Monaco-Matin

Mollières : « On se bat pour ne pas être oubliés »

C’est l’écrin de Valdeblore. Ce hameau enclavé situé en zone coeur du Mercantour n’a pas de sinistrés, mais n’est plus accessible. Ses habitants, des résidents secondaire­s, s’inquiètent

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Mollières a peur d’être oublié, à nouveau. D’ordinaire, ce hameau d’une grosse trentaine de maisons, situé en zone coeur du parc national du Mercantour est déjà isolé. Appartenan­t à la commune de Valdeblore, il n’est accessible en voiture que par une route de 17 km partant du Boréon, sur la commune de SaintMarti­n-Vésubie, et passant par le col de Salèse (2 031 mètres), fermée du 1er décembre au 1er mai à cause de la neige. Ses seuls habitants, environ 300 résidents secondaire­s, n’en profitent donc qu’une partie de l’année. Aujourd’hui, ils sont privés de leur écrin : la route a été ravagée en plusieurs endroits par la tempête Alex et ils craignent d’échapper aux radars de la reconstruc­tion.

« Un village qui a beaucoup souffert »

Parce qu’il n’y a ni maison détruite, ni victime : devant l’alerte rouge, tout le monde est parti à temps. Mais aussi à cause de l’histoire du village : après plusieurs vagues d’exodes, il s’est finalement totalement vidé de ses habitants dans les années 1960, avant qu’une associatio­n de propriétai­res ne lui redonne vie (voir par ailleurs). Alors l’associatio­n se mobilise. Elle a notamment créé une page Facebook, pour faire vivre le village. On y voit des morceaux d’histoire, des portraits, des archives… À chaque fois, les élus locaux sont interpellé­s. « On veut sensibilis­er à l’existence de ce hameau, développe Monique Loncle, la

présidente. À notre échelle, on se bat bec et ongles contre un mur, pour ne pas être oubliés. Comme c’est un village qui a beaucoup souffert, les gens sont inquiets au vu du désastre autour de Mollières. On n’a pas vraiment de réponse, même si on comprend, parce qu’il n’y a pas de victime. Mais on fait partie de Valdeblore, au même titre que Saint-Dalmas, La Bolline ou La Roche, même si on est enclavé par le col de Salèse et qu’on ne peut pas y vivre à l’année. »

« Il faut être patient »

Âgée de 56 ans, fille et petite-fille de Molliérenc­s, cette éleveuse basée à Isola 2000 est allée constater le désastre elle-même, avec un groupe de personnes, le 12 octobre. À pied. Le cours d’eau dévié, le vallon ravagé, la route détruite, le captage d’eau menacé… Elle a tout noté sur une carte IGN, pour aider à la reconnaiss­ance. «En arrivant, j’ai pleuré. Ça fait 35 ans que je m’occupe de cette associatio­n et ce que j’ai senti, c’était très très fort. On n’a pas envie de recommence­r depuis le début. On est désemparés, mais on va faire preuve de résilience. Cette tempête a aussi fait que les gens se sont retrouvés autour de l’idée de protéger Mollières, notamment les jeunes. Dans les moments les plus difficiles, il y a des choses positives. » Un esprit de communauté renforcé, avec un espoir : que les travaux soient réalisés rapidement. « On veut rentrer à Mollières le plus tôt possible l’an prochain ».

Christophe Ciais, premier adjoint de Valdeblore, responsabl­e des travaux et de l’environnem­ent se veut rassurant, avant tout. « Mollières fait pleinement partie de Valdeblore, c’est notre petit bijou, notre écrin. Ce n’est pas parce qu’on est séparés d’une chaîne de montagnes qu’on les oublie. La preuve, j’y vais moi-même à pied de Valdeblore, soit 4 ou 5 heures de marche aller, pour voir ce qu’il en est vraiment ». Il sait déjà que la route d’accès est dégradée en une dizaine d’endroits. Il assure qu’il n’y aura pas de soucis de financemen­t - « c’est une route métropolit­aine » - et que les effondreme­nts sont moins colossaux qu’à certains endroits de la Vésubie. Le problème est ailleurs. «Onne peut pas se battre contre les éléments : on entre dans l’hiver et on ne peut pas se permettre d’envoyer des machines pour les coincer dans la neige. Surtout que les entreprise­s sont à flux tendu. Il faut être patient, voir où est l’urgence absolue. Là, il n’y a pas d’enjeux vitaux, alors qu’il y a des sinistrés sur notre commune. » Les gros chantiers ne démarreron­t qu’au printemps prochain. Mais Christophe Ciais promet que l’éleveur de la commune pourra se rendre au village avec ses vaches.

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(DR) Le village n’est plus accessible en voiture.
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(DR) Bien qu’il n’y ait pas eu de maison sinistrée, le vallon de Mollières a été touché, le cours d’eau dévié.

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