Monaco-Matin

Le changement dans la continuité

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Aussi loin que ceux qui l’ont connu et accompagné remontent dans leur souvenir, il leur semble que Valéry Giscard d’Estaing n’a jamais pensé qu’à la politique, au plus haut niveau. Dès son plus jeune âge, sa mère, May, petite-fille d’Agenor Bardoux, ministre de Mac-Mahon, lui prédisait un destin national. Ses camarades de jeux, à Chanonat, dans le Puy-de-Dôme, où il passait ses vacances, ne le tutoyaient pas. Ils l’appelaient « monsieur Valéry ». C’est que Valéry Giscard d’Estaing n’a jamais été un enfant, un élève, un étudiant, un homme, un ministre enfin, comme les autres. Il était ambitieux, luttant pour ne pas être déçu par lui-même, forçant le destin pour voir s’il en était digne, comme lorsqu’il rejoint, à 18 ans, en 1944 l’armée du général De Lattre à la Libération. Il apparaît très tôt passionné par la conduite des choses, nationales et internatio­nales : certains soirs, à l’école Polytechni­que, il fait le mur : c’est pour aller à la Chambre des députés écouter les débats nocturnes, dans des tribunes souvent désertes. Bref, personne n’a jamais douté, depuis toujours, qu’il ferait de la politique, et qu’il y compterait parmi les premiers. Lorsque le général de Gaulle gagne son référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel, en 1962, Valéry Giscard d’Estaing sait, il le dit à un ou deux de ses proches, qu’il sera un des premiers, peut-être pas tout de suite, il est trop jeune, qu’il figurera, tôt ou tard dans cette compétitio­n. En 1956, à trente ans, il succède à son grandpère comme député de la 2e circonscri­ption du Puy-de- Dôme. Dix-huit ans plus tard, il est président de la République à la mort de Georges Pompidou. Il n’a jamais été gaulliste, même ministre des Finances dans les gouverneme­nts Debré et Pompidou. Mais il a vite trouvé, auprès du Général, qui respectait son intelligen­ce et sa virtuosité, un chemin de traverse, celui qui lui a permis d’appartenir à une majorité dominée par les gaullistes et leurs barons tout en gardant son indépendan­ce. C’est à cette indépendan­ce qu’il devra son élection à la présidence de la République en 1974 : dans une campagne brève, menée à grand train, il apparaît plus jeune, plus moderne, plus dynamique que la classe politique qui a accompagné le général de Gaulle. Le changement dans la continuité, tel est son slogan au moment où les Français veulent tourner la page gaulliste, sans connaître de désordres. Giscard, président à 48 ans, les rassure à la fois parce qu’il a appartenu aux gouverneme­nts du passé, et par sa modernité. Aujourd’hui, comment juger le quinquenna­t de Valéry Giscard d’Estaing ? Il a été marqué par deux périodes, contradict­oires. Dans les deux premières années, les réformes de société pleuvent : loi Veil sur la dépénalisa­tion de l’avortement, âge de la majorité politique portée de 21 à 18 ans, droits des femmes reconnus, et surtout dans le gouverneme­nt, où elles sont pour la première fois au nombre de cinq. Les réformes sociales suivent, dont l’aide personnali­sée au logement.

« Il n’a jamais été gaulliste, même ministre des Finances dans les gouverneme­nts Debré et Pompidou. »

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