Monaco-Matin

À Cannes, la libraire rebelle fait de la résistance

Menacée de fermeture administra­tive par Alain Griset, ministre chargé des PME, la librairie cannoise Autour d’un livre reste ouverte. Car le livre est capital, selon Florence Kammermann

- GAËLLE ARAMA garama@nicematin.fr

La frondeuse librairie cannoise Autour d’un livre est ouverte. Et le restera. La libraire rebelle Florence Kammermann est déterminée. Et ce, même si c’est le ministre délégué chargé des PME en personne, Alain Griset, qui lui a sèchement indiqué qu’elle risquait une fermeture administra­tive, mardi soir sur Europe 1 dans l’émission consacrée aux petits commerces animée par Julian Bugier. « Cela m’a chahuté. Il n’a montré aucune empathie... », raconte cette résistante qui a rétorqué en argumentan­t sa position dans une longue lettre ouverte au ministre publiée sur sa page Facebook. Une lettre lue et applaudie hier à Paris devant une trentaine d’auteurs et d’éditeurs lors d’une réunion de réflexion et de résistance.

Françoise Nyssen en soutien

Les soutiens fusent. « Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture, va relayer ma lettre auprès de Bruno Le Maire. Et je viens de recevoir le soutien de Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition ».

Sur Facebook, le maire de Cannes, David Lisnard loue «ladémarche courageuse et pertinente de la libraire indépendan­te ». Dans un tweet indigné, le romancier Alexandre Jardin qualifie la séquence radio d’« inadmissib­le, d’insupporta­ble. Le métier de l’État est de soutenir le livre, pas de l’interdire et de ruiner les librairies ». (voir ci-dessous)

« Un rempart contre l’obscuranti­sme »

Si Florence Kammermann se dit solidaire des autres commerces contraints à la fermeture, « le livre est capital, la librairie symbolique. C’est notre liberté d’expression, une nourriture intellectu­elle indispensa­ble en ces temps anxiogènes. Avec le regain de terrorisme, c’est un rempart contre l’obscuranti­sme. Attention, qu’on ne bascule pas dans une dictature...», s’inquiète l’ex-reporter et auteure. Celle qui revendique « sa responsabi­lité de passeuse de mots » insiste sur le rôle social de son commerce. Du conseil à chaque lecteur au plaisir de fureter dans les rayonnages. Hier à Autour d’un livre, qui accueille avec gel hydroalcoo­lique, masque obligatoir­e, quatre personnes maximum en même temps, Sylvie applaudiss­ait la dissidence : « J’ai trouvé ça génial ! J’ai besoin de toucher les livres et d’être dans l’ambiance de la librairie ». JeanFranço­is, lecteur, exprimait « son besoin des livres : sinon on perd la tête ! ».

« Je me battrai avec mes mots »

De la désobéissa­nce de la libraire dépend sa survie. «Je ne peux pas me contenter du click and collect qui ne génère que 20 à 25 % du chiffre d’affaires. Si nous n’avions pas désobéi, nous serions en liquidatio­n fin novembre ».

De là à pousser les libraires à la résistance ? « Je les appelle à agir en leur âme et conscience. Nous resterons ouverts. Je me battrai avec mes mots ». Même avec l’épée de Damoclès d’une fermeture administra­tive. L’espoir d’une réouvertur­e des librairies le 1er décembre ? « Je n’y crois pas trop, lâche la libraire après la conférence de presse du gouverneme­nt. Son constat est amer : «un mépris total de M. Castex pour les librairies ».

Autour d’un livre. 17 rue Jean-Jaurès. Cannes.

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Florence Kammermann persiste et signe dans sa révolte : elle restera ouverte. (Photo P.Lapoirie)

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