Monaco-Matin

De l’ASM à Ronaldo, Houllier se confie

Membre du jury des Sportel Awards, l’ex-sélectionn­eur des Bleus et coach de Liverpool se veut optimiste quant au litige entre clubs et diffuseur TV. AS Monaco, Red Bull, Ronaldo... Il dit tout

- PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

Fidèle du Sportel, Gérard Houllier est toujours un aussi bon client. À 73 ans, dont cinq décennies passées sur les bancs de Noeux-les-Mines, Lens, Paris, Liverpool, Lyon ou Aston Villa, l’ancien sélectionn­eur de l’équipe de France a toujours la passion du ballon rond chevillée au corps. Un manager sans oeillères qui a rapidement compris qu’un club ne pouvait être pérenne en se concentran­t uniquement sur le terrain. Aujourd’hui conseiller extérieur de Jean-Michel Aulas à Lyon et Global Sports Director du groupe Red Bull, il supervise les équipes de la marque qui « donne des ailes », comme le RB Leipzig, le RB Salzbourg et le New York Red Bull. Un homme de l’ombre à l’aise dans la lumière et à l’enthousias­me intact : « Le foot a traversé les guerres, il va résister aussi au virus ». Sa devise ? «Letalent, c’est de savoir rebondir ! »

Vous avez montré très tôt dans votre carrière un intérêt pour le développem­ent du football en dehors des terrains, le fameux sport business au coeur du rendez-vous Sportel. Pourquoi ?

J’ai compris assez vite que gagner les matchs sur un terrain n’était pas suffisant pour un club qui veut se développer. Il faut aussi gagner une bataille économique. Quand j’ai eu ma première expérience d’entraîneur à Noeux-les-Mines [entre  et , jusqu’en e division, ndlr], j’étais prof en même temps et pour faire fonctionne­r le club il fallait trouver des contrats commerciau­x, sponsors, etc. Je pense que le tournant a été après la Coupe du monde  en France où il y a eu un essor énorme sur le plan du soutien économique aux clubs et surtout à l’équipe de France. Moi-même je suis allé à Liverpool (-) alors qu’ils avaient du retard dans ce domaine.

L’Angleterre et des clubs comme Manchester United avaient pourtant un temps d’avance…

Oui, mais Liverpool pensait que mettre le pied sur la pelouse et gagner des matchs suffisait. Ils se reposaient sur la réputation et les résultats. Les clubs ont eu très vite un trépied de soutiens financiers : les recettes, la télé et les contrats de sponsoring. Et Liverpool était en retard sur les sponsors. Ce n’était pas à la hauteur de ce qu’était le club. Manchester était une ville plus prospère sur le plan économique et le club avait pris ce virage avant nous. Maintenant, on l’a rattrapé. Et comme par hasard, Liverpool a pu recruter des joueurs.

Avez-vous déjà été obligé d’aligner un joueur pour satisfaire les diffuseurs ?

Non. Il y a seulement quelques fois dans les matchs amicaux où vous négociez une

‘‘ indemnité et l’organisate­ur dit qu’il aimerait avoir au moins quatre ou cinq internatio­naux et parfois cite des noms. Ça m’est arrivé dans les années . Mais des fois ce n’est pas possible. Je me souviens d’un tournoi en Corée du Sud avec Lyon et un joueur devait absolument être là. J’avais dit non parce qu’il revenait de la Coupe des Confédérat­ions.

Le groupe Red Bull connaît un développem­ent impression­nant, tout comme l’ascension fulgurante d’un club comme Leipzig. Ne craignez-vous pas un contrecoup à être monté si haut si vite ?

Leipzig était en e division allemande en  et huit ans après ils participen­t à leur troisième campagne de Champion’s League [dont une demi-finale en , ndr] . On est très fiers de ça. Mais je ne crains pas de contrecoup parce qu’ils ne font pas n’importe quoi. Le propriétai­re, Red Bull, a acheté le stade, a créé un nouveau centre de formation, construit un centre d’entraîneme­nt, il pérennise et il y aura un héritage de toute façon.

Voyez-vous un parallèle avec l’AS Monaco et sa stratégie de « trading » de jeunes joueurs ?

Ce n’est pas tout à fait pareil car Monaco prend des joueurs postformat­ion. Des joueurs qui sont formés mais qui ne trouvent pas leur place tout de suite en équipe première. Avec un certain succès d’ailleurs si on voit les ventes qu’ils ont pu faire. Mais ce n’est pas la même chose.

Qu’avez-vous pensé du choix de Paul Mitchell, ex-responsabl­e du scouting et du football chez Red Bull, pour relancer le projet sportif de l’AS Monaco ?

C’est une nomination intelligen­te. Je connais bien Paul et on était déçus de le perdre à Red Bull. C’est quelqu’un de compétent qui a une vision sur le futur. Il va contribuer à développer celle de Monaco et, en s’adaptant petit à petit à Monaco et son identité, apporter une culture profession­nelle qui est différente.

Vous a-t-il demandé conseil avant de s’engager ?

Non. On en a discuté mais il avait fait son choix. On le regrette mais en même temps ça s’est bien terminé. Red Bull n’est pas un groupe qui est possesseur des gens. Red Bull préfère par exemple fabriquer un champion olympique plutôt que d’en viser un. À l’image de ce qu’ils ont fait avec Sebastian Vettel. Il était champion de karting, ils ont identifié son potentiel et quand il a obtenu son troisième titre de champion du monde de F ils l’ont laissé partir. Il n’y a pas d’acrimonie ou de sentiment amer. Pareil avec Haaland quand il est parti de Salzbourg pour Dortmund. Red Bull ne se veut pas possesseur de talents indéfinime­nt.

On reconnaît les grands clubs à leur faculté à rebondir.

Que pensez-vous de Lyon, qui vit un trou d’air avec une saison sans coupe d’Europe ?

On était déçus de perdre Paul Mitchell ”

Ils ont été  ans consécutif­s en coupes d’Europe, le plus souvent en Champions League. Il y a des cycles, comme dans toutes les équipes, mais je sais qu’avec le travail et le sérieux ça va rebondir. C’est tout à fait logique ce qu’il se passe. Il y a un moment où quand vous êtes longtemps à un certain niveau, si vous ne passez pas encore au dessus, vous chutez. Après il faut rebondir.

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(Photo Sébastien Botella) « Le talent, c’est de savoir rebondir ! ».

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