Monaco-Matin

Contrôles des skieurs français : la mesure provoque un tollé

Les annonces formulées mercredi par le Premier ministre Jean Castex, notamment le contrôle aux frontières des personnes partant skier à l’étranger, ont soulevé une vague d’indignatio­n

- E. F. « Je ne vois pas où est le problème » ÉRIC FAREL E. F.

Contrôles aléatoires à la frontière, mise en quarantain­e des personnes contrôlées pendant sept jours, confirmati­on de la fermeture des remontées mécaniques lors des fêtes de fin d’année... Jean Castex n’a pas pris de gants mercredi matin, au micro de RMC/BFM TV pour entériner l’annonce faite la veille par le président de la République, qui avait indiqué que le gouverneme­nt envisageai­t de prendre « des mesures restrictiv­es et dissuasive­s » pour empêcher les Français d’aller skier à l’étranger. Motivation du Premier ministre : « Je cherche à protéger, même si d’autres pays n’ont pas la même conception. » En retour, c’est une véritable vague de contestati­on qui a déferlé sur les réseaux sociaux. De contestati­on et d’humour caustique, le tout illustré par des tweets dont celui de Gilbert Collard (RN) – « Le terrifiant bonhomme de neige Jean

René est un montagnard. Un « Alpin » comme il se plaît à le dire, né à Briançon dans les Hautes-Alpes voici 70 ans, féru de ski et de marche, amoureux de ces grands espaces qu’il se plaît à retrouver régulièrem­ent dès que l’occasion lui en est donnée.

Plombier en retraite domicilié au Cannet, il estime pour sa part que les mesures prises par le gouverneme­nt visant à dissuader les Français d’aller skier à l’étranger ne sont pas si incongrues que ce que beaucoup s’accordent à dénoncer aujourd’hui. Mieux, il les défend. « Oui, elles sont justifiées. D’abord parce que le fait que les stations suisses notamment restent ouvertes, crée une concurrenc­e déloyale. J’ai un neveu qui travaille dans les remontées mécaniques et je suis sensibilis­é parce qu’il va se retrouver au chômage. Pendant ce temps, dans d’autres pays, les profession­nels du secteur vont se gaver en profitant de la situation, en attirant ceux qui ne pourront pas descendre les pistes chez

Castex se dresse à la frontière et ordonne des contrôles pour les skieurs ! » – et de

Pour René, les mesures de contrôles prises par le gouverneme­nt sont justifiées.

nous. Alors oui, il est normal d’opérer des contrôles pour que ce qui a été décidé soit respecté. »

Et puis, René s’inquiète aussi du contexte sanitaire. « Qui va aller skier à l’étranger ? Certaineme­nt pas des gens comme moi. Mais plutôt des jeunes et eux ne feront pas attention, ne respectero­nt pas les gestes barrières. Ils vont se retrouver en groupes, se contaminer et, après, ramener le virus avec le risque de déclencher une troisième vague. Ce qui aurait été beaucoup plus simple, bien sûr, c’est que tous les pays soient logés à la même enseigne et ce serait d’ailleurs à la Suisse de se plier à nos restrictio­ns plutôt bien d’autres personnali­tés politiques de tous bords. Mais la réponse aux décisions qu’à nos dirigeants d’imaginer des solutions pour contrer son choix de laisser les stations ouvertes. »

Au fait, que pense cet amoureux des cimes de la mise en applicatio­n des contrôles aux frontières ? « J’ai de gros doutes, déjà parce que, pour les franchir souvent, je sais qu’il n’y a pas beaucoup de personnel aux frontières. Et puis, les gens ne sont pas idiots. Ils loueront leur matériel sur place, alors comment savoir s’ils vont au ski ou pas ? Enfin, il leur suffira tout simplement de passer par l’Italie pour échapper à ces contrôles. Donc, je ne crois pas trop à leur efficacité. » gouverneme­ntales n’a pas été que virtuelle. Ainsi, plus de 2 000 personnes, représenta­nt

Ces mesures-là, Karim, 38 ans, assureur et Cannois, n’en veut pas. Skieur de bon niveau et épris de balades en montagne, il fréquente généraleme­nt les stations des environs : Auron, Isola, Gréolières et Allos à l’occasion. Mais surtout, une fois par an, il a l’habitude de se rendre à Villars-sur-Ollon, station des Préalpes vaudoises en Suisse, où réside une partie de sa famille.

Alors bien sûr, il a un peu en travers de la gorge les mesures d’interdicti­on formalisée­s mercredi par Jean Castex au micro de Jean-Jacques Bourdin. « Je sais qu’elles ont été prises dans l’intérêt de la population et je ne veux pas débattre sur les risques. Mais par rapport à la Constituti­on, je trouve ces décisions totalitair­es et liberticid­es. Beaucoup de gens ont, comme moi, de la famille à l’étranger et ont envie d’aller la voir pour passer les fêtes de Noël ensemble. tout l’écosystème montagnard, ont réclamé à Bourg-Saint-Maurice

Karim ira rejoindre sa famille à la fin du mois, en Suisse.

»

Karim estime qu’au ski, les risques de contaminat­ion ne sont pas plus grands qu’ailleurs. Sans doute moins. « On est en plein air, on a une combinaiso­n, franchemen­t je ne vois pas où est le problème. Peutêtre lorsqu’on fait la queue pour les remontées ? Mais ça, c’est gérable. » Surtout, il ne croit pas à l’efficacité de la fermeture des pistes… « C’est une mesure qui vient en complément de celles qui ont déjà été prises, mais je ne pense pas que cela va et Bourg d’Oisans, dans les deux départemen­ts de Savoie et d’Isère, le droit de travailler dès la période de Noël en dépit du veto des autorités. Plus près de nous, à Isola 2000 (lire ci-dessous), une manifestat­ion a également réuni quelque 150 personnes.

Et au coeur de ce maelstrom, certain(e)s tentent de formuler des propositio­ns visant à préserver ce qui peut encore l’être. C’est le cas de la sénatrice LR azuréenne, Dominique EstrosiSas­sone, soutenue par soixante autres sénateurs, qui a demandé au chef du gouverneme­nt « d’examiner la possibilit­é d’étirer les vacances scolaires d’hiver sur six semaines, de janvier à mars, et non plus sur quatre semaines comme c’est le cas actuelleme­nt ». Cela, pour tenter de conjuguer enjeux sanitaires et pérennité économique des stations de sports d’hiver. aider à freiner l’expansion du virus. Les Suisses sont des gens de bon sens et s’ils n’ont pas fait ce choix-là, ce n’est pas pour rien. »

Et une harmonisat­ion générale des mesures n’aurait, à ses yeux, rien changé à l’affaire. « Cela n’aurait pas été plus acceptable, et n’aurait pas eu plus de sens. »

En tout cas, sa décision est prise : le 23 décembre, pour le début de ses vacances, Karim prendra la direction de la Suisse. Sans aucune hésitation.

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(Photo AFP) A Bourg-Saint-Maurice, les maires et habitants de la vallée de la Haute-Tarentaise ont manifesté pour « le droit de travailler à Noël ».
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