Les paroissiens partagés entre chagrin et colère
Après la stupeur, l’incompréhension, la détresse, certaines voix courroucées osent s’élever parmi les fidèles de la basilique et d’autres églises. Pour eux, ça suffit, il faut protéger le pays
Je n’aurais jamais cru que cela arrive ici à Nice, dans cette basilique », murmure un témoin médusé par le drame qui vient d’ensanglanter la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption. Tandis qu’on soutient la compagne du sacristain assassiné, des paroissiens sont là. Certains hurlent de douleur. D’autres pleurent en silence. Partout, sous les clochers des églises niçoises, les âmes pourtant tolérantes et bienveillantes, sont abasourdies. Sonnées. Révoltées.
Adieu la foi, quand on voit ce qu’il s’est passé ? « Non, rassure doucement Julien Pauliani, pilier de l’église Sainte-Rita, rue de la Poissonnerie, où il tient la boutique. La foi, on l’a toujours, mais l’être humain est parfois mauvais. Tuer des gens au nom de Dieu… On a fermé tout de suite l’église Sainte-Rita, où on connaît bien la maman du sacristain Vincent. La veille, elle était encore ici, à la messe… »
« On a affaire à des fous »
Tandis que sur une chaîne de télé, le père Gil Florini de SaintPierre-d’Arène, à Nice, déclare qu’on « attendait des renforts de police pour la Toussaint. On a sans doute oublié qu’aujourd’hui, c’est la fête du prophète [Mahomet, à l’origine de l’islam] », d’autres fidèles, d’autres ecclésiastiques ne mâchaient pas non plus leurs mots. À l’instar du père Jean-Louis Giordan, qui fut durant seize ans curé de la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption.
Désormais, prêtre auxiliaire à Saint-Marc, quartier de Caucade, Jean-Louis Giordan a reçu des dizaines de coups de fil de ses anciens paroissiens : « Ils me disent tous qu’ils ont mal de voir le sang couler à Notre-Dame. » Et le pardon, dans toute cette barbarie ? « Je pardonne à tout le monde, rétorque le père Giordan, mais pas à un fanatique. Je suis très en colère contre tous ceux qui disent qu’il faut continuer à diffuser les caricatures de Mahomet. Moi je ne suis pas Charlie ! Il ne faut pas exagérer. Je n’aime pas lorsqu’on blasphème à propos du pape. Là, on a affaire à des fous qui tuent pour aller plus vite au paradis. Protégeons les Français ! »
À Marie, le glas a sonné
À 15 heures, comme dans tout le pays, l’église Saint-Pons du petit village de Marie, récemment terrassé par la tempête, a sonné le glas en hommage aux victimes de la basilique. Une basilique bâtie entre 1864 et 1868 dans un style néogothique. Cette construction s’inscrivait alors dans le
cadre d’une volonté des autorités de franciser la ville après l’annexion du comté de Nice à la France : les édifices de style gothique étaient censés être caractéristiques d’un style français. D’une intégration. D’un respect. Ce matin, sous les deux tours carrées de 25 mètres surmontant la rosace et ses mystères de l’Assomption, le barbare intégriste en était bien loin…