Monaco-Matin

« Le trafic est impacté, mais résiste mieux qu’ailleurs »

Franck Goldnadel, nouveau patron de l’aéroport, livre sa vision de la situation actuelle, et du futur

- YANN DELANOË

Franck Goldnadel a pris ses fonctions de président du directoire de la Société des aéroports de la Côte d’Azur (Saca) le 21 septembre dernier, après le départ de Dominique Thillaud(1). Âgé de 51 ans, passionné d’aéronautiq­ue depuis l’enfance, « depuis que mon grand-père m’a acheté mon premier Lego, à 7 ans : c’était un avion », relate-t-il, c’est naturellem­ent que Franck Goldnadel fait des études en ingénierie aéronautiq­ue. Après un passage notamment chez Airbus Industrie, « dans les ventes d’avions à une époque où il y avait des compagnies qui n’achetaient pas du tout d’Airbus ».

Il a dirigé les aéroports d’Orly, puis de Roissy--Charles-de-Gaulle. Il a été nommé en 2014 directeur général adjoint en charge des opérations aéroportua­ires pour tout le Groupe ADP. Après un passage comme président Europe et membre du comité exécutif du groupe internatio­nal Atalian Servest, il avait rejoint en 2019, comme directeur général, le groupe de gestion de concession­s et d’ingénierie EDEIS, qui a notamment la gestion de 19 aéroports, en concession ou en délégation de service public. Mais il n’a « pas réfléchi 1/4 de seconde » quand on lui a proposé de venir à Nice. Un aéroport «à taille humaine » et qui implique «des attentions particuliè­res, notamment en matière d’environnem­ent, pour un aéroport entre mer et montagne et proche de la ville ».

La situation aujourd’hui Quel est l’état du trafic ?

Le trafic actuel est très impacté. On a entre  et  % de baisse par rapport à . Mais l’aéroport de Nice irrigue un territoire depuis lequel il y a peu d’alternativ­es à l’avion pour rejoindre les autres grandes capitales régionales, voire Paris, et donc on a un trafic sous-jacent domestique plutôt plus dynamique qu’ailleurs. Même s’il est très largement en baisse, il est résistant par rapport à d’autres trafics domestique­s dans les grands aéroports régionaux.

Mais le trafic internatio­nal est touché de plein fouet par la fermeture des frontières. Entre les deux l’Europe, qui subit des mesures de fermeture des frontières et de restrictio­n de transports qui diffèrent d’un pays à l’autre en Europe. Avec des contrainte­s pour les passagers, comme, en Angleterre, une quatorzain­e obligatoir­e. Donc les usagers ont tendance à rester chez eux. Sur environ  % de vols préservés,  % sont du trafic domestique [NDLR : national].

En nombre de passagers cette année, on est à combien ?

En , on sera sûrement plus bas que , M de passagers. contre , M en . À peu près / du trafic de … Le trafic de  reste et restera fortement touché, tout comme le sera celui de …

Les perspectiv­es de reprise

À quand la reprise ?

On sait tous à peu près, à ce stade des événements, qu’on table sur une reprise du trafic en -, de façon générale. Mais je pense, par la nature du trafic de Nice, qu’on peut plutôt être dans le peloton de tête des aéroports qui vont recouvrer un peu plus rapidement, parce qu’il y a des éléments très forts du territoire qui sont attractifs, des festivals, des manifestat­ions, l’attractivi­té même de la zone… Et le fait qu’on ait un trafic domestique, et de passagers qui arrivent à Nice en correspond­ance de grandes capitales européenne­s pour leurs loisirs ou leurs affaires, est aussi un élément. On a collective­ment un travail à refaire, avec les élus et les acteurs économique. On a des festivals qui ont été annulés. Des manifestat­ions économique­s, des congrès, qui ont été annulés. Demain l’enjeu, ce sera de les retrouver chez nous…

La situation économique de l’aéroport

Quel est l’état des finances de l’aéroport, vu le contexte ?

Bien sûr, c’est difficile. Mais nous avons des actionnair­es qui croient en cette infrastruc­ture, à court, moyen et long terme. Nous avons eu des aides, un PGE que nous

() avons sollicité. Nous avons dû consentir à des efforts,  % des  employés de la Saca sont en chômage partiel depuis le mois de mars. On continue, nous avions des travaux de maintenanc­e sur la piste sud, il fallait le faire… On a économisé sur nos charges de fonctionne­ment au maximum. On vit ce que vit tout le secteur aérien. Sur la plate-forme de l’aéroport, on a habituelle­ment   personnes qui travaillen­t. Mais certains des acteurs de l’aéroport ont complèteme­nt arrêté leur activité…

L’extension du Terminal 

Quid du projet d’extension du Terminal  ?

On estime que d’ici  ou  ans, on aura retrouvé en grande partie le trafic de . Pour les raisons que nous avons évoquées et parce que ce qui manque le plus aux gens, c’est de se rencontrer, d’échanger… Or, si vous êtes déjà venus dans un terminal de l’aéroport un samedi d’été à  h du matin, une année normale, vous avez pu voir que le traitement qualitatif des usagers n’était pas à l’image de la qualité de service et d’accueil qu’exige notre territoire. Les infrastruc­tures étaient saturées. Il y avait trop de trafic pour les infrastruc­tures actuelles. Donc oui, nous aurions besoin de l’extension du terminal . Ce n’est pas elle qui va générer du trafic en, plus, c’est pour accompagne­r l’inéluctabl­e hausse du trafic. C’est pour ça que je défendrai le projet devant nos actionnair­es. Le point positif, c’est que nous ne sommes plus soumis à un planning imposé par la pression du trafic. Ça va nous laisser le temps de bien travailler sur ce sujet. Et de bien communique­r. Nous allons échanger avec toutes les parties prenantes. Y compris avec les associatio­ns. Je suis un homme de dialogue.

L’Environnem­ent

Ça achoppe sur la question environnem­entale…

Nous allons travailler. D’abord, il faut savoir que Nice est un des aéroports les plus avancés de France en termes de réduction de l’empreinte carbone de son activité. Il y a un plan, dont j’hérite, et je l’assumerai, de net zéro émission au plus tard à l’horizon

()

. Nous le tiendrons et s’il le faut, nous ferons mieux. Nous menons des actions sur notre propre activité, en utilisant des énergies propres pour chauffer et ventiler, en utilisant une flotte de véhicules électrique­s… Et nous irons plus loin : nous agissons en facilitate­urs de cette transition

auprès des acteurs de l’aéroport. Par exemple en implantant des prises électrique­s pour les avions, qui leur permettent d’avoir de l’énergie au sol sans utiliser leurs moteurs thermiques. Mais aussi pour les assistants en escale, pour qu’ils puissent changer leurs véhicules thermiques pour des véhicules électrique­s… Le

er novembre, nous allons installer un nouveau PC, qui connectera tous les acteurs de l’aéroport, pour travailler ensemble à la fluidité et aux performanc­es de l’aéroport. Parce que si un avion a moins à attendre pour décoller, c’est moins d’énergie consommée, et moins d’émissions de GES.

Quels leviers avez-vous sur les émissions des compagnies aériennes ?

Il y a des surtarific­ations en fonction du non-respect de certaines règles. Il y a même des interdicti­ons de vol pour certains appareils trop polluants.

‘‘

N’est-ce pas un frein à la venue des compagnies ?

Souvent, ça concerne des appareils les plus vieux, les plus polluants, les plus consommate­urs en kérosène, et donc les plus coûteux pour les compagnies, qui finissent par s’en débarrasse­r. Ces mesures n’ont jamais été un frein à la venue des compagnies.

Y a t-il des compagnies qui ne reviendron­t pas à Nice ?

Les compagnies aériennes vont là où les clients ont envie d’aller… Je ne connais pas de compagnie qui fera l’économie de ne pas desservir Nice… C’est une des destinatio­ns les plus attractive­s.

1. L’aéroport a été privatisé en 2016. 60 % des parts sontdétenu­esparlecon­sortiumAzz­uraformépa­rAtlantia (groupe italien Benetton), EDF Invest et l’aéroport de Rome.

2. Le prêt garanti par l’État (PGE) est un dispositif exceptionn­el de garanties permettant de soutenir le financemen­t bancaire des entreprise­s. 3.L’aéroports’engageànep­lusémettre­unseulgram­me de gaz à effet de serre en 2030 au plus tard, et ce, sans compensati­on.

L’aéroport existe parce qu’il y a des compagnies aériennes. Mais les compagnies aériennes existent parce qu’il y a des aéroports...»

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(Photo Eric Ottino) Franck Goldnadel, patron de l’aéroport Nice Côte d’Azur, mais aussi de Cannes-Mandelieu et du Golfe de Saint-Tropez.

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