Le désarroi des habitants de la vallée du Caïros
L’hiver approche et avec lui, la neige et le gel. Depuis la catastrophe, dans cette vallée, rien n’a été fait ou presque. Les habitants se sentent oubliés et impuissants. Il est grand temps que « ça bouge ». Le ton monte, alors que le moral, lui, est au plus bas pour certains
Autrefois si belle et paisible, la vallée du Caïros est aujourd’hui défigurée et quasi inaccessible. Spectacle de désolation. A quelques mètres de la chapelle de Maurion, un cabanon en bois repose là où les torrents déchaînés l’ont abandonné. Le petit vallon, dont personne jusqu’alors ne soupçonnait le pouvoir destructeur, s’est réveillé cette nuit du 2 octobre 2020, emportant tout sur son passage. Sans parler des coulées de boue et des glissements de terrain.
Là-bas, la tempête Alex n’a pas fait de morts, ni de blessés, mais laisse derrière elle des sinistrés qui ne savent plus quoi faire ni penser. «Sur place, il reste des dizaines d’habitants et il y en a aussi qui aimeraient retrouver leur maison », fait savoir Brigitte Bresc, la maire de Saorge, venue lundi à la rencontre de ses administrés. Rien n’a bougé ou presque depuis deux mois. Quelques mètres de pistes seulement ont été réalisés dans le bas de la vallée, mais ce n’est pas suffisant. Il reste tant à faire. Pour Brigitte Bresc, le constat est amer. « Depuis le début, la commune de Saorge passe inaperçue. Le village n’a rien eu, donc pour faire entendre à tout le monde que la vallée du Caïros fait partie de la commune et que ce n’est pas seulement un hameau, mais bel et bien une vallée où il y a beaucoup d’habitants, c’est compliqué. »
Elle poursuit : «Audépart,onademandé à ceux qui résident derrière le pont du Diable d’être évacués, d’ailleurs ils l’ont été pour la plupart et certains n’ont pas voulu partir. Et à partir de là, plus rien. Lors des précédentes réunions avec les élus de la vallée de La Roya, j’attendais la fin pour parler, parce que je savais ce qu’il y avait à faire à Tende par exemple, mais maintenant, il est temps de faire quelque chose pour eux ».
Un problème de plus pour l’élue, qui peine à se faire entendre et à trouver des solutions, par manque de soutien des autorités. Traverser le vallon sur des passerelles de fortune, se frayer un chemin sur les rochers glissants et les nombreux déchets, la marche reste le moyen le plus rapide d’aller à la rencontre des habitants de la vallée ou pour eux, d’en sortir.
Le village risque la coupure d’eau
Mais comme le rappelle Jean-Charles, 71 ans, qui s’y est installé il a de cela une vingtaine d’années avec sa femme, « ça va pour les personnes valides, mais pour les autres ? Ils ne peuvent pas nous laisser comme ça. Et puis c’est chez nous ici, où voulez-vous qu’on aille ? Ici c’est notre vie ».
Un peu plus haut, chez Jean-Luc et Renée Terreux, on prend son mal en patience. Enfin, on essaie. Si, contrairement à certains de leurs voisins, ils peuvent à nouveau téléphoner depuis lundi, le couple rencontre des problèmes avec l’eau.
« Au début, résume Renée Terreux,
nous n’en n’avions plus du tout car notre prise d’eau a été totalement emportée. C’est le voisin qui a été gentil et efficace en nous faisant profiter de la sienne. De notre côté, il a fallu que nous en fassions une nouvelle et c’est mon mari, à 78 ans, qui a fait tout ça. »
Et il y a des jours où plus rien ne coule du robinet. Jean-Luc Terreux doit alors descendre seul dans une sorte de grande rocaille pour réparer. « Un stress pas possible » pour sa femme. « S’il lui arrivait quelque chose, je fais quoi ? »
Deux heures aller, deux heures retour pour se ravitailler
Pour elle, le plus difficile, c’est de
« ne pas pouvoir circuler librement ». « La route est très mauvaise par endroits » et Renée Terreux en est presque certaine « si le temps devient mauvais, ça va être très dur de circuler sur cette piste ». Il leur faut deux heures aller, deux heures retour, pour se ravitailler.
« On manque de produits frais ,déplore-t-elle. Même si nous ne sommes pas obligés de manger de la viande tous les jours, de temps en temps, ça fait du bien quand même. On ne peut pas se nourrir que de pâtes blanches ou de pommes de terre ».
Malgré tout, le couple n’est pas décidé à partir.
« Ils s’en foutent de nous »
Même son de cloche du côté de la famille Martini qui vit un peu plus bas. Le fils, Eric, est particulièrement remonté. « On est des résidents comme tout le monde, on paye nos impôts, mais on est totalement
oubliés. Ils s’en foutent de nous », lâche-t-il.
Sa maman, Hélène, craint pour la santé de son mari qui souffre de problèmes cardiaques. « Les ambulances ne peuvent pas passer, les hélicoptères ne viendront pas, si on y va en voiture, il nous faudra deux heures... Ce serait le paradis pour moi s’ils pouvaient refaire la route. »