Un nouveau chapitre pour Xavier Rugeroni
Le directeur général du Fairmont lâche la barre de l’hôtel après 25 ans en Principauté. Une page se tourne pour ce professionnel de l’hôtellerie qui n’envisageait pas cette vie, à 20 ans
No regrets ! L’expression dans sa langue maternelle décrit son état d’esprit. « Je pars heureux », souritil en annonçant qu’il quitte son poste de directeur général du Fairmont Monte-Carlo. Xavier Rugeroni libère son bureau de patron du plus grand hôtel de la Principauté et quitte ses fonctions de vice-président régional de la marque Fairmont. Mais ne lui parlez pas de retraite ? « Depuis deux ans, j’arrive à un âge où il faut tourner la page. C’est un métier passionnant, que j’ai adoré pendant 40 ans, mais c’est un métier qui use, qui prend énormément de temps. Je me suis posé plusieurs fois la question : et moi ? Alors j’ai pris la décision de prendre du recul, j’ai des idées, à développer avec certaines personnes, mais je ne veux plus faire mon métier à plein temps. Ma motivation est de me dire : j’ai réussi ma carrière, maintenant je prends soin de moi », plaide celui qui était capitaine du Fairmont depuis 2007. Sa décision, il l’a actée en mars. La situation sanitaire actuelle l’a poussé à rester jusqu’à l’automne pour assurer la transition. Histoire de boucler la boucle d’une vie professionnelle de directeur d’hôtel à laquelle il ne s’imaginait pas adhérer.
« À 20 ans, j’aurais ri si on m’avait dit que je serais abonné à la chemise et à la cravate. À cette époque, j’avais une queuede-cheval, je ne portais que des jeans ! »
C’est à cet âge qu’il s’engage sur un yacht en Méditerranée de 80 mètres qui faisait du charter. Avec 26 membres d’équipage à bord sous la direction d’un capitaine, ex de l’US Navy. « J’y ai appris la discipline et les valeurs, moi qui avais quitté l’école à 16 ans. Comme disait Churchill, j’adore apprendre, mais je déteste qu’on m’enseigne ».
À la fin de ces trois années en Méditerranée, le capitaine lui dit qu’il ferait un bon directeur d’hôtel. L’idée reste dans un coin de sa tête, mais sa priorité est autre : s’acheter une Norton 850 et faire le tour de l’Europe à moto. Quatorze mois d’aventures sur la route et l’idée d’être hôtelier lui revient. « Mon père m’a dit que je n’y arriverais jamais. J’ai pris ça comme un défi. Je suis allé voir un ami dont le père était propriétaire d’un hôtel à Gibraltar. Il m’a orienté vers un hôtel à Londres, où un poste de concierge de nuit m’attendait ».
Une partie de tennis formatrice
Premier pas dans l’hôtellerie, qui le mène à gravir les échelons dans divers établissements de la capitale britannique. L’ambition est lancée ? De son parcours dans ce métier, Xavier Rugeroni retient surtout l’influence d’un de ses mentors de la profession : Alfonso Giannuzzi. Ce patron d’hôtel lui a offert l’entretien d’embauche le plus étonnant de sa carrière, alors qu’il postulait pour diriger la partie restauration de l’Hannibal Palace en Tunisie.
« Je suis arrivé la veille de l’entretien. Le matin, je me prépare le matin, je me fais beau et je monte au bureau de Monsieur Giannuzzi. La secrétaire m’accueille en me demandant ce que je fais ici, car l’entretien se fera sur le court de tennis ». Elle l’accompagne à la boutique de l’hôtel pour l’équiper. « J’arrive enfin sur le court, Alfonso Giannuzzi est là, déjà prêt à jouer et me lance : « Tu es en retard mon ami ».
Le match commence, en trois sets : 6.0/6.0/6.0. « Il était très fort, mais j’ai renvoyé la balle. À la fin de la partie, il me dit, tu as le poste, je n’ai pas besoin de faire un entretien dans un bureau, j’ai vu que tu ne voulais pas perdre, pour moi c’est important ».
« Ici, c’est le paradis »
La leçon est retenue. Et appliquée dans son métier. Faut-il toujours faire confiance à l’instinct et pas aux diplômes quand on choisit ses collaborateurs ? «Aujourd’hui, dans notre domaine, on préconise d’étudier dans une école d’hôtellerie pour faire nos métiers, et c’est ce que j’encourage aussi. Mais on peut recruter sur l’attitude, pas nécessairement sur le côté technique. Le côté académique est très important, mais le comportement tout autant ». Un principe qui a guidé sa carrière et qu’il a appliqué à Monaco, où il est arrivé en 1995, sur les conseils d’Alfonso Giannuzzi toujours, quittant un poste au Portugal pour prendre les rênes du Beach Plaza au Larvotto. Premier souvenir ? « Nous étions en décembre, je me souviens de cette vision sur l’autoroute en arrivant vers Cannes de voir la mer, les palmiers et les sommets enneigés. Je me suis dit, c’est le paradis ici ». L’aventure monégasque durera 25 ans, jalonnée d’anecdotes et de souvenirs que le patron d’hôtels entend bien un jour coucher dans un livre. Sans s’éloigner du Rocher ? « J’entame un nouveau chapitre, mais je reste à Monaco, j’y ai passé vingt-cinq ans, aujourd’hui c’est ma maison. Je garde mon passeport britannique, mais je suis lié à la Principauté ».