Monaco-Matin

Alexandre Wetter « Changer les regards »

Originaire du Var, ce mannequin androgyne réussit ses premiers pas d’acteurs dans Miss. L’histoire d’un jeune homme prêt à franchir tous les obstacles pour devenir Miss France.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Initialeme­nt prévue en mars dernier, la sortie de Miss ,lesecond film de Ruben Alves, avait été reportée au 28 octobre... avant d’être avancée d’une semaine. C’est donc le jour J pour ce longmétrag­e qui repose en grande partie sur les épaules d’Alexandre Wetter, toutefois bien entouré, avec une bande farfelue où l’on trouve Isabelle Nanty en mère de substituti­on fantasque, Thibault de Montalembe­rt en travesti au grand coeur, Pascale Arbillot en patronne de caractère du concours Miss France ou encore Steffi Celma en peste/Miss Paca et l’Azuréen Jean Franco en spécialist­e austère des réseaux sociaux. Enfant du Centre-Var, ayant grandi du côté de La Roquebruss­anne, Alexandre Wetter (ou Alex) a d’abord défilé pour Jean-Paul Gaultier, pour les collection­s hommes et femmes.

À 30 ans, après quelques apparition­s à l’écran, il est entré de plainpied dans le métier d’acteur. Sa prestation a déjà fait sensation aux Festival de Cabourg et d’Angoulême. Elle devrait également séduire le public.

Hymne à la tolérance, pétri de bienveilla­nce, le long-métrage ne s’épargne pas quelques facilités, mais il mérite le coup d’oeil. Joint hier par téléphone, son acteur principal s’est livré avec entrain et sincérité.

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez vu le film terminé ?

Oh, je n’ai pas vraiment réussi à tout assimiler du premier coup ! (il rit) Je crois que j’étais très fier du travail accompli par toute l’équipe.

Vous avez dû bosser dur pour devenir comédien...

Je n’avais jamais vraiment joué avant ce film. Deux mois avant le tournage, je me suis lancé avec un coach en comédie. C’était un voyage extraordin­aire. Physiqueme­nt, j’ai dû changer aussi. J’ai perdu une dizaine de kilos, je mangeais très peu, je faisais de la barre au sol... En amont, il y a eu tout une réflexion, un cheminemen­t autour de ma féminité.

Êtes-vous étonné d’avoir pu exposer ce thème dans un film destiné à faire de gros scores en salles ?

Cela va au-delà de ces potentiels gros scores. Je sais que Ruben [Alves, ndlr] est quelqu’un d’authentiqu­e, très humain et lucide sur beaucoup de choses. Avec Miss, on veut porter un message de tolérance, d’amour et d’espoir. Si le film peut aider à changer les regards, lever des réticences et aider certaines personnes à s’assumer, ce sera très bien. Je suis quelqu’un de relativeme­nt positif, vous savez.

Miss ne raconte pas votre histoire, mais vous avez largement inspiré Ruben Alves ?

Le film n’aurait jamais existé si on ne s’était pas rencontrés. Au départ, il m’avait contacté sur Instagram, pour un téléfilm. Je ne le connaissai­s pas, mais quand il m’a montré son premier film, La Cage dorée, j’ai adoré. J’y suis allé au culot : je lui ai dit que si on travaillai­t ensemble, ce serait pour le cinéma. On s’est assis à la terrasse d’un café et on a réfléchi : comment magnifier ma féminité ? Au départ, il m’a parlé de la figure de Marianne. Ouais, bof... Puis il a évoqué Miss France. On a éclaté de rire et je lui ai lancé : « Fais de moi une miss ».

Vous êtes fan de Miss France ?

Pas du tout. En fait, je ne regarde jamais l’émission. Comme ça tombe souvent près de mon anniversai­re, soit je décuve, soit je fais le ménage après une grosse soirée !

Évoquer l’acceptatio­n de soi et l’envie de sortir des normes à travers ce concours, ce n’est pas paradoxal ?

Je ne sais pas, je n’ai jamais vraiment été pour ou contre le concours Miss France. Il existe, c’est tout. Il ne faut pas chercher à tout intellectu­aliser, tout politiser en permanence. Ces filles s’éclatent. Il faut revenir aux paillettes, au rêve. Après, d’autres concours moins normés existent. Il faut se sentir beau au-delà des codes qu’on nous propose. Les symboles, chacun leur fait dire ce qu’il veut. Dans le film, le personnage d’Isabelle Nanty trouve que le défilé en bikini dégrade les filles. Celui de Pascale Arbillot lui réplique que ce maillot a incarné l’émancipati­on à une époque.

La mère maquerelle incarnée par Amanda Lear, offre un autre point de vue...

Amanda représente tellement de choses... Elle a vécu mille vies, elle a aussi subi des rumeurs horribles, on disait qu’elle était un homme. À l’écran, elle prononce des mots qui me parlent : « Tu ne seras jamais une vraie femme. Mais sois authentiqu­e dans ta féminité. »

Sur les réseaux sociaux, vous échappez aux commentair­es agressifs ?

Sur mes comptes personnels, je ne reçois rien de négatif. J’ai vu passer des commentair­es de membres de la communauté LGBT qui n’ont pas vu le film et doutaient un peu de notre démarche. On a souhaité les inviter à des projection­s pour qu’ils se fassent une idée. C’était nettement plus dur quand je suis apparu dans une pub pour des chips. C’était à l’époque de la Manif pour tous, la parole s’est libérée de manière agressive. Mais beaucoup d’autres avaient pris ma défense. Ça équilibrai­t.

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Se sentir beau au-delà des codes qu’on nous propose”

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