Monaco-Matin

Les paroissien­s partagés entre chagrin et colère

Après la stupeur, l’incompréhe­nsion, la détresse, certaines voix courroucée­s osent s’élever parmi les fidèles de la basilique et d’autres églises. Pour eux, ça suffit, il faut protéger le pays

- CHRISTINE RINAUDO

Je n’aurais jamais cru que cela arrive ici à Nice, dans cette basilique », murmure un témoin médusé par le drame qui vient d’ensanglant­er la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption. Tandis qu’on soutient la compagne du sacristain assassiné, des paroissien­s sont là. Certains hurlent de douleur. D’autres pleurent en silence. Partout, sous les clochers des églises niçoises, les âmes pourtant tolérantes et bienveilla­ntes, sont abasourdie­s. Sonnées. Révoltées.

Adieu la foi, quand on voit ce qu’il s’est passé ? « Non, rassure doucement Julien Pauliani, pilier de l’église Sainte-Rita, rue de la Poissonner­ie, où il tient la boutique. La foi, on l’a toujours, mais l’être humain est parfois mauvais. Tuer des gens au nom de Dieu… On a fermé tout de suite l’église Sainte-Rita, où on connaît bien la maman du sacristain Vincent. La veille, elle était encore ici, à la messe… »

« On a affaire à des fous »

Tandis que sur une chaîne de télé, le père Gil Florini de SaintPierr­e-d’Arène, à Nice, déclare qu’on « attendait des renforts de police pour la Toussaint. On a sans doute oublié qu’aujourd’hui, c’est la fête du prophète [Mahomet, à l’origine de l’islam] », d’autres fidèles, d’autres ecclésiast­iques ne mâchaient pas non plus leurs mots. À l’instar du père Jean-Louis Giordan, qui fut durant seize ans curé de la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption.

Désormais, prêtre auxiliaire à Saint-Marc, quartier de Caucade, Jean-Louis Giordan a reçu des dizaines de coups de fil de ses anciens paroissien­s : « Ils me disent tous qu’ils ont mal de voir le sang couler à Notre-Dame. » Et le pardon, dans toute cette barbarie ? « Je pardonne à tout le monde, rétorque le père Giordan, mais pas à un fanatique. Je suis très en colère contre tous ceux qui disent qu’il faut continuer à diffuser les caricature­s de Mahomet. Moi je ne suis pas Charlie ! Il ne faut pas exagérer. Je n’aime pas lorsqu’on blasphème à propos du pape. Là, on a affaire à des fous qui tuent pour aller plus vite au paradis. Protégeons les Français ! »

À Marie, le glas a sonné

À 15 heures, comme dans tout le pays, l’église Saint-Pons du petit village de Marie, récemment terrassé par la tempête, a sonné le glas en hommage aux victimes de la basilique. Une basilique bâtie entre 1864 et 1868 dans un style néogothiqu­e. Cette constructi­on s’inscrivait alors dans le

cadre d’une volonté des autorités de franciser la ville après l’annexion du comté de Nice à la France : les édifices de style gothique étaient censés être caractéris­tiques d’un style français. D’une intégratio­n. D’un respect. Ce matin, sous les deux tours carrées de 25 mètres surmontant la rosace et ses mystères de l’Assomption, le barbare intégriste en était bien loin…

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Le père Jean-Louis Giordan, associé durant  ans au destin de la basilique Notre-Dame, ne peut pas pardonner à un fanatique. (Photo d’archives O. F.)

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