Caricaturé par « Charlie », Erdogan fulmine : la France lui répond
Le président turc a qualifié, hier, une caricature qui le représente, d’« attaque ignoble commise par des vauriens ». La France va plaider en faveur de « sanctions » européennes contre la Turquie
Dans un contexte où la France et la Turquie, deux pays membres de l’Otan, sont à couteaux tirés, Charlie Hebdo a représenté Recep Tayyip Erdogan en slip, bière à la main, soulevant la robe d’une femme voilée en s’écriant : « Ouuuh ! Le prophète ! »
Ce dessin peu flatteur a suscité l’ire d’Ankara, qui a ouvert une enquête pour « insulte au chef de l’Etat » et promis une « action diplomatique » susceptible d’envenimer davantage les rapports, sans toutefois fournir de précision.
● L’unité européenne autour de Paris
Malgré les « tentatives de déstabilisation et d’intimidation », la France ne « renoncera jamais à ses principes et à ses valeurs », a rétorqué mercredi le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal, soulignant l’« unité européenne » autour de Paris.
La France va plaider en faveur de « sanctions » au niveau européen contre la Turquie a déclaré, hier, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune. « Nous pousserons en faveur de mesures européennes de réaction forte, dont l’outil possible des sanctions », a affirmé Clément Beaune devant le Sénat.
« Le dernier épisode, qui repousse chaque jour les frontières de l’inacceptable, du président Erdogan qui a insulté le président de la République, est révélateur (...) d’une stratégie d’ensemble qui est celle de la Turquie de multiplier les provocations tous azimuts », a-t-il ajouté. Erdogan a appelé lundi ses concitoyens à boycotter les produits français, quelques jours après le rappel par Paris de son ambassadeur à Ankara après que le chef de l’État turc eut mis en cause la « santé mentale » de son homologue français.
● « Nous avons trop longtemps été naïfs »
La Turquie reproche au président Emmanuel Macron d’avoir exprimé son soutien à la liberté de caricaturer le prophète Mahomet, lors d’un hommage à Samuel Paty, l’enseignant français tué par décapitation pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe. « C’est toujours le même objectif : exercer une pression maximale sur ses voisins et singulièrement sur l’UE. Nous avons trop longtemps été naïfs », a estimé Clément Beaune. Outre ces attaques récentes, les tensions et les contentieux se sont multipliés ces derniers mois entre l’UE et la Turquie. La découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l’appétit des pays riverains comme la Grèce, Chypre, la Turquie, l’Égypte et Israël et a relancé les querelles sur les frontières maritimes.
● Menaces de sanctions américaines
À l’issue d’un sommet européen mi-octobre à Bruxelles, le président du Conseil européen Charles Michel a critiqué la reprise de l’exploration gazière turque en Méditerranée orientale et rappelé que l’UE avait prévu d’évaluer la situation en décembre en vue d’éventuelles sanctions. Le gouvernement turc soutient également les forces azéries engagées contre les indépendantistes arméniens au Nagorny Karabakh. La Turquie se trouve aussi sous la menace de sanctions américaines après avoir récemment testé, au grand dam de Washington, un système de défense anti-aérien sophistiqué, le S400, acquis auprès de la Russie malgré les mises en garde de l’Otan dont Ankara fait partie.
● Hollande s’interroge sur la Turquie dans l’Otan
« Les comportements agressifs de la
Turquie posent le problème de [sa] présence dans l’Alliance atlantique », a déclaré François Hollande, l’ancien président de la République, invité de la matinale de franceinfo.
« Cette question ne peut plus être écartée », a-t-il insisté.
Retailleau tempère
S’il se dit volontiers « Charlie », Bruno Retailleau semble tout de même avoir quelques réserves. Le président du groupe LR au Sénat en a fait part mardi sur RTL, alors qu’il était interrogé sur la pertinence de présenter des caricatures aux élèves.
« Je pense qu’il faut aussi être prudent, pas tellement pour craindre un certain nombre de réactions mais je suis pour une forme de respect. Oui à la caricature dans la presse mais cette généralisation faisons-y aussi attention ».
● Le tweet insultant d’un ministre turc
« Vous êtes des bâtards… Vous êtes des fils des chiennes… » C’est ce qu’a écrit Serdar Cam, ministre délégué à la Culture en Turquie, sur Twitter, mardi, dans un message adressé à Charlie Hebdo. Son tweet a ensuite été supprimé. Le Délégué interministériel à la lutte contre le racisme (Dilcrah) a annoncé avoir saisi la justice.