Monaco-Matin

« Il a tué mon frère sur des suppositio­ns »

Une famille de Tourrette-Levens est venue exprimer, devant la cour d’assises, son chagrin et sa colère hier après la mort absurde de Youssef Maftah, tué à Nice en 2017. Verdict aujourd’hui

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

« Pour que je fasse mon deuil, il faut que chaque personne assume. Au final, Youssef, a été tué pour rien. Pour rien. » Jamel Maftah est appelé à témoigner sur la personnali­té de son frère tué de deux coups de couteau le 8 avril 2017, à la station-service, avenue de la Californie à Nice.

Dans une déposition où se mêlent colère et chagrin, Jamel Maftah demande à Khalil Othmani, 34 ans, accusé du meurtre, de prendre ses responsabi­lités. « Quand il rentre dans sa voiture, Othmani dit : je l’ai fait. Je l’ai charclé. Charcler : ça veut bien dire qu’il l’a tué, qu’il était très conscient de ce qu’il faisait. »

« Il l’a tué sur des suppositio­ns », enrage Jamel Maftah, frustré de ne pas avoir toutes les explicatio­ns sur cette mort absurde.

Un pantalon taché mobile du crime

Kahlil Othmani, livreur de pizzas à l’étrange personnali­té, a entendu le bris d’une bouteille de bière et a vu son pantalon taché. Ce serait le mobile insensé du crime.

Jamel Maftah avoue qu’il n’était pas un saint quand il était plus jeune. A force de travail, il est devenu chef d’entreprise et a réussi sa vie : « Mon frère lui aussi aurait pu évoluer... Comment l’oublier ? J’ai sa photo encadrée dans mon salon avec la date de sa naissance et de sa mort. Et un morceau de son linceul. » Invalide après un grave accident de la route et une double fracture des cervicales, Youssef Maftah était père d’un garçon de 15 ans. Jamel évoque avec émotion son neveu orphelin : « Quand je suis allé le chercher à la gare, il se réjouissai­t de voir papy, mamy et m’a demandé comment allait son père. Je n’ai pas réussi à lui dire... C’est son grand-père de 89 ans qui lui a expliqué. Sa seule richesse à mon frère, c’était son fils. C’était tout pour lui. »

Après Jamel, c’est l’aîné de la fratrie, Khalil Maftah, qui évoque à son tour la souffrance indicible qui l’habite depuis trois ans : « J’ai perdu mon petit frère. Il me manque beaucoup. Il a été tué pour rien. C’est compliqué... » Dans cette famille de sept enfants d’origine marocaine, installée depuis quarante ans à Tourrette-Levens, la mort violente de Youssef a provoqué un séisme. « Je veux qu’il prenne le max », conclut Khalil. La famille est persuadée que l’accusé a tenté de fuir la France, le lendemain du crime, comme il fuit aujourd’hui ses responsabi­lités.

« Youssef ne s’entendra plus jamais appeler papa, la main d’un homme est passée par là », rappelle sobrement, Me François Santini, qui lance les plaidoirie­s au nom d’un orphelin qui souffre au quotidien de l’absence de son père.

L’accusé, complexé, introverti, serait « un gibier devenu chasseur », selon les mots de Me Santini. Me Béatrice Eyrignoux, conseil des frères, de la soeur et des parents, insiste : « On a quelqu’un qui a minutieuse­ment préparé son attaque. [...] Dès qu’il a pris le couteau dans la boîte à gants, il avait la volonté de tuer. »

Me Gérard Baudoux en défense tentera, ce matin, de démontrer le contraire.

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(DR) Youssef Maftah, assis à son volant, avait été poignardé en plein coeur.

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