Laetitia Avia (LREM) : « Les réseaux sociaux ne doivent plus être au-dessus des lois »
Son premier projet sur les contenus haineux et illicites ayant été rejeté par le Conseil constitutionnel, Laetitia Avia [photo AFP], députée LREM, travaille sur un nouveau texte de loi.
Comment avez-vous vécu le fait d’être retoquée par le Conseil constitutionnel ?
La censure du Conseil constitutionnel a été forcément une déception, mais si elle fait disparaître l’essentiel des mesures que je proposais et qui s’inspiraient d’une loi en vigueur en Allemagne, elle n’a pas fait disparaître le problème. Le drame de Conflans-Saint-Honorine est là, hélas, pour nous le rappeler. Alors certes, l’ennemi, celui qui est responsable de la barbarie, c’est le terrorisme islamique. Mais est-ce que, d’une manière ou d’une autre, les réseaux sociaux ont eu leur part dans ce drame ? A plusieurs égards, la réponse est oui. C’est le lieu où une cible a été mise dans le dos de Samuel Paty, où la tête décapitée de ce professeur d’histoire a été publiée – si ce post a été finalement censuré, il traîne encore sur le Net –, c’est enfin un lieu de radicalisation et d’obscurantisme où la propagande islamique est de plus en plus active.
Un Etat de non-droit ?
Ces plateformes, c’est un fait, se considèrent comme audessus de lois. Nous sommes donc face à un vrai problème de souveraineté. L’ordre républicain doit s’appliquer partout. Nous y sommes soumis dans notre quotidien, dans un territoire que nous avons en partage, il doit être imposé sur le territoire digital aussi. S’appliquer à ces outils que nous utilisons tous en permanence sur nos ordinateurs, nos tablettes, nos smartphones ; des outils digitaux qui, via des algorithmes, nous imposent une loi, une lecture du monde, une priorité qui font fi de notre souveraineté.
Est-il donc urgent de poser un cadre juridique ?
En effet, j’y travaille avec le gouvernement. Le texte qui sera rapidement présenté aura une approche différente de celui censuré par le Conseil constitutionnel. L’objectif ce ne sera plus de déterminer le délai de retrait des contenus haineux, mais de faire obligation aux plateformes d’être diligentes dans leur travail de modération des contenus ; modération qui doit être réelle, fondée sur un socle commun, sous peine de lourdes sanctions. Un exemple : mieux identifier les auteurs de contenus illicites afin de nous permettre de les poursuivre. Contrairement à ce que les internautes croient, l‘anonymat sur le Web n’existe pas : les plateformes ont l’obligation d’obtenir des éléments d’identification de leurs utilisateurs. Mais, le problème, c’est que, aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de transmettre aux autorités ces éléments d’identification, les taux de réponses sont trop disparates. Il faut sans doute mettre en place des sanctions lourdes pour que la coopération de ces plateformes ne soit plus dans l’avenir aussi aléatoire.