Monaco-Matin

Anesthésis­tes-réanimateu­rs, au coeur de la tempête

La France souffre d’un manque chronique de ces spécialist­es seuls compétents pour prendre en charge les malades dont le pronostic vital est engagé. Situation tendue au CHU de Nice

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Ils sont les seuls médecins à pouvoir être mobilisés pour prendre en charge les malades en réanimatio­n. Des profession­nels précieux mais trop rares (lire par ailleurs) : partout en France, l’hôpital souffre d’une pénurie chronique d’anesthésis­tes-réanimateu­rs, spécialité à double casquette. La problémati­que devient encore plus criante en cette période de crise sanitaire, qui voit les services de réanimatio­n se remplir à un rythme soutenu de malades de la Covid-19. Le CHU de Nice, qui compte le plus grand nombre de lits de réanimatio­n du départemen­t, n’est pas épargné par cette pénurie. Il a même été jusqu’à récemment dans une situation critique. «Le nombre de médecins anesthésis­tes-réanimateu­rs a été effectivem­ent très bas, mais il tend à augmenter ; une dizaine de médecins ont renforcé les équipes depuis un an et demi », tempère le Pr JeanChrist­ophe Orban, responsabl­e de l’anesthésie au CHU de Nice, et réanimateu­r dans le service du Pr Carole Ichai à Pasteur 2. Un progrès certes, mais des effectifs qui restent insuffisan­ts.

Les soins hors Covid maintenus

Et face à une situation que lui-même décrit comme préoccupan­te et incertaine, le Pr Orban ne cache pas son inquiétude : « L’activité de réanimatio­n, Covid et non Covid, est extrêmemen­t importante. Et on ignore jusqu’où ça va évoluer. Quelle sera la situation dans 15 jours ? » Si de nouveaux lits de réa peuvent être encore ouverts au CHU de Nice – « il existe un volet d’adaptation en transforma­nt des salles de réveils » –, quid du personnel médical appelé à intervenir dans ces unités ? Sera-t-il en nombre suffisant ? « On va pouvoir bénéficier du renfort de collaborat­eurs issus du secteur privé. Mais, j’avoue que je ne suis pas totalement serein, j’espère que ça va pouvoir fonctionne­r. »

Car, difficulté supplément­aire par rapport à la première vague, les soins hors Covid sont maintenus. «Il s’agit de faire face à l’afflux de malades victimes de l’épidémie de Covid, tout en maintenant l’activité chirurgica­le “classique” pour éviter une perte de chance pour d’autres patients. » Ce qui signifie que les anesthésis­tes réanimateu­rs sont aujourd’hui appelés sur deux fronts : la réanimatio­n mais aussi l’anesthésie qui permet la réalisatio­n des actes chirurgica­ux. Il reste que si les capacités de la réanimatio­n, étaient menacées d’être débordées (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans les A.-M.), il n’y aurait plus le choix. Car, s’il est toujours possible de différer une interventi­on (sauf urgence absolue), le temps est compté lorsqu’une prise en charge en réanimatio­n s’impose : « Les indication­s sont très précises. Si un patient, Covid ou non Covid, relève d’une prise en charge de ce type, il n’y a pas d’alternativ­e si on veut espérer le sauver. »

Mais, à l’instar de tous ses pairs, il refuse à ce stade d’envisager cette perspectiv­e de déprogramm­ation. Les pertes de chance pour des patients atteints de cancers, de maladies chroniques mais aussi de pathologie­s bénignes compliquée­s du fait de retards à la prise en charge sont des enseigneme­nts les plus douloureux de la première vague.

 ?? (Photo d’illustrati­on Laurent Martinat) ?? L’indication de réanimatio­n n’a pas d’alternativ­e : c’est oui ou c’est non.
(Photo d’illustrati­on Laurent Martinat) L’indication de réanimatio­n n’a pas d’alternativ­e : c’est oui ou c’est non.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco