Olivier Guérin : « Il faudrait adapter un dispositif »
Chef du pôle gérontologie au CHU de Nice et président de la société française de gériatrie et gérontologie, Olivier Guérin analyse les conséquences du confinement sur les centenaires. Entre inquiétude et recherche de solutions pour l’avenir.
Doit-on craindre une telle période pour nos seniors ?
Oui, il faut être très vigilant.
Le confinement est une période de déconditionnement pour les plus âgés. Ils ne peuvent plus sortir, il y a moins de lien social. Ça déstabilise à la fois l’équilibre psychologique et l’équilibre somatique, physique. Il faut continuer à avoir une activité physique, mais elle diminue et ça entraîne une perte de masse musculaire. Si on possède une terrasse de mètres, il faut se forcer à en faire cent fois l’aller-retour. Il faut au moins pas par jour. Il y a aussi une altération de la qualité nutritionnelle, on fait moins facilement ses courses. Enfin il y a un autre péril majeur : la rupture de soins. Il y a moins de recours aux médecins traitants, il peut y avoir une décompensation [dégradation] des maladies chroniques.
Certains sont déjà isolés à la base…
C’est très inquiétant ! On a des centenaires encore actifs, qui sortent de chez eux. Mais d’autres ne sortent pas et, pour eux, le confinement ne change pas grand-chose…
L’aspect psychologique ?
Il est primordial, la santé est toujours médico-psycho-social. C’est assez mal pris en compte en France. Lors de la première vague, on a mis en place des hotlines de soutien psychologique et ce sont surtout des personnes âgées qui appelaient…
Sont-ils suffisamment entourés ?
On vit dans un pays où il y a pas mal d’offres possibles de services, mais il y a souvent des gens qui n’y font pas appel. Il faudrait adapter un dispositif au sortir de la crise. Quelqu’un qui est un peu isolé et qui n’a pas ses enfants à disposition pour s’orienter, il ne peut pas le faire seul. Il faudra être vigilant pour pouvoir offrir la meilleure coordination autour de ces gens-là.
Antibes compte 44 centenaires. Que vaut ce chiffre par rapport à Nice ?
À Nice, il y a environ 200 centenaires sur 360 000 () habitants. Ça se vaut en termes de ratio. Le nombre de centenaires va augmenter dans nos communes dans les vingt ans à venir, ça va plus que doubler. La métropole de Nice est la plus vieille de France, c’est valable pour la Côte d’Azur dans son ensemble. Ça vient de l’effet “retraite au soleil”. Il y a plus de retraités qui viennent et qui vieillissent durant plusieurs décennies sur nos territoires. Le problème, c’est qu’on se coupe de son propre réseau une fois à la retraite. On coupe le lien avec son territoire d’origine, on a du mal à le reconstituer et on se retrouve seul.
1. Environ 340 000 selon les différentes sources. Antibes compte environ 73 000 habitants.