Réveillon à Nice par Anne Goscinny

Après notre feuilleton estival de nouvelles, nous avons décidé de « remettre » cela à l’occasion des fêtes. Afin de vous insuffler un peu de légèreté. Et avec une marraine de choix en la personne d’Anne Goscinny, qui inaugure cette série dominicale par un

Mes enfants ! nous a annoncé Scarlett en tendant son verre vide à Georges.

Georges, c’est mon beau-père, le mari de ma mère. J’étais petite quand ils se sont mariés, je ne me souviens plus de la fête, mais j’ai vu des photos. Je l’aime au moins autant que mon père.

- J’ai une proposition à vous faire, a poursuivi Scarlett, qui s’appelle en réalité Arlette, et qui est ma grand-mère maternelle. Elle est loufoque mais je n’imagine pas une seconde ma vie sans elle.

- Une proposition ? a soupiré maman qui connaît sa mère. - Absolument ! a renchéri Scarlett. Cette année, pour Noël, je vous emmène tous les quatre à Nice.

Victor, mon petit frère qui était en train de détruire des zombies sur un écran et de jouer aux échecs en ligne sur un autre, a regardé Scarlett, méfiant. - Pourquoi Nice ? Qu’est-ce que tu nous caches Scarlett ?

- Eh bien, ma soeur Golda nous invite pour le réveillon, et je me suis dit que ce serait l’occasion de nous réunir toutes les quatre, Sonia, Olga, Golda et moi ! J’ai réservé les billets d’avion, on logera chez Golda qui a une grande maison sur les hauteurs de la ville.

Georges et maman se sont regardés. Moi, rien ne m’échappe et j’ai vite compris que cette escapade ne leur faisait qu’à moitié plaisir.

- Tu es sûre qu’on ne va pas déranger Golda ? a tenté maman. - Tu plaisantes ! a glapi Scarlett, elle est folle de joie.

J’adore voyager. Mais j’envie Madonna ma tortue qui a la chance d’emmener sa carapace partout où elle va, parce que moi, quand je pars, j’adorerais emporter ma chambre.

Trois jours plus tard, Scarlett, Georges, Victor et moi, on atterrissait à Nice !

Mon beau-père est aiguilleur du ciel, alors prendre l’avion avec lui, c’est toujours une aventure : il commente tout et nous explique la moindre secousse.

- Regarde papa, s’est écrié Victor, on dirait que l’avion va se poser dans la mer !

- C’est particulièrement difficile pour les pilotes de se poser à Nice, a expliqué Georges, la voix tremblante d’émotion. - Quel dommage que maman ne voie pas ça, j’ai soupiré.

Maman est la femme la plus courageuse que je connaisse.

Plus tard, je voudrais lui ressembler mais en mieux. Elle n’a peur que des araignées, des serpents, des souris, des chevaux, des chèvres, des piqûres et des avions. Elle n’est pas très à l’aise non plus en voiture sur l’autoroute. Mais elle nous dit toujours, qu’il faut être très courageuse pour se marier et avoir des enfants. - Allons vite récupérer la voiture de location, a dit Georges, avec un peu de chance, on va arriver à la gare avant le train de votre mère.

- Georges ! s’est exclamée Scarlett, vous oubliez ma valise ! On ne reste à Nice que deux jours, mais ma grand-mère a pris une énorme valise qu’il a fallu enregistrer.

On a attendu longtemps devant le tapis roulant et le bagage de Scarlett est arrivé en dernier.

- Vous avez emporté une collection d’enclumes ? a grogné Georges en soulevant la valise

‘‘ Plus tard, je voudrais lui ressembler mais en mieux.”