Monaco-Matin

« On a oublié que j’ai porté le projet du Parc Astérix »

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Résumer la carrière de Christian Philippsen en si peu d’espace serait aussi ambitieux que de déménager une vie dans le coffre d’une Ferrari. Jetons toutefois un coup d’oeil dans le rétro pour comprendre ce qui anime cet entreprene­ur « timide » ,dontles idées ont souvent fait mouche, et qui cultive le goût de la transmissi­on.

« Je n’invente pas grand-chose. Je vois des choses qui se font ailleurs et je m’en inspire. » Sa force ? Avoir su convaincre ses partenaire­s. Sa chance ? Des mains tendues.

À  ans, en , Christian lance une bouteille à la mer depuis Anvers. Il adresse une lettre au journalist­e-pilote Paul Frère (vainqueur des  Heures du Mans en ) dans l’espoir qu’il l’embarque au Salon de Turin. Son compatriot­e trouve la missive « sympathiqu­e ». Christian verra Turin. « Paul trouvait que j’avais du culot ; je me trouve plutôt timide. » De retour du service militaire, en , Christian fait encore preuve d’audace. Cette fois, sa plume s’adresse à Jacques Swaters, importateu­r de Ferrari et patron de l’Écurie Francorcha­mps. Le lundi suivant, il débute chez Ferrari à Bruxelles. Passionné de design, il arpentera les circuits du monde entier, créera un concours d’élégance au Parc Bagatelle comme consultant de Louis Vuitton, ou officiera  ans comme expert chez Christie’s, permettant à la maison de ventes de mener la première vacation du Salon Rétromobil­e. En , il met fin à trente ans de présence dans le jury du concours référence de Pebble Beach. «Ilne faut pas s’accrocher à ses privilèges. Carlos Ghosn aurait quitté Nissan trois ans plus tôt, il serait vénéré. »

Face aux soldats israéliens

Les années quatre-vingt sont synonymes de parenthèse dans le e art. Membre du club Ferrari avec René

Uderzo, dessinateu­r d’Astérix ,ils créent ensemble les éditions Albert René après la disparitio­n de René Goscinny. Et les anecdotes ne manquent pas avec son complice. Comme en , lors d’un repérage à Jérusalem pour L’Odyssée d’Astérix. Christian prend le volant d’une voiture de location avec Uderzo, sa femme et Gilberte Goscinny. Distrait, il roule sur des herses à un poste de contrôle et crève les quatre pneus.

« Dans le rétro, je vois des soldats en armes qui nous pointent. On leur a demandé s’ils pouvaient nous appeler un taxi mais ont fait venir un fourgon cellulaire ! [rires]. Alors qu’on se croyait sauvés, on s’est dit qu’ils nous avaient dit n’importe quoi et allaient nous foutre en taule. On était un petit peu inquiets sur le trajet mais ils nous ont déposés à l’hôtel. On nous a regardés bizarremen­t ! [rires] Après ça, Uderzo m’a dit qu’on allait prendre un chauffeur. »

En , Christian s’était rendu aux  Heures de Daytona. Des amis l’entraînent à Disney World Orlando. Parti à reculons, il passe « un très bon moment » et l’idée d’un Parc Astérix germe. « Uderzo n’y croyait absolument pas, parce qu’ils avaient déjà accordé des licences par le passé pour de petits parcs d’attraction­s. Rien de qualité. » Philippsen emmène son ami aux États-Unis et le convainc. « Puis Mitterrand a été élu président de la République, ce qui a beaucoup affecté le moral des entreprene­urs et financiers. Notre projet a été mis dans un tiroir pendant quatre ans et on a dû se battre car on déroulait le tapis rouge à Disney alors qu’on nous mettait des obstacles à tous les moments. C’était un investisse­ment d’un milliard de francs ! » Témoin des tensions entre les clans Uderzo et Goscinny, il prendra la tangente non sans regrets. « Je n’ai plus rien à voir avec le parc et on a complèteme­nt oublié que j’avais porté ce projet. Mais ce n’est pas très grave. »

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(Photo T.M.) Christian Philippsen, jamais loin du Cavallino Ferrari.

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