Monaco-Matin

Aline Perros Us et costumes

Dans son atelier niçois, la jeune femme crée des habits de scène pour danseurs, comédiens, circassien­s... Elle convoque savoir faire traditionn­els, techniques de coupe recherchée­s, fantaisie sans bornes afin de s’adapter à l’imaginaire des artistes, comp

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L’art prend parfois des chemins de traverse. Aline Perros en est l’exemple. À l’heure où les ados s’interrogen­t traditionn­ellement sur leur orientatio­n, elle était un peu confuse. Bonne élève. Bosse des maths. Minutieuse. Aimant « bidouiller des choses avec ses mains » comme elle dit. Une conseillèr­e d’orientatio­n pense avoir trouvé une voie pour Aline : dans l’industrie, l’assemblage de petites pièces. Bof, la jeune fille semble moyennemen­t emballée par l’idée. « En réalité,

‘‘ c’est ma mère qui m’a fait découvrir le métier de costumier, à l’occasion d’une journée portes ouvertes dans une école, à Dole, dans le Jura. Je ne sais toujours pas trop pour quelle raison elle m’y a emmenée... Elle avait dû pressentir quelque chose », explique celle qui grandissai­t alors du côté de Besançon.

Technique et poétique

Là, face aux machines à coudre et aux costumes de scène créés par les apprentis, le puzzle s’assemble, comme une évidence. Aline, 32 ans, frêle silhouette, se souvient. Du placard chez sa grand-mère, quand elle était gamine. « Avec trois robes, des colliers et des châles qu’elle crochetait. J’ai passé un temps fou à me déguiser avec ça, à m’enrouler dans ces vêtements, en “fumant” des cigarettes russes – celles des glaces – et en dansant sur les valses d’André Rieu. » Imaginaire fécond. Puis il y a aussi les tenues de patinage artistique qu’elle pratiquait à Belfort. Lycra, strass et paillettes. « Des costumes, j’en ai eu un bon paquet quand je patinais ! J’en garde d’excellents souvenirs... Leur fabricatio­n était coopérativ­e, je crois qu’une couturière faisait la base, puis les mamans les brodaient. J’en avais dessiné un, une fois... Et avec le recul, je me dis qu’il aurait été affreux, trop lourd à porter ! »

Car malgré sa beauté, un costume de scène est avant tout un outil de travail pour le danseur, le chanteur, le circassien, le patineur qui le porte. « Il faut faire des concession­s... admet Aline. Le costume ne doit pas entraver le mouvement, il doit l’épouser, jamais le cacher. L’artiste va transpirer, se frotter à l’autre. Ou tomber par terre dans ce costume. Il va parfois être dans les airs. Donc, il faut à la fois être très résistant et garder cette part de poésie, de magie. »

Les ficelles de ce métier artisanal autant qu’artistique, Aline Perros les a acquises à l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) de Lyon, où elle obtient en 2009, le diplôme des Métiers d’Art costumier réalisateu­r.

Mozart l’opéra rock pour faire ses gammes

Elle y apprend aussi la coupe de costumes historique­s. De l’Antiquité à nos jours, elle maîtrise le drapé identique à celui des statues grecques, le corset pareil à ceux des courtisane­s, le bibi à voilette que l’on croit sorti des années folles... Des codes et des savoir-faire traditionn­els qu’elle utilise dès sa première expérience profession­nelle, dans les coulisses de la comédie musicale Mozart l’opéra rock.

« Un moment à la fois génial et intense. On devait faire tous les costumes en trois mois... Quel défi ! J’ai fini de coudre le dernier costume dans le camion qui les transporta­it des ateliers en région parisienne au Palais des sports à Paris avant la première ! »

L’opéra de Strasbourg lui lève le rideau. Elle se révèle dans le lycra et la maille, deux matières connues pour être la véritable hantise des cousettes amatrices. « À Strasbourg, ils ont très vite compris qu’ils pouvaient me confier

‘‘ ces tâches. Moi j’adore tout ce que l’on peut faire avec de l’extensible. » Après Strasbourg, Aline poursuit ses gammes à l’opéra d’Amsterdam. «Un atelier grandiose, avec du tailleur pour les hommes, du flou pour les femmes. Plein de corps de métiers qui s’exécutent. Une rareté ! »

Puis, le sud de la France lui tend les bras, en 2016. Ballets de MonteCarlo, opéra et théâtre de Nice. Il y a de quoi aiguiller ici. Aline Perros se spécialise en patronage. « C’est l’interpréta­tion en 3D d’une maquette, décrypte-t-elle. Il y a quelque chose de magique dans ce passage du dessin à la fabricatio­n, ce travail artisanal pour arriver au costume final ».

À l’approche des représenta­tions de la compagnie de danse monégasque, elle s’occupe d’un atelier « volant » d’une cinquantai­ne de personnes, atelier éphémère mis en forme avec la vie du spectacle. Collerette XXL, plastron, cage crinoline : Aline se régale à donner vie aux envies du costumier Jérôme Kaplan pour La Belle.

Épouser le mouvement, jamais le cacher”

Le passage du dessin à la fabricatio­n a quelque chose de magique”

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