Il est h, Marseille bascule sous couvre-feu...
Alors que la Côte d’Azur a échappé au confinement nocturne, récit à quelques kilomètres de là sur le Vieux-Port à Marseille où samedi à 21 h, la cité phocéenne est passée à l’heure d’hiver puissance dix…
D’un coup, ou presque. Samedi soir, à 21 h, Marseille a basculé sous couvre-feu. Entre Vieux-Port et Canebière, récit au coeur d’un passage à l’heure d’hiver puissance dix...
■ h , Cours Honoréd’Estienne-d’Orves
Étrange. Sur l’une des places les plus animées de Marseille et dans le carré des rues ultra-commerçantes avoisinantes, à quelques encablures du Vieux-Port, l’ambiance, bien que toujours festive, est à la fin de soirée. Les terrasses d’ordinaire bondées sont clairsemées. Quand elles ne sont pas carrément déjà fermées. Dans les restaurants, on sert les desserts. « Entre 20 h et 21 h ! C’est l’heure où l’on a le plus de monde ! s’exclame résigné, dans un accent rendu encore plus indéchiffrable par le masque blanc qu’il porte, Singh Kuldeep, gérant de la brasserie O’Sud, en train de remballer chaises et tables. Avant, avec la tolérance d’ouverture jusqu’à 23 h, c’était correct. »
h ,
Quai de Rive-Neuve
■
« Nous avons l’autorisation de circuler puisqu’on travaille », lancent Abdel Rzok et Boudaoui Frih, deux livreurs Uber Eats qui font le pied de grue devant le restaurant McDonald’s où la circulation est étonnamment fluide pour un samedi soir. Le premier a juste le temps de lâcher : « Ce couvre-feu, c’est n’importe quoi ! » quand une serveuse sort avec leur commande. Jusqu’à quelle heure seront-ils en mesure de livrer les clients du restaurant ? « Il va rester ouvert pour les livreurs ? non?» , demande Boudaoui. «Oh! On ne sait rien, comme d’habitude », renvoie l’employée dans un rire las.
h , Quai des Belges
■
Dans une ambiance surréaliste à la Blade Runner, à deux pas de l’Ombrière de Norman et du départ des navettes maritimes pour l’Estaque et Pointe Rouge devant lequel les silhouettes d’une dizaine de passagers se dessinent dans l’obscurité ; à la bouche de métro “VieuxPort
– Hôtel de ville” un ruban électronique rouge luminescent défile en avertissant : « Port du masque obligatoire. Suite aux mesures Covid, horaires inchangés. Attestation obligatoire de 21 h à 6 h du matin ».
■ h ,
Haut de la Canebière
Est-ce parce que les commerces de bouches y sont moins nombreux ? Les passants ont l’air de se hâter plus tranquillement en haut qu’en bas de la Canebière ? Bizarrement, la précipitation à rentrer chez soi va crescendo plus on redescend vers le Vieux-Port. Devant le fast-food Les Jumeaux, à 15 minutes du coup de sifflet, on prend encore les commandes. Comme si de rien n’était. Jusqu’à la limite.
h ,
Angle du Bd Garibaldi
■
Au cri de « On a la rage, on n’a pas le Covid ! », une centaine de jeunes manifestants anti couvre-feu investissent la Canebière où ils bloquent la circulation. Dénonçant les conséquences du confinement nocturne, ils descendent du quartier de La Plaine où ils ont répondu à un appel à manifester lancé sur les réseaux sociaux.
« On est en dictature ! La dernière fois c’était en 1941 avec les Allemands, non ? Le Covid, c’est un prétexte pour nous manipuler et construire le 3e ordre mondial », analyse, l’un des manifestants Jérémy Gantaumo, 26 ans, au RSA.
h , La Canebière
■
« Cinq, Quatre, trois, deux, un… zéro!» D’une même voix, la foule déroule un compte à rebours de passage à l’année nouvelle qu’elles concluent à 21 heures, par des cris de joie, appuyés par les coups d’avertisseurs sonore frénétiques d’un taxi. « Il est 21 h et on n’est pas couché… ». Des chants improvisés conduisent les manifestants devant la préfecture des Bouches-duRhône par la rue Saint-Ferréol. Au bout d’une dizaine de minutes, la manifestation repart. À 22 heures elle était toujours active.
■ h , Vieux-Port Cours Jean-Ballard
Le temps semble s’être accéléré. Les rues sont vides. Des retardataires prennent leur temps sous le regard indifférent des sans domiciles fixes, engoncés dans leur couverture, couchés sur les trottoirs. Devant les fast-foods vides, les livreurs patientent. À quelques minutes d’une vaste opération de contrôle, Emmanuel Barbe, le préfet des Bouches-du-Rhône, vient d’annoncer : « Nous allons faire de la pédagogie jusqu’à 22 heures, ensuite nous verbaliserons ». Quelque 260 policiers et gendarmes ont été mobilisés sur la Métropole.
La longue file des véhicules de police, gyrophares clignotants, démarre et remonte le cours Jean-Ballard, qui longe le cours Honoréd’Estienne-d’Orves. Cette impression qu’il est quatre heures du matin.