Paule Pastier : « Heureuse ! »
Elle n’avait pas l’air emballée par l’idée, elle s’est finalement laissée aller. « Dans le journal ? Oh non, je ne veux pas voir ma gue... dans le journal ! C’est démoralisant ! » Elle est comme ça, Paule Pastier. Entière. Franche. Pas du genre à faire les choses à contrecoeur ni à faire semblant. Alors il a fallu gagner sa confiance. Détailler la démarche pour la pousser à ouvrir la boîte à souvenirs et dévoiler son quotidien. Pour elle, ça se passe dans un deux-pièces de la rue Aubernon depuis des années maintenant. Au troisième étage. Installée dans son fauteuil, l’Antiboise s’y sent bien. Seule depuis la disparition de son mari Loulou, en 2006, elle relativise. « Être seule ? Je ne peux pas dire que j’aime, mais ça ne me gêne pas. Comme on dit, il vaut mieux être seule que mal accompagnée. Je ne connais pas énormément de gens intéressants. J’en ai très peu autour de moi. Je reçois peu de visites mais je ne me donne pas le mal d’en cultiver. » Paule Pastier plonge la main dans un récipient, y cueille quelques bonbons à intervalle régulier. Face à elle, la date du jour et un arbre généalogique simplifié gratté sur un bout de papier. Une façon de se souvenir.
Originaire de la région parisienne, la centenaire vit la période actuelle avec recul. Tantôt philosophe. « Je ne souffre pas du tout de la situation. De toute façon, je n’ai pas envie de sortir. » Tantôt fataliste. « Je ne suis pas très entourée, mais quand on est vieux on est chiant. Il ne faut pas en vouloir aux gens de nous laisser tomber. Ceux qui me connaissent n’ont plus rien à apprendre de moi. Je suis vieille, j’ai vu mourir beaucoup de gens. Moi, je suis encore là. Mais, enfin, pas pour longtemps j’espère... »
Paule Astier a connu une vie riche. Commencée comme laborantine avant de basculer dans le septième art comme script-girl puis directrice de production. C’est là qu’elle a rencontré l’amour et côtoyé les plus grands. « J’ai eu l’occasion dans ma vie d’être souvent dans le journal, mais ça me laisse indifférente. J’étais entouré de vedettes. On bavardait mais je n’ai jamais essayé de parader, de me mettre en avant. » Des années plus tard, son avis n’a pas changé. La dame est du genre discrète, même si elle a fini par accepter d’être prise en photo, rassurée par sa fidèle et précieuse auxiliaire de vie. Si tant est qu’il faille la rassurer… « La Covid ? Je ne sais même pas ce que c’est ! Je ne m’intéresse pas à ça, je suis fataliste. Il arrive ce qu’il arrive. Mais moi, par exemple, je ne pourrais pas conserver ce truc sur ma gueule. » Même porté par les autres, le masque l’irrite. La fait râler. Soupirer. Mais elle n’a pas pour habitude de se plaindre. « Je suis consciente que j’ai de la chance. Vous voyez une centenaire contente. Vous pourrez dire : « J’ai rencontré une centenaire heureuse ! » » Debout devant la porte, Paule tient solidement son déambulateur et nous montre le chemin. « Allez, je vous ouvre les grilles du parc ! Vous revenez quand vous voulez. »