Écrire avec Caroline Audibert pour exorciser Alex
L’auteure, originaire de Saint-Martin-Vésubie, invite les jeunes des vallées qui ont vécu la tempête de vendredi, à canaliser ou évacuer leur traumatisme à travers des récits libérateurs
Un atelier d’écriture pour se laver du traumatisme de la tempête Alex. Dit comme ça, l’idée peut paraître intéressante, mais sans plus. À y voir de plus près, la proposition que fait la Niçoise Caroline Audibert aux jeunes des vallées ayant subi l’apocalypse, relève presque de l’extraordinaire. Caroline. Belle. Émouvante. Connectée à un invisible bienveillant et solaire. Journaliste, réalisatrice et auteure d’ouvrages sur les Alpes, dont un, fédérateur et diplomate, sur le loup (Des loups et des hommes chez Plon).
La voix est douce, posée, mais les mots sont puissants. L’écrivaine parle. Se raconte. Aligne des coïncidences troublantes. Sa famille est de Saint-Martin-Vésubie, où elle est allée deux ans à l’école. Domiciliés route de la Madone, ses parents ont sauvé les meubles vendredi soir. De justesse. Ébranlée par ce drame climatique ? Évidemment. D’autant qu’il y a autre chose : «Cinqans plus tôt, quasiment jour pour jour, j’ai vécu une tempête épouvantable, se souvient la jeune femme. Je revenais du salon du livre de
Mouans-Sartoux. Tout d’un coup des trombes d’eau. Trois heures de déluge. Je me suis retrouvée seule sur la route. J’ai vu des coulées de boue, un rond-point transformé en tourbillon. J’ai pris la première sortie, je me suis arrêtée sur un promontoire et j’ai dormi dans ma voiture. Le lendemain, j’ai constaté l’étendue du désastre, qui m’a terriblement choquée. Une fois rentrée chez moi, je me suis mise à écrire. »
D’une traite. D’un seul jet. «Ilfallait que ça sorte. Toutes ces émotions bouleversantes, inhabituelles, où les éléments ont pris possession de ma vie, devaient prendre une forme à apprivoiser. Pour moi, l’écriture libère de la peur et du sentiment de solitude qu’on peut ressentir face à la violence des éléments... »
Expérience en partage
Énergie cathartique matérialisée par une nouvelle, dont le personnage central est victime des trombes d’eau : La femme du fleuve. Avec cinq autres immersions mystérieuses, signées d’auteures singulières de la littérature française, un livre a vu le jour :
L’Étrange féminin. Aux Éditions du Typhon. Ça ne s’invente pas ! Mieux ou pire : ce recueil de nouvelles a été lancé... vendredi 2 octobre, jour du cataclysme météorologique sur l’arrière-pays. Incroyable !
Du coup, Caroline Audibert a souhaité partager son expérience à travers un atelier d’écriture gratuit, porté par l’association niçoise Pollens qu’elle préside et qui vise à vivifier la création artistique pluridisciplinaire (1).
Un atelier virtuel, où chacun restera chez soi, derrière son écran. Thème de la réflexion : « Dans l’oeil de la tempête ». Aux participants de rédiger nouvelles, contes, journaux intimes, poésies, paroles de chansons, etc. Des histoires qui permettront « de mettre des mots sur des émotions, des phénomènes, de les faire muter et de les intégrer dans un récit grâce auquel, on s’extirpe d’une forme de sidération. Cette thérapie était déjà la vocation du théâtre antique : évacuer les passions violentes ».
Une vie à réinventer
Prendre soin de l’émotionnel avec comme supports un cahier et un stylo. « Ces jeunes ont déjà essuyé l’épreuve de la Covid et du confinement. Certains n’ont plus de maison où ne peuvent pas encore y revenir. Ils doivent réinventer leur vie. »
Un exercice à portée de main. L’idée n’est pas de faire bien, mais d’extraire un ressenti profond, de crever un abcès « afin d’enclencher un processus de réparation ». Avec la perspective, plus tard de regrouper l’ensemble des textes et de les publier dans un seul ouvrage. « Mettre en partage tous ces vécus montrerait aux jeunes qu’ils ont traversé quelque chose en commun pouvant faire socle. » 1. Voici les liens pour s’inscrire et participer à l’atelier d’écriture :
Compte Instagram : @ecristatempete https://www.instagram.com/ecristatempete/ Facebook : @Ecristatempete