Presque un Jazz Festival
Une performance sera enregistrée pour la télévision cet après-midi à l’opéra, réunissant une sélection d’artistes à l’influence jazz. Hier après-midi, l’heure était aux joyeuses répétitions
Les oreilles grandes ouvertes mais la bouche masquée, le pianiste Eric Légnini caresse les touches de ses claviers pour donner le tempo. À l’autre bout de la scène, Manu Katché ajuste ses fûts et ses cymbales. Bon camarade, il prête une paire de baguettes à sa consoeur batteuse Anne Pacéo, dont Air France a égaré la valise (et les baguettes) entre Paris et Monaco.
Pour le dîner, ce sera saumon ou poulet ? La question court dans la coulisse alors que la répétition commence tout juste. On travaille toujours mieux l’estomac plein ! Voilà l’atmosphère, hier après-midi, sur les planches et dans les loges de la Salle Garnier où s’est réunie tout le week-end une équipe d’artistes de jazz afin d’enregistrer une performance télévisée qui sera diffusée le jour de Noël sur Monaco Info et, le 31 décembre, sur Mezzo.
« Une bande de potes »
Ce programme, imprévu et inédit, a été pensé par Jean-René Palacio. «La scène française jazz existe et elle swingue », lance-til, heureux comme un pape d’entendre des notes bleues résonner sous les ors de Garnier. Le directeur artistique de la SBM a réussi à rassembler cette « bande de potes », comme il la qualifie, pour monter le projet « Jazz at the Opéra Garnier ».
Une façon de contredire le destin et de montrer que, même assommé par la Covid-19 en novembre dernier, le festival de jazz de Monte-Carlo n’était pas complètement sonné. La preuve ? Ce concert dont la tenue marque symboliquement la quinzième édition annulée.
Un peu comme en mai dernier, quand Claude Lelouch filmait Charles Leclerc au volant d’une Ferrari dans les rues de la Principauté pour marquer le Grand Prix annulé. Cette fois, le casting est plus musclé musicalement : Thomas Dutronc, Robin McKelle, Hugh Coltman, Célia Kameni, Sly Johnson, Charles Pasi, Sophie Alour, Airelle Besson, Anne Paceo, Manu Katché, Thomas Bramerie et Rocky Gresset se succèdent sur scène, sous la direction musicale d’Éric Légnini.
« Rien n’est normal dans cette période, la musique se partage avec le public et personnellement je trouve frustrant de jouer tout seul chez soi face à une caméra. Là, nous avons le plaisir de jouer ensemble, devant un peu de public avec un casting de chanteurs fantastiques. Alors c’est formidable », décrit le jazzman Belge qui a choisi d’orienter le programme à la fois sur l’époque classique de Ray Charles et une incursion plus soul imprégnée des années soixante.
Le plaisir retrouvé de la musique live
Dès les premiers échanges sur scène, les artistes laissent exploser leur plaisir de jouer ensemble. Hugh Coltman se chauffe la voix sur At last et pousse la performance jusqu’à se faire applaudir par tout le staff. Enchaînement avec Papa was a Rolling Stone en trio Robin McKelle et Sly Johnson. Comme si de rien n’était, même si les masques sur tous les visages rappellent l’existence d’une pandémie, tout le monde retrouve le réflexe du plaisir simple de battre la mesure en écoutant de la musique live.
Grand passionné de jazz, Gad Elmaleh, qui joue jusqu’à dimanche soir à Monaco, passe une tête et prend plaisir à suivre la joyeuse répétition.
« Ça fait beaucoup de bien de jouer, d’écouter les autres. Ça me manque vraiment, alors j’en profite à fond, lance Anne Pacéo.
Chaque fois qu’on peut jouer de la musique, c’est un petit miracle. »
Un « petit miracle » rendu possible par les règles sanitaires adaptées au spectacle vivant en Principauté, et des équipes techniques de la SBM qui ont ressorti leur matériel depuis trop longtemps remisé. Ce soir, une centaine d’invités de la Société des Bains de Mer pourra profiter du show. En attendant une seizième édition du Monte-Carlo Jazz Festival en 2021, plus riche encore. C’est l’espoir de tous les artistes.