Monaco-Matin

David Lisnard : « Si rien ne change, on va dans le mur »

Interview Le maire de Cannes défendra l’urgence du retour à l’activité lors du comité interminis­tériel du tourisme où il siège ce matin à Matignon

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARIANNE LE MONZE

«Si rien ne change, on va dans le mur. » David Lisnard participe ce matin, à Paris, au Comité interminis­tériel du tourisme. Comité qu’il a intégré, en 2017, à la demande d’Édouard Philippe, alors Premier ministre. L’occasion pour le maire de Cannes, et président du Comité régional du tourisme Côte d’Azur, de lancer l’alerte face à l’actuel Premier ministre Jean Castex. « Comme je le fais depuis mars dernier, je vais lui dire en direct, mais sans acrimonie, qu’il faut redonner de la confiance. Relancer l’activité avec des mesures sanitaires adaptées au degré du risque, lisibles pour tous, et surtout qui ne changent pas tout le temps. C’est une question de survie ! »

Quel est le thème de ce Comité interminis­tériel du tourisme ?

La situation catastroph­ique du tourisme en France, qui représente pourtant , % du PIB et deux millions d’emplois directs et indirects. La filière tourisme d’affaires est particuliè­rement touchée et ignorée des pouvoirs publics, malgré les relances des grands leaders français mondiaux. Dont Comexposiu­m, premier organisate­ur d’événements profession­nels en France, qui vient quand même de faire une procédure de sauvegarde.

Quelle est la situation de la Côte d’Azur ?

La perte atteint plus de

, milliards d’euros depuis mars dernier. Les déplacemen­ts en avion ont chuté de  % cet été. Depuis septembre, on est à - % dans l’hôtellerie.

À Cannes, l’activité du palais des Festivals

‘‘ est à - %. Si une certaine fréquentat­ion du secteur du loisir a pu être préservée, les secteurs de l’événementi­el et des congrès sont totalement sinistrés.

Avec quelles répercussi­ons locales ?

Nous allons entrer dans un désastre social et économique. Ce n’est pas encore très visible.

Il y a beaucoup de perfusions publiques, qui ont du sens, même si on ne sait pas quand on rembourser­a. Mais sur le dernier trimestre, le nombre de chômeurs inscrits en catégorie A dans le Grand Ouest a augmenté d’un tiers. On va dans le mur si les choses ne changent pas pour le tourisme d’affaires, comme pour le loisir ou l’événementi­el.

Quelle sera la nature de votre interventi­on au sein du CIT ?

Je compte soulever les problèmes liés plus particuliè­rement au tourisme d’affaires, avec ses leaders en France que sont Paris et Cannes.

Je vais l’axer sur deux points : faire remonter les difficulté­s techniques dans l’applicatio­n des dispositif­s de sauvegarde des entreprise­s. Il y a des choses précises sur lesquelles on doit obtenir des garanties.

C’est fondamenta­l pour la préservati­on des entreprise­s qui, sans les mesures de restrictio­n extérieure­s seraient viables. Ensuite, il va falloir qu’il y ait une approche sur les destinatio­ns touristiqu­es. On a un effet ciseaux sur le plan budgétaire qui va devenir difficile : il faut qu’on entretienn­e un investisse­ment pour éviter la spirale de l’écroulemen­t de l’économie et de l’emploi, mais on ne peut investir que si on dégage des capacités d’autofinanc­ement.

‘‘ On ne peut pas se surendette­r. Moi, je continue à baisser la dette. Or, l’État a fait des annonces qui, dans la réalité, ne sont pas tout à fait vraies. Je vais parler directemen­t, mais sans acrimonie, à Jean Castex de ce décalage entre ces effets d’annonce nationaux et la capacité de les exécuter localement, aussi bien dans l’aide aux entreprise­s, que dans la relation avec les collectivi­tés.

Quel est l’enjeu, pour vous, de cette réunion ?

L’État annonce  milliards de relance, mais on ne peut pas parler de relance s’il n’y a pas d’offres et de demandes. C’est de la survie dans ce cas-là. De la perfusion. L’enjeu est de relancer, de façon extrêmemen­t sécurisée sur le plan sanitaire, une activité qui redonne des perspectiv­es.

Ce que je clame depuis le  mars : maintenant que la maladie et son évolution sont connues, ce qui est vrai pour un supermarch­é, resté ouvert pendant toute la crise, doit l’être également pour une activité touristiqu­e beaucoup plus facile à contrôler. C’est ce qu’on essaie de démontrer avec [le festival] CannesSeri­es. Il faut cesser les interdits généraux sur ce seul secteur d’activité qui est le premier pourvoyeur d’emplois en France.

Que préconisez-vous ?

Il ne faut plus opposer économie et sanitaire. L’économie sait s’adapter aux risques. Mais elle meurt de l’incertitud­e. Avec des changement­s de règles permanents et souvent à contretemp­s, on ajoute de l’incertain. Depuis début septembre, la maladie décroît sur la Côte d’Azur et notamment dans l’Ouest. Or, on passe en régime d’alerte renforcée il y a  jours. C’est comme ça que Cannes a perdu le Mapic [salon de l’immobilier commercial, Ndlr].

Quelle stratégie mettre en place ?

Agissons comme pour les risques attentat, avec trois ou quatre niveaux de risque et pour chacun, des protocoles de protection adaptés au degré de la menace, très clairs pour tous, et qui ne changent pas tout le temps. C’est le moment de lancer concrèteme­nt un vrai plan d’investisse­ment dans le tourisme avec les grands investisse­urs à l’échelle de l’Europe. Au niveau local, on développe d’autres filières depuis déjà des années : Sophia, mais aussi à Cannes, la « silver économie » [ensemble des activités liées aux seniors, Ndlr], le satellitai­re… tout en défendant le tourisme, qui a de l’avenir. On réunit d’ailleurs un groupe de réflexion et profession­nels baptisé « Cannes résilience » pour élaborer le futur.

L’économie meurt de l’incertitud­e”

Agissons comme pour les risques d’attentat”

Sous quel angle aborderez-vous la catastroph­e des vallées azuréennes ?

Il faudra bien évidemment qu’il y ait un focus sur l’aide à apporter pour la reprise économique, et notamment de l’activité touristiqu­e de nos vallées totalement sinistrées.

 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? Ce matin, à Paris, le président du Comité régional du tourisme Côte d’Azur et maire de Cannes sera « combatif et constructi­f » face à Jean Castex.
(Photo Patrice Lapoirie) Ce matin, à Paris, le président du Comité régional du tourisme Côte d’Azur et maire de Cannes sera « combatif et constructi­f » face à Jean Castex.

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