Monaco-Matin

Ursea, c’est son heure

Adjoint de Lucien Favre au Servette de Genève (2001-02) et à Nice (2016-18), le Roumain tient, à 53 ans, la plus belle opportunit­é de sa carrière de montrer l’étendue de son savoir-faire

- WILLIAM HUMBERSET

Le 6 novembre 2019, il disait au revoir aux moins de 21 ans du Servette de Genève sur un 13e succès en 13 matchs. Jamais Adrian Ursea n’aurait pensé prendre les rênes de l’équipe fanion du Gym treize mois plus tard. De nouveau avoir sa chance avec une équipe profession­nelle, si. C’est d’ailleurs pour ça qu’il avait quitté le nid des Aiglons, à contrecoeu­r, à l’été 2018. Lucien Favre avait besoin d’un adjoint parlant allemand à Dortmund, et Nice souhaitait lui confier des responsabi­lités importante­s dans la formation. Le Roumain de 53 ans ne trouvait sa place nulle part. Sa voie, c’était d’être au plus près du terrain, chez les seniors, après trois courtes expérience­s, dont un intérim, au Servette et au FC Meyrin.

« Je pourrais envisager de poursuivre en tant qu'adjoint, tant que je suis dans un bon contexte. Mais personnell­ement, à l'âge que j'ai (50 ans), j'ai vraiment l'envie de tenter l'expérience en tant que numéro un, » confiait-il dans nos colonnes en juillet 2018.

« Il épouse la même trajectoir­e que Lucien Favre »

L’ancien internatio­nal (4 sélections) est alors rentré à Genève, où il s’est installé après une carrière de joueur pratiqueme­nt consacrée au championna­t helvétique. « C’était un joueur pétri de talent. Fin, élégant, il était doté d’une grande intelligen­ce de jeu, se souvient Daniel Visentini, journalist­e à la Tribune de Genève qui suivait le CS Chênois en D2, au début des années 90. Il est un peu passé à travers sa carrière de joueur en Suisse, il n’a jamais eu sa chance en 1re division. Il était toujours dans la réflexion, déjà. C’est peut-être ce qui l’a poussé plus rapidement en direction d’une carrière d’entraîneur. » Jamais du genre à ruminer ce qu’il a manqué, comme le retour en Coupe du monde de la Roumanie en 1990 avec Georghe Hagi et contre Maradona, Adrian Ursea cogite, discute, projette un avenir dans le monde du ballon rond une fois sa carrière terminée au SC Fribourg. « C’est un homme qui se lève football, qui mange football, qui dort

Dans

« l’empathie et le consensus », football... Ça ne doit pas être toujours simple pour sa famille d’ailleurs », rigole le confrère suisse. Une première expérience chez les jeunes (Vevey Sports) le porte ensuite à un poste d’adjoint au Servette, où il fera une rencontre décisive pour la suite de son parcours, en 2001. « Lucien Favre arrivait d’Yverdon, où il avait fait des miracles. On a vu débarquer un magnifique entraîneur, rembobine Alexandre Rey, joueur à l’époque. Les deux hommes ont tout de suite accroché par leur vision commune du foot, du jeu. »

« Comme Lucien Favre, Adrian a travaillé à tous les échelons de la formation. Ils ont épousé la même trajectoir­e, » remarque Daniel Visentini.

Alors que ‘‘Lulu’’ performe en Bundesliga, Ursea se lance dans le plus grand chantier de son parcours de formateur au début des années 2010. Neuchâtel Xamax dépose le bilan en 2012 à cause de la mauvaise gestion de son président tchétchène, Adrian chapeaute 40 personnes et se retrouve « à la base de la restructur­ation du club. Il a recréé le

l’ancien internatio­nal adore l’échange.

mouvement juniors, sauvé le patrimoine de la formation, admire Alexandre Rey, reconverti président de la formation à Neuchâtel à cette époque. C’est un formateur hors pair, sans aucun doute l’un des personnage­s que j’ai rencontrés qui maîtrisent le mieux son sujet. Pour un petit bassin comme le nôtre, c’était compliqué de rivaliser avec de grosses écuries comme le FC Bâle. Adrian a pourtant réussi à toujours faire progresser ses équipes uniquement par le jeu, il était très attaché à sa philosophi­e. Ça lui a d’ailleurs coûté des petits conflits avec l’Associatio­n du football suisse (AFS), qui pilote la formation. Il sortait des standards en prenant seulement le plaisir et le jeu pour credo. »

Cultivé, Adrian Ursea pousse sa documentat­ion et ses recherches à l’extrême hors du terrain. « C’est un acharné de travail, poursuit son ancien président. Sa famille vivait à Genève, lui restait à Neuchâtel pour rester au plus proche du terrain. Il était directeur technique mais accumulait des heures de travail incroyable­s à force de toujours être près des joueurs. »

Vincent Koziello : « Il m’a fait énormément progresser »

L’ex-adjoint de Lucien Favre n’avait rien perdu de sa déterminat­ion à son retour à Nice, l’an dernier. Pressé de s’impliquer dans le projet, le Roumain a encore laissé sa femme en Suisse pour s’installer jour et nuit au centre de formation. Sa famille, ce sont les joueurs. « J’en retiens que du positif, il m’a fait énormément progresser sur mon placement par son travail en vidéos, retient Vincent Koziello. Il ne va jamais dans la critique, il vise toujours l’épanouisse­ment du joueur grâce à sa grande culture tactique et technique, ses exercices. Tout le monde l’apprécie car il est proche des joueurs, bienveilla­nt, gentil. Ça peut faire un un très bon duo avec Gioria, très bon tactiqueme­nt aussi, mais qui est plus meneur d’hommes, avec une grosse culture club aussi. »

« Il me disait toujours qu’il y a du pain à manger au deuxième poteau sur les corners. J’ai marqué comme ça à Bourges, je voulais lui envoyer la vidéo de mon but » se marre Alexy Bosetti, ravi de la nomination de son ex-coach.

Féru des bouquins philosophi­ques

d’Edgar Morin, Adrian soulageait Favre dans la gestion humaine grâce à « son empathie » souligne Alexandre Rey. Avec Gioria, ils ont été précieux dans la réussite de Mario Balotelli. « Il est toujours dans l’échange, la recherche d’un consensus pour ne jamais porter sa vision avec force, ne jamais se mettre en avant, atteste Daniel Visentini. Déjà joueur, il était très discret et c’est peut-être ce qui l’a desservi parfois. L’homme de l’ombre qu’il était se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : s’il veut faire une carrière d’entraîneur, il va devoir se faire violence pour saisir cette première chance importante. » Peiné pour son prédécesse­ur, qu’il était venu découvrir à Divonne à l’été 2018 avant de rejoindre son staff l’année suivante, Adrian refusait encore de croire en sa nomination au poste d’entraîneur principal jeudi soir, vers minuit et demie. Il avait attendu Patrick Vieira au buffet d’après-match réservé au staff, avant de comprendre que le champion du monde 98 ne viendrait pas. Parce que le coach de l’OGC Nice désormais, c’est lui.

ce rôle d’adjoint. Après avoir servi aux côtés d’Eric Roy, René Marsiglia, Claude Puel, Lucien Favre et Patrick Vieira, il reste fidèle à Adrian, un homme qui l’a séduit humainemen­t et tactiqueme­nt dès son arrivée. Nicolas Dyon ( ans), lui, compensera le départ de Matt Cook au poste de préparateu­r physique pour retrouver un club qu’il avait fréquenté sous Frédéric Antonetti (-).

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