Monaco-Matin

« Ne jamais se croire arrivé »

Prometteur, Flavius Daniliuc dispose d’une déterminat­ion et d’une soif de progrès débordante­s

- WILLIAM HUMBERSET

Il n’avait jamais joué en pro avant de signer à l’OGC Nice. Cinq mois après, Flavius Daniliuc cumule sept apparition­s, toutes convaincan­tes. Sa première titularisa­tion en L1 a confirmé tout le bien pensé en interne au sujet de l’Autrichien de 19 ans passé par le Real Madrid et le Bayern Munich : un garçon fiable, travailleu­r, sérieux, impliqué. Son premier entretien livré en France, avec des passages en français, renforce l’impression que l’intelligen­ce et l’humilité de ce jeune défenseur central polyglotte (il parle roumain, anglais, allemand et espagnol), fils d’un papa horloger et d’une maman secrétaire médicale, lui permettent de progresser vite et viser très loin.

Racontez-nous votre première titularisa­tion en L, à Reims...

J’étais un peu nerveux, un défenseur central n’a pas le droit à l’erreur. A la fin, j’étais content de ma prestation. Les fans m’ont élu Aiglon du match mais je n’y prête pas vraiment attention. Ça fait plaisir, mais ce n’est pas le plus important.

Vous avez été surpris que cette titularisa­tion arrive si vite ?

Je travaille très dur pour. Je me sentais capable, mais je ne pensais pas qu’elle arriverait si vite. Je devais progresser sur les plans tactique et physique pour passer le cap des jeunes aux pros. Après mes entrées contre Paris, Bordeaux et Nantes, j’ai reçu beaucoup de bonnes critiques du staff.

J’ai alors senti que ce n’était pas un championna­t trop grand pour moi, que je pouvais en faire partie. C’était à moi de saisir l’opportunit­é de réaliser un rêve. J’ai passé une étape, gagné en confiance, je ne vais pas jouer tous les matchs mais je me sens davantage intégré dans l’équipe. Le plus dur commence : aller plus haut, continuer de progresser. Il ne faut jamais se croire arrivé.

Votre regard sur la Ligue  ?

J’ai senti des joueurs plus intelligen­ts, capables d’exploiter la moindre faille. Laisser un espace, négliger un détail, faire un pas de trop peut être puni. Tu dois être sans cesse à un niveau de concentrat­ion maximal.

Un adversaire vous a marqué ?

Mbappe. Je n’ai jamais vu un joueur aussi fort, faire tout aussi vite, même à l’entraîneme­nt au Bayern. A la télé, ça ne se ressent pas. Mais sur le terrain, c’est terrible pour défendre.

Le travail spécifique effectué par Frédéric Gioria avec les jeunes, c’est un paramètre important ?

Le plus important, même.

Les analyses vidéos permettent de se concentrer sur des situations spécifique­s pour mettre en pratique les ajustement­s sur le terrain. Même quand tu es fatigué après une séance d’entraîneme­nt, c’est vraiment le top pour progresser.

L’OGC Nice, c’était le bon choix ?

Le meilleur. J’en étais déjà sûr à%la première fois que mon agent m’a parlé de Nice. De très grosses écuries me courtisaie­nt, mais je risquais de me retrouver à nouveau en équipe réserve. Avec ma famille et mon agent, on a choisi un club ambitieux qui donne une chance aux jeunes. Le plan de carrière et le projet que m’ont présentés les dirigeants étaient juste parfaits.

Que connaissie­z-vous du Gym ?

J’ai vu une régularité dans les résultats. Je me souvenais bien sûr de Balotelli, j’ai découvert Malang Sarr. Voir un joueur de moins de  ans cumuler presque  matchs ( exactement) a conforté le discours des dirigeants. Je connaissai­s l’immense carrière de Dante, et l’entendre parler du club m’a séduit. De loin, je me suis aperçu que ce club était plus grand que ce que les gens imaginaien­t.

Sa blessure est un coup dur ?

On a perdu un capitaine, un leader, notre papa sur le terrain. Dès que je rencontrai­s une situation compliquée, je lui demandais son avis. Aujourd’hui, il n’est plus là pour nous corriger.

Que manquet-il à ce groupe pour redresser la situation au classement (e) ?

Ce groupe a plus de talents que j’imaginais, je suis surpris qu’on ne le cite pas parmi les meilleurs en France. Manque la mentalité, la volonté collective de réussir quelque chose ensemble.

Percer au Bayern de Munich, c’était trop difficile ?

Presque impossible. Tu peux faire un match incroyable, le meilleur de ta vie, ta seule récompense sera de t’entraîner avec les pros. Quand tu as des joueurs à  millions d’euros devant toi...

Ça vous a permis de côtoyer de grands entraîneur­s...

Ancelotti, Kovac et Flick. Carlo Ancelotti m’a le plus marqué. Côtoyer les pros à  ans, ce n’est pas évident. Dès ma première séance, il m’a parlé en espagnol et évoqué son expérience au Real. Il m’a tout de suite mis en confiance, un souvenir marquant.

Madrid, une expérience mitigée pour vous ?

C’était le parfait endroit pour développer les bases du football, la technique, la tactique. Mais c’était difficile de vivre loin de ma famille, mon père n’est resté qu’un an. Vivre seul à l’étranger à  ans, ça ne devrait pas exister.

A Nice, vous découvrez la mer...

La regarder, c’est magnifique. J’adore le Vieux-Nice aussi, se retrouver dans un coin historique si près du centre, je n’avais jamais vu ça. Je me sens plus chez moi ici qu’à Vienne. J’habite en centrevill­e, seul. Ma famille est venue m’aider à m’installer, ils ne voulaient plus repartir (rires).

La famille, c’est important ?

Enormément. Je les appelle dès que j’ai un moment de libre. C’est difficile de ne pas les voir avec la Covid, mais je suis habitué depuis petit. Et quand je les vois, ne serait-ce qu’en visio, j’oublie tous mes soucis. Je me sens en paix. Ils me redonnent de la force pour travailler encore plus dur. Notre famille est unie, nombreuse aussi. J’ai trois frères et deux soeurs, je suis le plus jeune.

Donc le chouchou ?

(Rires) Pas vraiment... Mais comme je ne suis jamais là, ma mère est plus attentionn­ée quand je rentre à la maison (il sourit). On est passé par des moments très difficiles, on a connu des problèmes financiers. Quand j’étais avec mon père en Espagne, mes frères avaient tout juste - ans et ont souffert de son absence aussi. Mes parents nous ont toujours demandé de rester calmes pour réussir notre route dans la vie. On croit beaucoup en Dieu, on doit rester humble.

Ce sont les origines roumaines de vos parents qui ont favorisé cette éducation ?

(Direct) On se sent  % autrichien­s. Mes parents ont fui la dictature à  ans, des amis leur ont parlé de l’Autriche. Ils ont connu une adaptation difficile, ont appris une nouvelle langue. C’est ce combat d’intégratio­n qui a été le plus difficile pour eux et qui a façonné notre éducation.

Vous parlez en quelle langue à la maison ?

En allemand, très rarement en roumain. Mon frère était venu me voir un an en Espagne, il a très vite appris la langue. Du coup, on se parle en espagnol quand on ne veut pas que nos parents comprennen­t (rires).

Toute la famille est polyglotte !

(Sourire) Apprendre une langue, c’est très bon pour le mental. Mes frères sont d’ailleurs jaloux quand ils voient mes progrès en français (rires). Je lis l’Equipe et Nice-Matin pour le perfection­ner.

Quelle est la place du football chez les Daniliuc ?

Mon père ne s’y intéressai­t pas vraiment. Aujourd’hui il est fan à cause de ses fils (sourire). J’ai deux frères, de  et  ans, qui sont également profession­nels en re et e divisions autrichien­nes.

Mais c’est vous, le meilleur...

(Sourire) Je suis peut-être le plus talentueux, mais ce sont mes frères qui m’ont inculqué les valeurs de travail, de mentalité. Ils sont plus grands que moi et m’ont toujours motivé en me disant que j’étais trop maigre (rires). Le vestiaire pense que je mange beaucoup, ce qui est vrai. Mais eux, c’est le double ! On se bat dans les repas de famille pour se servir (rires).

Un modèle dans le foot ?

Cristiano Ronaldo, toujours (il le dit en français). C’est l’un des meilleurs au monde, mais il travaille toujours très dur. C’est le premier arrivé à l’entraîneme­nt, le dernier reparti. Notre père nous a toujours dit :

« Si tu ne fais pas ça, tu n’y arriveras jamais ».

Vous étiez doué à l’école ?

J’avais de très bonnes notes, je voulais être docteur. Puis avec le foot, je me suis contenté du minimum pour avoir un diplôme.

On vous a vu jouer du piano en stage d’avant-saison...

J’ai toujours aimé cet instrument, mais je n’ai jamais eu le temps de prendre des leçons. Je trouve que c’est apaisant alors que les jeux vidéos t’excitent au contraire. J’ai regardé des vidéos sur Youtube et je me suis exercé à Divonne.

En trois jours, vous jouiez déjà une mélodie. C’est du génie !

(Sourire) J’apprends très vite, on va dire. Quand j’aime quelque chose, je me concentre à fond.

‘‘ J’avais de bonnes notes à l’école. Je voulais être docteur. ”

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(Photo Eric Ottino) Du haut de son mètre 88, l’Autrichien impression­ne le vestiaire par ses qualités physiques et mentales. « Tout le monde lui parle déjà en français » confie Pierre Lees-Melou.
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