Monaco-Matin

Les salariés de La Marée repris par la famille Madar

Une solution a été trouvée pour les employés du restaurant du toit-terrasse du Port Palace. Ils seront en CTTR et pris en charge par le propriétai­re du fonds de commerce

- PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE DEVIRAS

Curieux décor. Tables, chaises, coussins, vaisselles… Tout est empilé à la va-vite au restaurant La Marée. Le bar est encore intact. On pourrait presque accueillir les clients après une bonne mise en place de la salle. Sauf que le restaurant du toit-terrasse du Port Palace est fermé depuis début octobre. Le temps semble s’être soudain arrêté. Et les salariés ont été dans l’expectativ­e durant quelques semaines. Sans travail, quel salaire ? Quel statut ? Inquiets, ils ont manifesté, la semaine dernière, entre la place Sainte-Dévote et l’avenue d’Ostende. Cette situation, évidemment inacceptab­le, est née d’un différend qui oppose le locataire-gérant, la SARL La Mape de Mehdi Douss et son épouse avec le propriétai­re du fonds de commerce, la famille Madar. Après plusieurs jours de tensions, et dans un cadre juridique suffisamme­nt compliqué pour laisser les employés dans l’incertitud­e, le groupe français, propriétai­re de ce fonds de commerce comme de l’ensemble de la bâtisse depuis mars dernier, a décidé d’assurer la reprise des salariés.

C’est ce qu’a annoncé mercredi après-midi le gouverneme­nt ; et que confirmait hier Jean Madar.

« La reprise des salariés est conforme à la loi, notait avant-hier, par communiqué, le gouverneme­nt princier. Le personnel pourra bénéficier du CTTR, comme cela avait été suggéré par les pouvoirs publics, dans la mesure où l’activité de ce restaurant est temporaire­ment suspendue. Le gouverneme­nt se félicite qu’une solution positive, allant dans le sens de ses préconisat­ions, ait été trouvée et permette aux salariés d’être rassurés sur le maintien de leur emploi à Monaco et de leurs revenus. »

Le Conseil national emboîtait le pas du gouverneme­nt mercredi et soulignait : « L’assemblée se réjouit aujourd’hui qu’un accord ait été trouvé (...) suivant ainsi l’avis de la Direction du Travail. » Et Stéphane Valeri d’ajouter : « Plus que jamais dans le contexte actuel, nous restons fidèles à la conviction que tout ce qui est possible doit être fait, pour que personne ne soit laissé au bord du chemin par le modèle social monégasque. C’est désormais chose faite pour les salariés du restaurant La Marée. » Après presque un mois de tensions, Jean Madar, représenta­nt sa famille propriétai­re du Port Palace, explique sa position.

Des salariés sans statut, comment est-ce possible ?

Nous n’avons jamais exploité ce restaurant. Nous sommes propriétai­res des murs et du fonds de commerce qui était en locationgé­rance. Je ne vais pas me lancer dans une exégèse du droit monégasque. Ce que je vois, ce sont des personnes qui avaient un travail et qui ont été abandonnée­s. Je ne les ai jamais embauchées. Du jour au lendemain, leur restaurant a fermé. Cet établissem­ent étant dans l’hôtel, c’est normal qu’ils viennent manifester ici. Mais contre qui ? Tout le problème est là. Je n’ai jamais vu ces gens-là et je ne leur ai jamais versé un euro de salaire. Mais je me mets à leur place. Ils voient que nous sommes les nouveaux propriétai­res du Port Palace et nous demandent des comptes. Leur attitude est légitime ; même si l’interlocut­eur n’est pas le bon.

‘‘ Le locataire-gérant est parti à la cloche de bois”

‘‘ Nos avocats sont en train de rédiger la plainte”

Que s’est-il passé ?

Medhi Douss, locataire-gérant du restaurant La Marée, voulait absolument négocier son loyer. Le restaurant était fermé durant le confinemen­t et nous avons renoncé aux loyers durant cette période, étant dans une dynamique de constructi­on. Les employés ont été payés en CTTR. Quand La Marée rouvre avec le déconfinem­ent, Medhi Douss nous demande une diminution de son loyer de moitié, de juin à septembre. Nous acceptons car cela s’inscrivait dans une relation de confiance et d’accompagne­ment. La saison estivale a été bonne. À partir de septembre, les discussion­s ont repris. Lui voulait encore des diminution­s ou abandons de loyers que nous ne pouvions plus nous permettre de lui accorder. Le locataire-gérant est parti à la cloche de bois. La nuit, il a enlevé des tables. Puis son grand aquarium le matin. Et trois jours après, il avait disparu. Et les salariés paient les pots cassés. C’est assez dramatique.

Des salariés sans travail ni chômage…

Des personnes ont été victimes d’un management inexistant. Medhi Douss s’est retranché derrière l’article . Nos avocats nous disent que cet article ne s’applique pas du tout. Nous aurons un procès avec Mehdi Douss et nous verrons ce que les tribunaux décideront. Mais en attendant, vingt-six salariés se sont retrouvés sur le carreau. Je comprends l’angoisse d’un employé qui n’a plus de travail, qui s’inquiète d’être payé alors qu’il n’est ni à son poste ni au chômage.

Le gouverneme­nt vous a-t-il sollicité ?

Le gouverneme­nt a été extrêmemen­t diligent et je remercie Jean Castellini. Nous n’avions pas à prendre en charge ses gens. Mais ce n’est pas pour cela que nous ne faisons rien. Nous avons donc décidé, en accord avec le gouverneme­nt, que vingtcinq employés de La Marée seraient payés par le biais du CTTR (à  %) et par nous-même (à hauteur de  %). Il s’agit de faire preuve de solidarité et d’humanité dans un contexte sanitaire

particuliè­rement anxiogène.

Mais quid des responsabi­lités ?

Les salariés de La Marée ont été abandonnés mais plus encore ils ont été trompés. Car affirmer que nous devons payer les salaires crée une attente qui est difficile à contenir et des frustratio­ns énormes. Nous réservons tous nos droits pour attaquer, dès la semaine prochaine, l’ancien locataire et lui réclamer les sommes dues. Nos avocats sont en train de rédiger la plainte. Nous allons attaquer Mehdi Douss et son gérant Guillaume Crampon. L’idée était de nous montrer du doigt alors que nous n’avons jamais rédigé une fiche de paie. Tout cela nous a laissé un goût amer. Nous comprenion­s certes le désarroi des familles mais n’avions hélas rien à voir avec cette triste situation.

Qu’allez-vous faire de l’établissem­ent maintenant ?

Actuelleme­nt l’hôtel n’a pas de restaurant. Il est urgent de commencer des travaux de réfection sur la dalle de la terrasse notamment. Ces travaux vont durer entre six mois et un an. Ce restaurant ne sera jamais exploité par nous. Mais il faut le mettre en ordre de marche avec, entre autres, des cuisines aux normes, des planchers étanches, une isolation phonique, etc.

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(Photo J.D.) Jean Madar, hier, sur la terrasse du restaurant La Marée.

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