La ferme du Pian
Retrouvez, chaque semaine, la rubrique d’art et d’histoire du pays mentonnais
ÀPauline et Georges Passeron. 1948 : Menton, ville-martyre, entame sa reconstruction et son bon en avant moderniste vers les « années formica » en tentant de laisser derrière elle le souvenir de cette affreuse guerre.
Pauline et Georges Passeron deviennent les métayers du domaine privé du Pian qui appartient à une des branches des Bellando de Castro, une famille qui donna à Monaco des gouverneurs, des notaires ainsi qu'un colonel, aide-de-camp au service des princes Charles III et Albert Ier.
Ces fermiers habitent alors une maison, basse et rustique, qui leur sert d'habitation avec une étable attenante. Ils possèdent 8 vaches. Bien qu'à l'époque, il n'y a pas beaucoup de voitures, les enfants Passeron, René (1944), Gérard (1946) et Chantal (1949), aident souvent leurs parents à faire traverser le boulevard de Garavan aux bêtes afin d'aller paître dans la majestueuse oliveraie du Pian, utilisée à leur seul usage entre les périodes annuelles de la cueillette des olives. La ferme des époux Passeron a disparu en septembre 1964.
Au travers de quelques photographies retrouvées, ce sont des parcelles de la vie de ses parents que Chantal Paoloni née Passeron
nous invite à découvrir. On les aperçoit durs au labeur de la ferme… Pour sa maman Pauline, pas de machine à laver le linge ! Le luxe, c'est la lessiveuse pour faciliter le travail et faire bouillir l'eau, les mauvaises tâches sont attaquées au savon de Marseille et au battoir en bois ou à la pierre. Une fois par semaine, la lessiveuse sert aussi de baignoire pour prendre un bain familial à tour de rôle. Pour sécher le linge, il faut l'étendre dehors « plein champs », cela avec les enfants qui s'égaient dans les jambes, notamment Jean-Paul, le petit dernier né en 1959… Le parfum des draps propres flotte-il encore dans la mémoire de Chantal ? Ces effluves, ces réminiscences du passé, si proche, sont de belles images nostalgiques. Celles de l'enfance et d'un Menton à jamais disparu ! Aujourd'hui, un parking, réservé à l'Institut médico-éducatif Bariquand-Alphand situé à proximité, a remplacé la ferme Passeron. Moi-même, je me souviens de ces fins d'après-midi où, quittant la rue du VieuxChâteau dans la Vieille-Ville avec ma petite « bidole » cabossée en alu servant de pot-aulait, je parcourais fièrement le chemin qui me menait jusqu'à la ferme des Passeron, juste au-dessus du parc du Pian ; là, au seuil de la porte de l'étable odorante, je récupérais contre une poignée d'anciens francs, mon litre de lait frais – encore tiède – après la traite. Puis je retournais rapporter le précieux breuvage à ma mère. De nombreux enfants des alentours en faisaient de même et s'acquittaient volontiers de cette petite corvée.