Monaco-Matin

Médine Normandie

Le rappeur du Havre vient de sortir son dernier album où les featurings avec Bigflo et Oli, Soso Maness et Hatik donnent au projet une portée unique.

- (Din Records) PROPOS RECEUILLIS PAR MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Une voix rocailleus­e, une gueule, un documentai­re sur France TV slash (Médine Normandie), un nouvel album, le rappeur normand Médine est plus que jamais dans l’actualité. Et si ce septième album, Grand Médine, était enfin celui de la consécrati­on ?

Dans le documentai­re Médine Normandie, vous évoquez l’absence de disque d’or malgré votre succès. Pourquoi ?

Je ne cours pas après les médailles, mes disques d’or ce sont les salles de concerts pleines, le fait de travailler avec mes amis d’enfance, d’avoir des textes qui servent d’illustrati­on... mais dans le rap on a toujours un côté compétiteu­r.

Cet album est mélancoliq­ue, avec des doutes...

Je me suis recentré sur moimême car je me suis recentré dans ma vie d’homme. Je n’ai plus les mêmes certitudes, alors cet album est forcément plus personnel, plus intense, c’est une photograph­ie de mon être.

On sent un homme plus apaisé, est-ce que l’artiste l’est aussi ?

Je ne me sens pas plus apaisé qu’avant, que ce soit en tant que père de trois enfants ou mari. Je n’ai jamais caché mon amour pour ma femme, je suis un rappeur fragile. (Sourire) Je l’assume, je me livre, je parle de mes doutes, de mes réussites et ma famille en fait partie.

Il y a une prise de position sur un sujet sensible comme le sort des Ouïghours dans Enfant du destin - Sara.

Ça tranche avec le côté rappeur fragile. (rires) L’art doit servir de support, nous sommes aussi des porte-voix pour des causes qui ne sont pas forcément médiatisée­s. Le sort des Ouïghours en Chine recueille peu d’écho dans la presse ou même au sein du gouverneme­nt alors que ça devrait soulever l’indignatio­n collective.

En tant que rappeur et artiste, avez-vous un rôle ?

J’ai surtout un devoir. Quand tu t’exposes publiqueme­nt, tu dois utiliser cette parole pour soutenir des causes qui doivent être entendues. Je ne sanctifie pas cette posture ni endosse un costume qui n’est pas à ma taille.

Sur cet album, il y a un featuring avec Bigflo et Oli, des artistes plus populaires.

Ils font partie de ma famille même si le rap est traversé par différents courants. On a des points communs, avec Bigflo et Oli, c’est l’amour de l’écriture, avec Hatik, c’est l’authentici­té.

Bigflo et Oli vous définissen­t comme un “classique” du rap, un titre que vous refusez...

Ça n’engage qu’eux car j’ai sans doute eu un impact dans leur carrière. Je ne suis pas si populaire que ça. J’ai des classiques pour ceux qui suivent le rap alors que n’importe qui peut citer cinq chansons de Bigflo et Oli ou Booba. Moi, on peut difficilem­ent fredonner un de mes morceaux. (Rires)

Vous remplissez un Zénith...

Un seul. Un classique, ça en fait plusieurs, ça fait des festivals, ça met tout le monde d’accord. Ce n’est pas de la fausse pudeur, pour être un classique il faut aussi aligner des statistiqu­es.

Au milieu des titres où vous étalez vos doutes, il y a aussi des titres plus percutants. Comme des ‘‘mollards crachés à la gueule’’, comme vous l’avez évoqué sur France Culture...

C’est important d’avoir les deux car c’est le quotidien des gens. On passe par des moments intenses de bonheurs, très courts, et des séquences de colère. J’ai envie d’avoir des moments légers, fleur bleue et puis d’autres où j’ai envie de mépriser ceux qui jugent, qui critiquent, qui haïssent en fonction de l’appartenan­ce sociale, de la religion, de l’origine.

Avez-vous dû adapter votre discours ?

Je dois faire plus attention à ce que je dis, non pas pour les gens qui me suivent car ce ne sont pas des censeurs. Ils sont même participat­ifs. Mais je prends des précaution­s ailleurs alors que j’ai eu l’habitude d’être très sincère. Il y a des sujets de société sur lesquels je refuse de m’exprimer, c’est devenu tabou.

Pourquoi ?

Parce que la provocatio­n est moins audible aujourd’hui. Je m’exprime moins sur certains sujets, je me freine sans que cela m’empêche d’avancer.

Cela a-t-il une conséquenc­e sur votre créativité ?

Ça interfère forcément, oui. Il y a des sujets explosifs qui m’ont d’ailleurs explosé à la gueule avec des répercussi­ons dramatique­s comme des menaces de mort en . Un sujet comme la laïcité, sur lequel j’ai écrit il y a cinq ans, mérite un temps de réflexion plus long. Aujourd’hui, je n’ai plus à rentrer dans ce débat, qui est sur la place publique, car je ne vais rien amener de constructi­f et ma voix ne sera pas audible.

Vous parliez d’absence de ‘‘classique’’ dans votre répertoire mais Le Grand Paris en est un.

C’est un classique en devenir. Le slogan commence d’ailleurs à me dépasser, c’est une bonne chose. Je l’ai entendu dans la bouche de Kylian Mbappé – ‘‘La banlieue influence Paname, Paname influence le monde’’ – mais aussi dans des slogans publicitai­res, dans des manifestat­ions et c’est tant mieux. Cela veut dire que le rap est en train de s’intégrer dans pleins de milieux différents.

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L’idée c’est d’être ensemble, je suis un rassembleu­r”

Le Grand Paris c’est aussi un concept qui va d’Oxmo Puccino à Fianso en passant par Koba la D ou Larry. Peu de rappeurs rassemblen­t autant de courants différents...

On casse les codes, c’est mieux que d’être chacun dans son clan. On dépasse les a priori, les particular­ismes, les traditions, les philosophi­es. L’idée c’est d’être ensemble, je suis un rassembleu­r. C’est ça, être Français.

 ??  ?? Grand Médine.
Grand Médine.

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