièces, niché au 11e étage d’un immeuble. Il y mène une vie tranquille, une vie normale de lycéen, rythmée par l’insoucianc­e de son âge et ses tracas d’adolescent. Jusqu’au 4 août dernier... Ce jour-là, aux alentours de 18 heures, une double explosion souffle le port de la capitale libanaise. Bilan : 190 morts, 6 500 blessés, 8 000 bâtiments endommagés ou détruits, 12 milliards d’euros de dégâts.

Le logement des Moussalem, lui aussi, a été soufflé. Mais Xavier n’a rien. Son père, sa mère, son frère sont indemnes. C’est un miracle. « Un miracle, en effet, confirme le jeune garçon. En fait, nous avions décidé cet été de louer une maison à la montagne, à 25 kilomètres de chez nous, pour y passer les vacances. C’est la première fois que nous faisions cela. Mais régulièrem­ent, on redescenda­it à Beyrouth et ce 4 août, précisémen­t, on est passé à l’appartemen­t avec ma mère. A-t-elle eu un pressentim­ent ? En tout cas, elle a voulu repartir plus tôt que prévu à la montagne. Et dès qu’on est arrivé là-haut, ça a éclaté ! »

« Trente ans de guerre en six secondes »

La famille Moussalem n’a rien vu de l’explosion. « Tout simplement, parce que nous nous trouvions sur le versant opposé. Par contre on a entendu un bruit assourdiss­ant, senti que tout tremblait au point que l’on a même pensé que ça venait de tout près. On s’est précipité à l’intérieur pour allumer la télé et c’est là qu’on a appris que l’explosion avait eu lieu à Beyrouth, sur le port. »

Sur le petit écran, commencent à défiler les images de dévastatio­n, de bâtiments soufflés par la déflagrati­on. Les Moussalem s’inquiètent de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches et de leurs amis. « On les a très vite appelés pour prendre de leurs nouvelles. Il y a eu beaucoup de blessés parmi eux. »

Et puis, c’est la découverte de leur appartemen­t. « Il est situé tout près du port et, du 11e étage, on a vue directe dessus. On l’a retrouvé complèteme­nt ravagé. Avec mon frère, on avait l’habitude de passer du temps sur le balcon. Si on s’était trouvé là, je pense qu’on aurait été éjecté dans le vide et qu’aujourd’hui, on serait mort, tout simplement. Je me suis rendu aussi sur les lieux de l’explosion. Tout est détruit, en fait la moitié de la ville n’existe quasiment plus, 300 000 familles ont perdu leur logement. C’est trente ans de guerre en six secondes. » Décision est alors prise de venir vivre en France. « Avec la crise économique et politique au Liban, on commençait déjà à en parler mais on ne pensait pas avoir à partir aussi précipitam­ment. Le problème est que notre appartemen­t n’est plus habitable et qu’il faudra plusieurs mois pour le remettre en état. À Cannes, nous possédons une maison où on venait passer les vacances. Mon père est cardiologu­e et son diplôme lui permet de travailler en France. Ma mère, elle, gère des sociétés à Beyrouth et elle peut le faire d’ici. Mon frère, enfin, termine ses études à Paris. » Quant à Xavier, qui a la nationalit­é française, il a intégré une classe de terminale à l’institut Sainte-Marie de Chavagnes. « C’est un changement de vie. C’est triste de quitter le Liban parce que j’ai toujours vécu là-bas et que j’y ai tous mes amis. C’est un pays que j’adore et même si physiqueme­nt je suis ici, je pense à ma vie d’avant. »

« Que l’on redevienne un pays civilisé ! »

Mais l’adolescent est lucide : ce qui se passe chez lui est terrible... « Au-delà de la crise sanitaire et de l’explosion, la situation économique est dramatique. Au niveau des banques, les dépositair­es ont leur argent bloqué et la dévaluatio­n est hallucinan­te. Le dollar qui était à 1 500 livres libanaises se négocie aujourd’hui à 10 000 livres. Sur place, 60 % des gens vivent sous le seuil de pauvreté. Beaucoup se sont appauvris et ne peuvent même plus acheter de quoi manger. Et ceux qui ont perdu leur appartemen­t, n’ont d’autre choix que de se loger chez des amis. Alors, mon souhait le plus cher est que tout rentre dans l’ordre, que l’on redevienne un pays civilisé où l’on peut vivre dignement sans crainte pour sa sécurité. »

Le retour au pays ? Xavier y pense bien sûr. « Évidemment, ce n’est pas pour tout de suite. Tout dépendra de l’évolution de la situation là-bas. Ce qui est certain, c’est qu’on n’est pas parti définitive­ment. Je considère que l’on s’est absenté jusqu’à nouvel ordre. » Et du haut de ses 17 ans, il tient à adresser ce message clair à ceux qui tiennent les rênes de la politique : « Qu’ils gèrent le Liban comme un pays et pas comme une société. Il faut que tous ces politicien­s arrêtent de penser que notre nation n’est rien d’autre qu’une entreprise. »

Un voeu pieux pour un nouveau départ...

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(DR) Le jour où Beyrouth a basculé dans le chaos, Xavier se trouvait à  km de là. Un vrai miracle !

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