Monaco-Matin

Embauché puis licencié : la mésaventur­e d’une famille

Baptiste a été recruté pour travailler à Monaco. Sa femme démissionn­e pour le suivre, leurs fils change d’école. Entre-temps, la Covid a frappé : il va être licencié, sans avoir pu jamais travailler

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

On vous parle souvent de la casse sociale qu’entraîne la crise sanitaire. Des bars, des restaurant­s, des salles de sport, qui paient au prix fort les mesures de restrictio­n. Mais la crise n’épargne personne.

Béatrice et Baptiste en sont la preuve. Deux jeunes parents pleins de santé, avec une bonne situation. Du moins, deux bons métiers. Elle est secrétaire médicale, lui est ingénieur structure. Ils avaient une situation confortabl­e dans les Bouchesdu-Rhône. Mais Béatrice est originaire de Cagnes-sur-Mer. Et elle aimerait bien se rapprocher de sa famille. Alors, en septembre 2019, Baptiste, salarié d’un très grand groupe, postule à Monaco, dans un bureau d’études du monde du pétrole : « J’ai eu trois entretiens à distance, et j’ai reçu ma promesse d’embauche », explique le jeune homme.

Accoucheme­nt transféré

Il démissionn­e et fait ses trois mois de préavis. Il a fait les courses, pour son pot de départ et dire au revoir à ses collègues avec qui il travaille depuis quatre ans. Il doit finir le 20 mars. Et le 17 mars, c’est le début du confinemen­t.

« Je ne suis plus retourné au travail. Je suis parti comme ça. C’est étrange comme sensation. »

Il doit commencer son nouveau job au début du mois d’avril. Un déménageme­nt est prévu. Mais pour cause de confinemen­t, tout est bouleversé. Et impossible de tout changer, car Béatrice est au bout de sa grossesse : « Nous avions rendu la maison que nous habitions là-bas, et j’avais transféré mon dossier à la maternité ici. » Ils obtiennent l’aide de leurs frères respectifs, et emballent tout, trouvent un camion disponible dans un petit supermarch­é de campagne, et déménagent. Ici, ils n’ont trouvé qu’un seul logement disponible dans leurs critères : une maison rénovée au Cros-de-Cagnes, à quelques pas de la mer. « C’est horribleme­nt cher, mais on ne pouvait pas faire autrement. »

Quand, finalement, ils sont installés, Baptiste contacte son nouvel employeur. Et c’est la douche froide : «Ils n’étaient pas sûrs de m’embaucher finalement, puisque la situation était totalement à l’arrêt. » Mais Baptiste leur explique ce qu’il a mis en oeuvre pour venir : démissionn­er, déménager avec une femme enceinte, et déscolaris­er un enfant de 8 ans. L’entreprise est compréhens­ive, et tient sa promesse. Baptiste est immédiatem­ent mis en chômage total temporaire renforcé (CTTR) : « J’ai beaucoup de chance qu’ils aient accepté. Cela m’a permis de toucher également les allocation­s familiales monégasque­s. » Mais ni lui, ni Béatrice n’ont jamais connu le chômage. « Je leur ai proposé de me fournir un ordinateur et de mettre ce temps à profit pour me former, mais ils n’ont pas voulu. »

Depuis cet été, la réglementa­tion a quelque peu changé. Le CTTR n’est plus totalement à la charge de l’État. « Nous avons été convoqués la semaine dernière à une réunion où j’ai fait la connaissan­ce de mes collègues, et on nous a expliqué qu’en l’absence d’activités et de perspectiv­es d’avenir, on allait nous licencier, car même 15 %, ce n’est pas tenable pour eux financière­ment. »

Tout ça pour ça

Une décision qui hypothèque leur avenir sur la Côte d’Azur. « J’ai cherché des annonces ici, mais je n’ai rien trouvé pour l’instant. Tout se passe là-bas, dans les Bouches-du-Rhône. Et sans les allocation­s familiales monégasque­s et au chômage, impossible de garder la maison. Le loyer est trop élevé. » Béatrice garde de cette expérience un goût amer : « On a l’impression d’avoir fait tout ça pour rien. On a contourné tous ces obstacles pour venir, et pour finalement devoir peut-être repartir. »

Qu’on ne se méprenne pas sur leurs intentions. Béatrice est claire : «On sait bien qu’on ne va pas mourir de faim. On veut juste montrer les difficulté­s que peut entraîner la crise, à tous les niveaux. Ça peut vraiment toucher tout le monde. »

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(Photo L.M.) Baptiste et Béatrice voulaient vivre plus près de leurs proches. La Covid aura eu raison de leur projet.

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