Monaco-Matin

Au procès des attentats de  le mystère du joggeur blessé

-

C’est l’une des zones d’ombre de l’enquête sur les attentats de janvier 2015 : la cour d’assises spéciale de Paris a tenté, hier, de percer le mystère de la tentative d’assassinat d’un joggeur en banlieue parisienne, le soir de la tuerie à Charlie Hebdo.

Le 7 janvier 2015 vers 20 h 30, neuf heures après l’attaque commise par les frères Saïd et Chérif Kouachi à Charlie Hebdo, Romain est grièvement blessé par balles alors qu’il fait un jogging à Fontenay-aux-Roses, banlieue tranquille au sud de Paris. Qui a voulu tuer cet intérimair­e « au-dessus de tout soupçon » et surtout pourquoi ? Trois jours après les faits, une expertise permet toutefois une avancée significat­ive. Un rapprochem­ent balistique est opéré entre les cinq étuis percutés (douilles) retrouvés à Fontenay-auxRoses et l’un des pistolets Tokarev dont était muni Amédy Coulibaly lors de la prise d’otages le 9 janvier 2015 à l’Hyper Cacher, avant d’être abattu par les forces de l’ordre.

« Hypothèse »

Est-ce Coulibaly qui a blessé le joggeur pour tester son arsenal avant d’abattre la policière municipale Clarissa Jean-Philippe le lendemain à Montrouge et de tuer deux jours plus tard quatre personnes au supermarch­é casher, porte de Vincennes à Paris ? Son domicile principal était situé « à quelques centaines de mètres » du lieu de l’agression du joggeur, « un endroit discret, isolé ». «Un choix judicieux [...] si vous devez essayer une arme pour voir si elle fonctionne », estime le commissair­e. Mais cela restera une “hypothèse ”.»

Surtout que le joggeur exclut que son agresseur, dont il a pu brièvement croiser le regard et voir le bas du visage, soit Amédy Coulibaly.

Il raconte à la cour « l’insistance » des policiers venus l’auditionne­r le 14 janvier 2015, alors qu’il était toujours en réanimatio­n à l’hôpital. « Ils n’arrêtaient pas de demander : “Vous êtes sûr que ce n’est pas Amédy Coulibaly qui vous a tiré dessus ? Vous êtes sûr que [votre agresseur] n’était pas noir ?”», se souvient Romain.

Un « alibi assez solide »

Plus tard, alors qu’il regarde un reportage à la télévision, la photo d’un homme « l’interpelle » ;il « ressemble » à son agresseur, qu’il désigne comme Amar Ramdani, l’un des quatorze accusés au procès.

Ancien codétenu de Coulibaly, il est soupçonné de lui avoir fourni des armes. Mais il a été mis hors de cause dans la tentative d’assassinat à Fontenay-aux-Roses, en raison d’un « alibi assez solide », rappelle l’expatron de la police judiciaire des Hauts-deSeine. Son téléphone « bornait » à25kmde là et les investigat­ions ont révélé plusieurs appels entrants et sortants avec des proches au moment des faits.

A l’audience, le joggeur, qui s’est constitué partie civile, maintient ses « souvenirs ». « J’ai toujours dit que je ne pouvais pas être sûr à 100 % car je l’ai vu trois secondes et qu’il faisait sombre. Mais je suis sûr à 80 % que c’est lui », affirme Romain. Depuis le box, Amar Ramdani se désole. « Je ne sais pas comment réagir à ça. [...] Si lui, il est sûr à 80 % que c’est moi, moi je suis sûr à 100 % que ce n’est pas moi, j’ai jamais tiré sur personne. » Aujourd’hui, la cour d’assises doit entendre les proches de Clarissa Jean-Philippe, la policière municipale de 27 ans abattue par Amédy Coulibaly alors qu’elle intervenai­t sur un accident de circulatio­n à Montrouge.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco