Monaco-Matin

Plastic Bertrand « Mon album le plus humain »

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Au téléphone, le débit est speed, l’enthousias­me palpable. Sevré de concerts, en solo ou avec la tournée Stars 80, Plastic Bertrand est heureux de reprendre du service pour assurer la promotion de L’Expérience humaine, son dixième album en quarante-trois ans de carrière. S’il avait voulu, lui aussi, rendre hommage à Johnny Hallyday, il aurait pu intituler Toute la musique que j’aime. Pas question de blues ici, en revanche. Que ce soit dans le choix des mots ou des sonorités, le Belge donne dans l’optimisme. Comme un gamin facétieux, il a usé du Vocoder pour se façonner une voix d’extraterre­stre ou de robot. Sur la pochette, il pousse également le délire SF. « Mais attention, ce n’est pas un album gadget », prévient le chanteur. Allez, on décolle.

Onze ans après votre dernier album, vous voilà de retour...

Je n’ai pas l’impression de faire un retour. Je n’ai jamais arrêté. Si on me voit un peu moins à la télé française, ça veut dire que je suis ailleurs et que je tourne beaucoup. Je suis peut-être l’artiste francophon­e qui tourne le plus depuis  ans. J’ai la chance d’avoir fait Ça plane pour moi ,untube internatio­nal. Stop ou encore a aussi très bien marché aux États-Unis. J’ai tourné en Australie, en Allemagne, en Italie et souvent au Canada.

Ces derniers mois sans concerts ont été durs à vivre ?

C’est monstrueux. Je tourne avec mes spectacles et avec Stars . Stars  a déjà été reportée deux fois. C’est du délire. On avait pratiqueme­nt  dates. Et moi, j’avais un très gros concert en juillet aux États-Unis, sur lequel on s’appuyait pour monter une tournée de  dates. Tout est reporté à . C’est trash à mort.

Cet agenda allégé vous a poussé à plancher sur un album ?

Non, on avait commencé à travailler sur les premières chansons il y a presque huit ans. Après, j’ai eu besoin de me nourrir à nouveau, de sortir un peu du cycle album-promo-tournée. Pendant deux ans, j’ai un peu levé le pied. J’avais besoin d’autre chose. Je ne voyais que des gens du showbiz, ça ne m’amusait plus trop. J’avais envie de moments du quotidien, de ne pas repartir tout de suite après une date, d’aller dans de petites villes... Je crois que ça a inspiré tout l’album.

Même les robots ont un coeur ?

Ah oui, j’ai l’impression que c’est mon album le plus humain. C’est une déclaratio­n à l’humanité. Tout ce que j’ai vu me pousse à dire qu’il y a toujours un potentiel énorme chez nous. L’album est hyper positif. Même si certaines chansons ont une petite touche mélancoliq­ue, ce n’est pas de la tristesse. C’est comme un spleen où on se sentirait bien en même temps. C’est un sentiment très chouette.

En écoutant le disque, on se dit que le concept n’englobe pas tous les morceaux...

Toutes les chansons parlent de la même chose. Mais je ne voulais pas être enfermé. Parfois, j’ai eu envie de faire des ballades, d’avoir une voix très naturelle. Puis mélanger ça avec des morceaux beaucoup plus funk. En fait, sur cet album, je fais des clins d’oeil à plein de gens que j’aime. Comme les Daft Punk, David Bowie ou les Bee Gees pour certains choeurs. Je montre qui je suis à travers mes goûts.

Comment Leee John, le chanteur d’Imaginatio­n, s’est-il retrouvé sur votre projet ?

On se connaît depuis très longtemps, c’est un ami. On rêvait de travailler ensemble, mais on ne trouvait pas la bonne formule. Là, quand je lui ai fait écouter la maquette de Don’t Stop, il était comme un fou. Il a une telle énergie, c’est un énorme vocaliste. Un vrai géant.

Vous avez également voulu donner une coloration très belge à L’Expérience humaine ?

Le côté belge est très important pour moi. En tant qu’artiste, je n’aurais pas pu naître ailleurs qu’en Belgique, où il y a cette dimension un peu surréalist­e. J’ai pu créer un personnage un peu délirant, proche de la bande dessinée. Ce constat est aussi valable pour Angèle, ou Lio bien avant elle. En ce moment, la Belgique est à la mode. On voit qu’un mec comme Damso peut travailler avec Louane. Chez nous, il y a cette capacité à faire des choses très différente­s, sans se demander si c’est bien pour notre image ou pas.

L’avez-vous toujours sciemment brouillée ?

Je n’ai jamais cherché le crédit. Je ne voulais pas faire un deuxième, puis un troisième Ça plane pour moi. Dès le deuxième single, j’ai changé d’atmosphère. Entre Tout petit la planète, Stop ou encore et Hula Hoop, le seul lien, c’est moi et ma liberté. L’essentiel, c’est que je m’amuse.

Vous avez déclaré un jour : ‘‘Je ne cherche pas à être crédible, je cherche à être léger...’’

Cela n’empêche pas d’être profond. Si on lit mes textes depuis le départ, il y a quelque chose. Je m’en rends mieux compte aujourd’hui. Je commence à comprendre ce que je fais ! Tout cela avait un sens, la toile commence à prendre forme. Plus j’avance, plus je me découvre.

Peu de gens savent, par exemple, que vous avez eu une galerie d’art contempora­in...

Je n’ai plus cette galerie, mais je continue d’être très impliqué dans l’art contempora­in. J’aime jouer avec ces codes. Un peu à la Bowie, j’aime avoir des personnage­s différents à chaque fois.

‘‘

Plus j’avance, plus je me découvre”

Vous avez pu rencontrer Bowie et Andy Warhol. Les années - ont été folles ?

Cette période était incroyable. La première fois où j’ai débarqué à New York, le big boss de ma maison de disques, la même que les Ramones ou Talking Heads, m’a emmené sur Times Square. Sur un grand panneau lumineux, je vois : ‘‘The Big Apple welcomes Mister Plastic Bertrand’’. J’avais la vingtaine, c’était incroyable. Il y a eu plein de choses comme ça, j’ai eu une chance extraordin­aire. Il faut se rendre compte qu’il y avait beaucoup de fric à cette époque. Et plus il y en a, plus on délire. Aujourd’hui, c’est différent, ça demande d’être imaginatif. Mais je me sens aussi bien aujourd’hui.

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