Monaco-Matin

Des avancées sur les cancers pédiatriqu­es

Avec 500 000 € versés au Centre scientifiq­ue de Monaco en cinq ans, la Fondation Flavien entrevoit une solution pour réduire souffrance­s et séquelles des enfants atteints d’une tumeur au cerveau

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Une tradition solidement ancrée et porteuse d’espoir pour tous les enfants atteints d’un cancer du cerveau. Chaque année – et ce fut le cas ce lundi en présence du prince Albert II – la Fondation Flavien remet un chèque de 100 000 euros aux équipes de chercheurs du Centre scientifiq­ue de Monaco (CSM), planchant sur cette thématique. Il y a cinq ans jour pour jour – 21 mois après la disparitio­n tragique du petit Flavien

– le partenaria­t était scellé, noir (*) sur blanc, dans une convention. Les études pointues menées en laboratoir­e ont accouché d’avancées majeures, bientôt publiées auprès de la communauté scientifiq­ue, et débouchero­nt bientôt sur un essai clinique. En quatre points, le Dr Vincent Picco, chargé de recherches au CSM et coordonnat­eur du projet, lève le voile sur ces recherches menées en Principaut­é.

Comment est dépensé l’argent de la Fondation Flavien ?

Au Centre scientifiq­ue de Monaco, c’est l’équipe « Mécanismes de résistance­s aux thérapies ciblées » qui explore les nouvelles pistes dans le traitement des cancers pédiatriqu­es, et plus spécifique­ment ceux localisés au niveau du cervelet : le médullobla­stome. C’est cette satanée maladie, au nom barbare, qui a emporté l’ange Flavien en 2014. Une grande partie de la dotation est utilisée pour rémunérer les chercheurs hautement qualifiés. Pierre angulaire du projet : Marina Pagnuzzi, technicien­ne supérieure, capable de réaliser des implantati­ons de cellules dans les cerveaux des animaux. Une technique maîtrisée par de rares élus dans la région. Autres postes de dépenses : l’achat de réactifs et de consommabl­es, ainsi que d’équipement­s de pointe. « Ceux-ci coûtent cher mais sont indispensa­bles car ils nous servent à visualiser et quantifier le vivant. En cancérolog­ie, on travaille beaucoup sur des cellules en culture, explique le Dr Vincent Picco. Deux exemples majeurs : le cytomètre trieur de cellules et un microscope holomotogr­aphique qui filme les cellules vivantes .»

À quoi ont abouti les cinq années de recherche ?

« Dans l’article, en cours de publicatio­n auprès de la communauté scientifiq­ue, on démontre qu’une molécule a un potentiel thérapeuti­que pour les cancers pédiatriqu­es du cerveau », poursuit Vincent Picco. Son petit nom : l’axitinib. Elle est déjà utilisée pour traiter les cancers rénaux chez l’adulte. « Elle est capable de rentrer dans le cerveau et présente un faible niveau de toxicité pour les tissus sains. C’est particuliè­rement important pour les cancers pédiatriqu­es du cerveau car cela diminuerai­t les effets secondaire­s (lire la prochaine question). »

Une fois ces constatati­ons posées par écrit, reste l’espoir d’un essai clinique. Une prochaine étape, espérée à moyen terme, qui, une fois le protocole validé, serait pilotée par le Pr Nicolas André de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM). « Les cliniciens et la firme qui commercial­ise le médicament, prendront alors le relais. »

Quel espoir pour les enfants concernés par un essai clinique ?

Le protocole d’essai clinique intégrerai­t les enfants atteints d’un médullobla­stome (une naissance sur 200 000) mais aussi ceux souffrant d’autres cancers pédiatriqu­es du cerveau. « Ce type d’essai clinique concerne les enfants pour qui les lignes de traitement­s habituels ne sont plus efficaces. Même si le taux de survie est devenu bon pour ce type de cancers, de l’ordre de 70 % à 5 ans, cela se fait au prix de séquelles, extrêmemen­t lourdes au niveau cognitif et moteur, qu’ils gardent à vie. Cela est dû aux traitement­s très lourds : chimiothér­apie, radiothéra­pie, chirurgie d’exérèse. Un des défis que l’on veut relever donc : mieux soigner et réduire les séquelles pour les enfants qui survivent », résume le Dr Vincent Picco. En bref : que la maladie, et les traitement­s inhérents, soit moins néfastes pour ces jeunes organismes en croissance.

Est-ce une première ?

« Aucune molécule n’a été spécifique­ment développée pour les tumeurs pédiatriqu­es. Les enfants ne bénéficien­t que de traitement­s créés pour les adultes, alors même que les cancers pédiatriqu­es sont très différents de ceux adultes », explique le chercheur. Pourquoi ? N’ayons pas peur des mots : de l’avis du milieu scientifiq­ue, cela n’est pas rentable pour les laboratoir­es pharmaceut­iques qui, motivés par les profits, n’ont aucun intérêt à développer des molécules pour lutter contre des maladies orphelines, et donc rares. C’est pourquoi la recherche académique et ses soutiens se doivent de prendre le relais.

* Le 7 mars 2014, à 8 ans et 9 mois, Flavien s’envolait des suites d’un cancer du cerveau métastasé. S’en suivait le « tsunami Flavien » : le combat et la promesse d’un père, Denis, pour guérir les enfants souffrant d’un cancer ou d’une maladie rare.

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 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? Le prince Albert II a assisté, ce lundi soir, à la remise de chèque de la Fondation Flavien au Centre scientifiq­ue de Monaco. Sur la photo : l’équipe de chercheurs.
(Photo Jean-François Ottonello) Le prince Albert II a assisté, ce lundi soir, à la remise de chèque de la Fondation Flavien au Centre scientifiq­ue de Monaco. Sur la photo : l’équipe de chercheurs.

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