« Le masque ne nous oblige pas à nous taire »
Plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel lancé en France par les syndicats CGT, FSU et Solidaires. Objectif : relancer la mobilisation sociale, dans un contexte de crise sanitaire
Le T-shirt d’une prof arbore « Stop à l’asphyxie ». Un tract enrage contre « les licenciements Covid ». Une banderole des « gilets jaunes » annonce «la deuxième vague ». Sur une pancarte, un ouvrier cogne un patron : « Respect des gestes barrières ». Des slogans de circonstance, hier, à Nice, pour cet appel national à la grève lancé par les syndicats CGT, FSU et Solidaires. En ligne de mire : le gouvernement, accusé de casse sociale et de favoriser le patronat. Avec ce message : la Covid ne doit pas empêcher la rentrée sociale, au contraire. « On est masqués mais pas muselés, reprend par exemple Hugues Jeffredo, secrétaire général Nice Métropole Côte d’Azur. On entend cette petite musique : syndicats, ce n’est pas la bonne période pour manifester. Et pourtant si ! Les réformes continuent d’avancer. Le gouvernement continue sa politique d’austérité dans la fonction publique alors que les agents ont été particulièrement présents pendant la période Covid. »
Licenciements multiples et plan de relance
Dans la manifestation partie de la place Masséna, des lésés de la crise de la Covid donc, qui pensaient pourtant avoir prouvé qu’ils étaient indispensables. « Emmanuel Macron a déclaré qu’il y a des biens qui doivent être placés en dehors des lois du marché, hurle le camion en tête de cortège. On va lui rappeler ses paroles. »
Des moyens, des salaires à la hausse, c’est notamment ce que réclament les membres du personnel hospitalier. « Les Ségur de la santé ne nous conviennent pas, on ne les a pas signés, résume une infirmière de l’hôpital L’Archet. On demandait 300 euros d’augmentation, il n’y en a eu que 183. Tout le monde n’a pas touché la prime Covid alors que, dans un hôpital, tout le monde a un rôle à jouer, y compris les agents d’entretien. Pendant la Covid, on était applaudis et là, on parle de fermetures de lits. Il est question d’une deuxième vague mais le personnel en a marre. » D’autres sont simplement venus défendre leurs idées, par solidarité. Choqués par la multiplication des plans de licenciements et le plan de relance du gouvernement. « Le grand patronat essaie de faire payer la crise aux travailleurs, raisonne Florent, un prof de 31 ans. Il faut tout faire pour maintenir les emplois, répartir le travail. Au lieu de ça, le gouvernement fait des cadeaux aux licencieurs. Ces 100 milliards d’euros, il faudrait les prendre sur les profits. »
« La colère va grandir »
Dans les rangs, masques et gestes barrières sont de mise. La manifestation s’accommode du contexte. Mais la mobilisation sociale peut-elle être mise à mal par le coronavirus ? « Elle est plus que jamais nécessaire, poursuit l’enseignant. Le confinement semble loin mais avant, il y a eu la réforme des retraites, scandaleuse : elle n’est pas annulée. Et les “gilets jaunes”. Cette colère doit s’exprimer. Porter le masque ne nous oblige pas à nous taire ».
Pourtant, la foule n’était pas assez nombreuse du goût de certains participants. Notamment de Marie, auxiliaire de vie à la retraite. « La mobilisation est d’autant plus importante que la crise sanitaire a provoqué une crise économique. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Quand la peur est distillée au quotidien, on perd son sens critique. » En fin de journée, la CGT a annoncé 2 000 personnes. 550, selon la police. «Lacolère va grandir, promet Hugues Jeffredo, de la CGT. En décembre, on a atteint du jamais vu en manifestation, à Nice. » L’avenir dira si la lutte sociale retrouvera, elle, son élan du monde d’avant.