Monaco-Matin

Ait-Said, l’ode à la patience

La Fédération française a renoncé à participer aux championna­ts d’Europe début décembre à Mersin. Un coup dur à huit mois des Jeux de Tokyo, mais l’Antibois a appris à relativise­r

- PROPOS RECUEILLIS PAR LEANDRA IACONO

Comme de nombreuses autres nations fortes de la discipline, la Fédération française de gymnastiqu­e a fait le choix de ne pas envoyer d’athlètes aux championna­ts d’Europe qui doivent se tenir à Mersin, en Turquie, du 9 au 20 décembre. Une décision à contrecoeu­r, dictée par la pandémie de Covid-19 autant que par les tensions géopolitiq­ues actuelles entre les gouverneme­nts d’Emmanuel Macron et de son homologue turque Recep Tayyip Erdogan. Cet Euro n’était pas seulement la première compétitio­n majeure depuis de longs mois, elle représenta­it aussi une étape très importante dans la préparatio­n aux Jeux de Tokyo. L’Antibois Samir AitSaid y visait une médaille. Il se confie avec philosophi­e sur ce nouveau coup d’arrêt dans une saison déjà pleine d’incertitud­es.

Samir, comment se passe ce reconfinem­ent ?

On est sur un confinemen­t qui est totalement différent du précédent. On a l’autorisati­on d’aller s’entraîner régulièrem­ent. C’est une chance pour nous. Le stade d’athlétisme du Fort Carré est fermé, alors je m’adapte. Je boxe le matin, je vais courir au parc Vaugrenier l’aprèsmidi. J’enchaîne avec le gymnase.

Comment avez-vous vécu l’annonce de la nonpartici­pation à l’Euro ?

C’est clairement un coup dur. Une médaille européenne en ces temps compliqués aurait fait énormément de bien. Ma dernière compétitio­n majeure remonte au championna­t du monde sélectif pour les Jeux (en octobre ). Ça me manque, mais c’est comme ça. Il faut accepter, s’adapter et ne pas oublier que ce n’est que du sport. Ce n’était pas une décision facile, notre Fédération aurait pu privilégie­r l’aspect financier ou les médailles mais elle a choisi notre sécurité.

De nombreuses autres nations ont fait ce choix également.

Oui, ça aurait été un Euro très particulie­r. Une médaille dans ces conditions n’aurait peutêtre pas eu la même saveur.

« Difficile de se projeter »

Comment maintenir un niveau suffisant de motivation ?

Les Jeux de Tokyo sont toujours dans ma tête. Je me prépare chaque jour pour ça. C’est impossible pour moi de baisser mon niveau d’implicatio­n et de perdre cette soif de vaincre.

La tenue des JO est encore très incertaine…

On suit l’actualité. Il ne faut pas se laisser submerger par tout ce qu’on entend. Je reste dans ma bulle. Je garde mon objectif en vue. Ce n’est pas le moment de tergiverse­r.

Avec toutes ces incertitud­es, quelle est l’ambiance au sein du Pôle France ?

On est solidaires, on tire tous dans le même sens. Il y a beaucoup de communicat­ion avec les coachs, la Fédération. On m’a concerté concernant la participat­ion ou non au championna­t d’Europe. J’ai beaucoup apprécié. Avant, les choses étaient parfois décidées dans notre dos. Le staff actuel est à l’écoute, ça pousse à la confiance.

Comment jugez-vous votre état de forme ?

Je me sens de mieux en mieux, j’en chie à l’entraîneme­nt mais ça paie (rires). Je bénéficie d’un suivi important avec mon entraîneur Rodolphe Bouché et mon préparateu­r physique, le boxeur profession­nel Olivier Moriano. Je fais des choses que je ne faisais pas avant, et ça porte ses fruits. Je sais que je ne veux pas aller à Tokyo juste pour participer. Je veux gagner, je me mettrai dans le dur s’il le faut.

Quel programme alliezvous présenter à l’Euro ?

Surprise, je ne peux pas en parler (rires).

C’est compliqué de ne pas pouvoir se comparer à ses

LAM

adversaire­s ?

Je suis focus sur moi et seulement sur moi. Ce qui se passe chez mes concurrent­s, je ne le regarde qu’à la fin des compétitio­ns. Mon premier adversaire, c’est moi.

Quelles sont vos prochaines échéances ?

On ne sait pas trop... Sûrement après les vacances de Noël. C’est très difficile de se projeter avec tout ce qui se passe en ce moment. Mais cette incertitud­e ne doit pas nous faire baisser les bras.

Quel regard portez-vous sur la performanc­e de votre coéquipier Leo Saladino* ?

C’est un gymnaste très très prometteur. Dans quelques années, il peut faire très mal. Je mets une pièce sur lui pour les championna­ts d’Europe (en avril prochain à Bâle) et pourquoi pas pour obtenir le dernier ticket français pour les Jeux. Ça serait mérité. C’est un petit que j’affectionn­e vraiment, il n’est pas que talentueux, c’est aussi une très bonne personne.

Quid de votre métier de kiné ?

J’ai essayé de conjuguer mon métier et le sport de haut niveau mais je voyais mes résultats qui dégringola­ient. Je reprendrai après les Jeux de Paris. *Leo Saladino, 18 ans, est le 1er Français à avoir réussi un Miller (un double salto arrière groupé suivi d’une triple vrille).

LAF

 ?? (Photo AFP) ?? Samir Ait-Said ne lâche pas son objectif de vue : être sacré champion olympique à Tokyo.
(Photo AFP) Samir Ait-Said ne lâche pas son objectif de vue : être sacré champion olympique à Tokyo.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco