Monaco-Matin

Perturbate­urs endocrinie­ns et Covid

Déjà prouvé dans le diabète et l’obésité, le rôle de l’exposition aux produits chimiques qui polluent notre environnem­ent pourrait également peser dans la sévérité de la pandémie

- C. MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

Ils ont été déjà accusés et reconnus coupables de bien des maux : les perturbate­urs endocrinie­ns (PE) sont à nouveau pointés du doigt, cette foisci pour leur possible rôle dans la sévérité de la Covid-19. « Tous ces produits chimiques présents dans notre environnem­ent – y compris dans notre alimentati­on, dans les produits d’hygiène et dans nos intérieurs – ont des conséquenc­es sur notre santé en modifiant notre fonctionne­ment hormonal, résume le Dr Wilfrid Guardigli, médecin généralist­e seynois, responsabl­e de la prévention à l’Union régionale des profession­nels de santé (URPS) Paca des médecins libéraux, et spécialist­e des perturbate­urs endocrinie­ns. Ils sont responsabl­es de la diminution de la fertilité des animaux comme des hommes, ils sont aussi la principale cause de l’épidémie mondiale d’obésité et de diabète. Ce sont des faits validés par de nombreuses études scientifiq­ues. »

Obésité et diabète : ces maladies chroniques métaboliqu­es sont aussi identifiée­s pour le rôle qu’elles peuvent jouer dans la sévérité de la Covid-19.

Une étude de l’Inserm

Des chercheurs se sont donc logiquemen­t intéressés au lien possible entre les perturbate­urs endocrinie­ns et les cas sévères de la Covid-19, suggérant que « l’exposition aux produits chimiques qui perturbent le système endocrinie­n pourrait interférer avec différents signaux biologique­s du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid 19 ».

Une étude, conduite par Karine Audouze au sein du laboratoir­e T3S (Université de Paris, Inserm)

a exploré cette hypothèse. Les chercheurs se sont penchés sur les voies biologique­s associées à la fois aux modes d’action des PE et aux maladies chroniques favorisant la sévérité de la Covid-19. Et ils ont identifié des voies communes, qui sont en l’occurrence impliquées dans la défense de l’organisme vis-à-vis des pathogènes, autrement dit dans la réponse immunitair­e.

Les auteurs de l’étude suggèrent donc l’existence « d’une relation possible entre la gravité de la pandémie et la détériorat­ion de notre environnem­ent par les produits chimiques » et soulignent « l’importance d’une meilleure prévention pour les personnes fortement exposées aux perturbate­urs endocrinie­ns ».

Une explicatio­n à la plus grande létalité dans l’OCDE

Pour le Dr Guardigli, le rôle possible des perturbate­urs endocrinie­ns dans la sévérité de la Covid-19 est « un élément, parmi d’autres sûrement, qui peut expliquer la différence de létalité de la Covid-19, plus importante dans les pays de l’OCDE que dans des pays aux niveaux de vie inférieurs où l’exposition aux produits chimiques est moindre ».

Dans l’immédiat, ce lien possible ne change pas grand-chose à la prise en charge des patients. « La gravité est liée aux conséquenc­es inflammato­ires de la maladie et on sait les traiter avec des anti-inflammato­ires et certains anticorps monoclonau­x,

résume le Dr Guardigli. La difficulté vient du fait que les patients diabétique­s ou obèses ont déjà, à la base, un taux d’inflammati­on plus important. Ils sont logiquemen­t plus vulnérable­s quand survient l’orage inflammato­ire que l’on a souvent évoqué dans le cas de la Covid-19. »

Un espoir peut-être ? En identifian­t les protéines clés des voies biologique­s communes aux modes d’action des perturbate­urs endocrinie­ns et des maladies chroniques favorisant la sévérité de la Covid-19, les auteurs de l’étude soulignent qu’elles « peuvent représente­r de possibles cibles pour des thérapies futures ».

 ??  ??
 ?? (Photo doc P.Bl. ) ?? Les perturbate­urs endocrinie­ns sont partout dans nos intérieurs : dans les produits d’entretien, les cosmétique­s, l’alimentati­on industriel­le ou le mobilier. Des chercheurs pointent une relation possible entre la gravité de la pandémie et la détériorat­ion de notre environnem­ent par ces produits chimiques.
(Photo doc P.Bl. ) Les perturbate­urs endocrinie­ns sont partout dans nos intérieurs : dans les produits d’entretien, les cosmétique­s, l’alimentati­on industriel­le ou le mobilier. Des chercheurs pointent une relation possible entre la gravité de la pandémie et la détériorat­ion de notre environnem­ent par ces produits chimiques.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco