Un loup du parc Alpha photographié dans la Roya
Le mâle alpha échappé du parc détruit par la tempête Alex a passé des cols à plus de 2000 m pour atteindre la vallée voisine. Sa trace a été retrouvée par le documentariste Rémy Masséglia
Plus de deux mois après la destruction du parc Alpha par la tempête Alex, au nord de Saint-Martin-Vésubie, les loups fugitifs continuent d’étonner leurs poursuivants. Une partie a été capturée et envoyée dans un foyer spécialisé dans les Deux-Sèvres. Mais cinq manquent encore à l’appel, selon l’Office français de la biodiversité (OFB) : quatre loups du Canada et une louve arctique. L’OFB estime que deux d’entre eux sont probablement morts, dont au moins un, soupçonné d’avoir été tué par l’homme (lire par ailleurs). Mais les autres continuent de vadrouiller. Parfois très loin.
C’est notamment le cas du mâle alpha de la meute de loups du Canada. Après avoir disparu pendant plusieurs semaines, « Khan » a pointé le bout de son museau dans la vallée de la Roya.
Passé par l’Italie
Les photos ne laissent aucune place au doute. Ce qui veut dire qu’il serait passé en Italie, avant de redescendre en France, alors que ces animaux élevés en captivité devraient avoir tendance à rester près de leur ancien enclôt. «Sur ces secteurs, il y a déjà des loups gris européens, réfléchit Eric Hansen, directeur régional de l’OFB. Ce sont des animaux territoriaux. Il a peut-être été pourchassé. » Les services de l’État ont retrouvé sa trace grâce au travail de Rémy Masséglia, naturaliste et documentariste basé à Breil-sur-Roya. Il planche notamment depuis trois ans sur la réalisation d’un film qui doit sortir en fin d’année. «Ila passé des cols à plus de 2000 mètres dans des conditions de fin novembre, s’épate-t-il. C’est étonnant pour un animal qui aurait dû rester à proximité de là où il vivait. »
L’information est partie d’une rumeur sur les réseaux sociaux. Appuyé par son « réseau d’informateurs », Rémy s’est mis alors à pister l’animal. « On cherche des traces, pour établir une dynamique de déplacement. Le loup ne part pas dans tous les sens comme le chien, pour chercher sa nourriture. Il a des déplacements linéaires. On peut anticiper où il va arriver. » En plus des empreintes, le naturaliste trouve des arêtes dans les crottes de Khan. « Il se nourrit de pas mal de poisson. Il doit récupérer des truites mortes sur les berges ».
Course contre la montre
Finalement, la rencontre a eu lieu mardi. Khan était attendu par un des pièges photo de Rémy, mais aussi par l’équipe de l’OFB, qui doit le « flécher » (un tir pour l’endormir). Tir loupé. L’équipe reste sur le terrain. « C’est une bataille contre la montre qui commence,
estime le naturaliste. Ce loup est encore inadapté, mais il prend des réflexes sauvages rapidement. Il a un peu maigri, il a atteint le poids normal d’un loup du Canada. Il n’est absolument pas dangereux pour l’homme, il ne se laisse pas approcher. On le voit encore traverser les villages et les routes, parce que c’est plus facile pour lui, mais il ne sort plus de jour. Bientôt, il trouvera des zones de couchages dans les zones boisées denses. »
Pourquoi, alors, le capturer ? « Pour moi, il pourrait rester ici. Mais il vaut mieux éviter d’en rajouter à la polémique. Depuis les années 1990, il y a des rumeurs complètement infondées de loups noirs relâchés dans la vallée. Là, c’est un peu la réalité qui dépasse la légende. »