Anesthésistes-réanimateurs, au coeur de la tempête
La France souffre d’un manque chronique de ces spécialistes seuls compétents pour prendre en charge les malades dont le pronostic vital est engagé. Situation tendue au CHU de Nice
Ils sont les seuls médecins à pouvoir être mobilisés pour prendre en charge les malades en réanimation. Des professionnels précieux mais trop rares (lire par ailleurs) : partout en France, l’hôpital souffre d’une pénurie chronique d’anesthésistes-réanimateurs, spécialité à double casquette. La problématique devient encore plus criante en cette période de crise sanitaire, qui voit les services de réanimation se remplir à un rythme soutenu de malades de la Covid-19. Le CHU de Nice, qui compte le plus grand nombre de lits de réanimation du département, n’est pas épargné par cette pénurie. Il a même été jusqu’à récemment dans une situation critique. «Le nombre de médecins anesthésistes-réanimateurs a été effectivement très bas, mais il tend à augmenter ; une dizaine de médecins ont renforcé les équipes depuis un an et demi », tempère le Pr JeanChristophe Orban, responsable de l’anesthésie au CHU de Nice, et réanimateur dans le service du Pr Carole Ichai à Pasteur 2. Un progrès certes, mais des effectifs qui restent insuffisants.
Les soins hors Covid maintenus
Et face à une situation que lui-même décrit comme préoccupante et incertaine, le Pr Orban ne cache pas son inquiétude : « L’activité de réanimation, Covid et non Covid, est extrêmement importante. Et on ignore jusqu’où ça va évoluer. Quelle sera la situation dans 15 jours ? » Si de nouveaux lits de réa peuvent être encore ouverts au CHU de Nice – « il existe un volet d’adaptation en transformant des salles de réveils » –, quid du personnel médical appelé à intervenir dans ces unités ? Sera-t-il en nombre suffisant ? « On va pouvoir bénéficier du renfort de collaborateurs issus du secteur privé. Mais, j’avoue que je ne suis pas totalement serein, j’espère que ça va pouvoir fonctionner. »
Car, difficulté supplémentaire par rapport à la première vague, les soins hors Covid sont maintenus. «Il s’agit de faire face à l’afflux de malades victimes de l’épidémie de Covid, tout en maintenant l’activité chirurgicale “classique” pour éviter une perte de chance pour d’autres patients. » Ce qui signifie que les anesthésistes réanimateurs sont aujourd’hui appelés sur deux fronts : la réanimation mais aussi l’anesthésie qui permet la réalisation des actes chirurgicaux. Il reste que si les capacités de la réanimation, étaient menacées d’être débordées (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans les A.-M.), il n’y aurait plus le choix. Car, s’il est toujours possible de différer une intervention (sauf urgence absolue), le temps est compté lorsqu’une prise en charge en réanimation s’impose : « Les indications sont très précises. Si un patient, Covid ou non Covid, relève d’une prise en charge de ce type, il n’y a pas d’alternative si on veut espérer le sauver. »
Mais, à l’instar de tous ses pairs, il refuse à ce stade d’envisager cette perspective de déprogrammation. Les pertes de chance pour des patients atteints de cancers, de maladies chroniques mais aussi de pathologies bénignes compliquées du fait de retards à la prise en charge sont des enseignements les plus douloureux de la première vague.