Précieuses vanités
Allégories de l’impermanence, des bijoux chargés de symboles mortuaires sont mis aux enchères à Monaco, dont un fascinant collier signé par le joaillier vénitien Codognato
Des bijoux comme représentations allégoriques de la mort, de la précarité de la vie…
Lors de sa vente « Écrin de bijoux » des9et 10 décembre, l’Hôtel des Ventes de MonteCarlo présente une petite sélection de pièces parées de symboles mortuaires. Un collier spectaculaire est notamment proposé à la vente : une suite de serpents d’or et d’argent enroulés, la tête ornée d’un diamant cognac, et symbolisant la renaissance et la transmutation des êtres ; ils sont réunis par des chaînettes d’or à des têtes de mort sculptées, les yeux animés de diamants, représentant le temps qui passe et la vanité des possessions terrestres. L’exceptionnelle parure ciselée est estimée entre 70 000 et 80 000 €.
Il s’agit d’une pièce unique créée dans les années 40/50 par la Maison Codognato et acquise par son actuelle propriétaire dans les années 80. C’est en 1866 que cette marque de légende fondée par Simeone Codognato (1822-1897), marchand d’art, a installé son échoppe au coin de la place Saint-Marc à Venise. Inspiré par les découvertes archéologiques de l’époque, son fils Attillio décide de s’inspirer des bijoux trouvés lors des fouilles d’Etrurie pour créer une ligne de joyaux atypiques, célébrant la vie et la mort, la volupté, la dérision et la peur. Il devient dès lors l’un des principaux acteurs de la « bijouterie archéologique italienne ». La réputation de la maison ne tarde pas à se répandre auprès des familles royales européennes, des écrivains et des acteurs, des artistes comme Auguste Renoir, Edouard Manet, Whistler ou encore Serge Diaghilev, Jean Cocteau, Coco Chanel, Paul Morand.
Au fil des ans, les générations de Codognato se succèdent et leurs sulfureux bijoux ésotériques, alliance d’argent, de corail, d’or et de diamant, tous uniques, conquièrent toujours plus d’adeptes.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, Andy Warhol, Aristote Onassis, Richard Burton, Luchino Visconti, Grace Kelly fréquentent assidûment la jolie boutique vénitienne, parée de brocart cramoisi et ornée de lourds miroirs de bois dorés. Aujourd’hui encore, les oeuvres de l’orfèvre vénitien font rarement l’objet de ventes aux enchères, leurs propriétaires les conservant précieusement.
Au catalogue de la vacation figure d’autres bijoux iconiques évoquant le passage du temps, comme une bague Mémento Mori, « Souviens-toi que tu vas mourir » en latin, exprimant la vanité de la vie terrestre. La pièce en jonc d’or jaune amati biseauté présente au centre une tête de mort (vanité) sur fond d’émail noir entre deux diamants. Le bijou a été trouvé en 2014 à Tarrant Launceston en Angleterre, sur les terres de la famille Harvey et aurait appartenu à William Harvey of Tarrant, décédé en 1623 à l’âge de 21 ans.
Le thème du Mémento Mori, développé depuis l’Antiquité, s’est développé dans l’iconographie européenne à partir du XVIe siècle, mêlant à la fois préceptes moraux et religieux, et prônant le détachement des biens et plaisirs de ce monde et la crainte du jugement dernier.
La mode s’en est alors emparée et les gens portent depuis sur eux ce symbole sous forme de bagues, de montres et de bijoux. En tout, plus de 400 lots sont présentés lors de ces enchères sur 2 jours à Monaco, avec des pièces exceptionnelles comme cette bague Cartier ornée d’une rare émeraude de 13,57 carats issue des anciennes mines de Colombie et estimée entre 550 000 et 750 000 €, ou cette parure en fleurs de rubis birmans et diamants évaluée entre 280 000 et 350 000 €.
De quoi attiser la convoitise des collectionneurs du monde entier.