« Il a tué mon frère sur des suppositions »
Une famille de Tourrette-Levens est venue exprimer, devant la cour d’assises, son chagrin et sa colère hier après la mort absurde de Youssef Maftah, tué à Nice en 2017. Verdict aujourd’hui
« Pour que je fasse mon deuil, il faut que chaque personne assume. Au final, Youssef, a été tué pour rien. Pour rien. » Jamel Maftah est appelé à témoigner sur la personnalité de son frère tué de deux coups de couteau le 8 avril 2017, à la station-service, avenue de la Californie à Nice.
Dans une déposition où se mêlent colère et chagrin, Jamel Maftah demande à Khalil Othmani, 34 ans, accusé du meurtre, de prendre ses responsabilités. « Quand il rentre dans sa voiture, Othmani dit : je l’ai fait. Je l’ai charclé. Charcler : ça veut bien dire qu’il l’a tué, qu’il était très conscient de ce qu’il faisait. »
« Il l’a tué sur des suppositions », enrage Jamel Maftah, frustré de ne pas avoir toutes les explications sur cette mort absurde.
Un pantalon taché mobile du crime
Kahlil Othmani, livreur de pizzas à l’étrange personnalité, a entendu le bris d’une bouteille de bière et a vu son pantalon taché. Ce serait le mobile insensé du crime.
Jamel Maftah avoue qu’il n’était pas un saint quand il était plus jeune. A force de travail, il est devenu chef d’entreprise et a réussi sa vie : « Mon frère lui aussi aurait pu évoluer... Comment l’oublier ? J’ai sa photo encadrée dans mon salon avec la date de sa naissance et de sa mort. Et un morceau de son linceul. » Invalide après un grave accident de la route et une double fracture des cervicales, Youssef Maftah était père d’un garçon de 15 ans. Jamel évoque avec émotion son neveu orphelin : « Quand je suis allé le chercher à la gare, il se réjouissait de voir papy, mamy et m’a demandé comment allait son père. Je n’ai pas réussi à lui dire... C’est son grand-père de 89 ans qui lui a expliqué. Sa seule richesse à mon frère, c’était son fils. C’était tout pour lui. »
Après Jamel, c’est l’aîné de la fratrie, Khalil Maftah, qui évoque à son tour la souffrance indicible qui l’habite depuis trois ans : « J’ai perdu mon petit frère. Il me manque beaucoup. Il a été tué pour rien. C’est compliqué... » Dans cette famille de sept enfants d’origine marocaine, installée depuis quarante ans à Tourrette-Levens, la mort violente de Youssef a provoqué un séisme. « Je veux qu’il prenne le max », conclut Khalil. La famille est persuadée que l’accusé a tenté de fuir la France, le lendemain du crime, comme il fuit aujourd’hui ses responsabilités.
« Youssef ne s’entendra plus jamais appeler papa, la main d’un homme est passée par là », rappelle sobrement, Me François Santini, qui lance les plaidoiries au nom d’un orphelin qui souffre au quotidien de l’absence de son père.
L’accusé, complexé, introverti, serait « un gibier devenu chasseur », selon les mots de Me Santini. Me Béatrice Eyrignoux, conseil des frères, de la soeur et des parents, insiste : « On a quelqu’un qui a minutieusement préparé son attaque. [...] Dès qu’il a pris le couteau dans la boîte à gants, il avait la volonté de tuer. »
Me Gérard Baudoux en défense tentera, ce matin, de démontrer le contraire.