Discothèques : comment survivre face à la crise ?
Fermées depuis le début du premier confinement en mars dernier, les boîtes de nuit ont la tête sous l’eau et n’entrevoient pas le bout du tunnel. À le Kiss a déjà déposé le bilan
Ils se sentent, à tort ou à raison, comme les oubliés de la crise sanitaire. C’est simple, depuis le début de la pandémie, les gérants de discothèques sont les seuls – ou presque – à ne pas avoir relancé ne serait-ce qu’un brin de leur activité.
Gérants de boîtes de nuit : les oubliés
À Juan-les-Pins, après plusieurs années à avoir été la cible de fermetures administratives entreprises par la Ville et la préfecture des Alpes-Maritimes, c’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. « Il n’y a rien de nouveau, regrette, amer, Rudy Maman, gérant du Village. J’ai toujours dit que l’on serait les derniers à rouvrir, ça se confirme. On ne parle même plus de nous. Tout est fermé aujourd’hui mais, avant ce reconfinement, les bars sont restés ouverts tout l’été alors que les discothèques sont restées fermées. Or, ils se sont un peu transformés en boîtes de nuit, tout le monde le sait. Tout comme les plages privées d’ailleurs. Et quelque part, c’est tant mieux pour eux. Les soirées privées se sont également multipliées. C’est une absurdité, tout comme ce que peuvent vivre aujourd’hui les petits commerçants. On empêche tout le monde de travailler. »
Le Kiss c’est déjà fini !
Pas question pour autant de baisser les bras pour cet entrepreneur de la nuit juanaise, à la tête d’autres établissements qui ont pu ouvrir cet été. «Je suis d’un naturel optimiste donc je pense qu’un jour, on pourra rouvrir. J’ai de la chance d’avoir pu travailler un peu cet été et d’avoir un peu de trésorerie de côté. Mais pour tous ceux qui n’ont que leur discothèque, ça va être très dur. Beaucoup vont couler. »
Ce qui est déjà le cas, d’ailleurs, quelques centaines de mètres plus loin. Le Kiss, autre lieu festif de la station balnéaire, a lui déjà fermé ses portes définitivement, faute d’activité. « J’ai déjà tourné la page », souffle l’ancien gérant, après avoir déposé le bilan. Désabusé,
il n’oublie pas qu’avant la crise sanitaire, les autorités ont régulièrement fermé administrativement son établissement. « Ils sont arrivés là où ils voulaient en arriver. L’année dernière, nous avons subi six mois de fermeture administrative. Même les policiers ne comprenaient pas. C’est comme si tout avait été calculé et prévu d’avance. Finalement, le virus les arrange. J’ai entendu dire que, même si l’État avait décidé de rouvrir les boîtes, ils auraient tout fait pour les laisser fermées. » La colère et l’incompréhension passée, l’ancien gérant relativise un peu la situation actuelle. « Attention, je ne nie pas qu’il soit impératif de rester fermer en ce moment. Clairement, la distanciation sociale n’est pas possible dans une boîte de nuit. Mais avant toute cette pandémie, ce sont ces fermetures administratives qui nous ont fait du mal. La Covid-19 a simplement tout précipité, derrière une situation économique qui était déjà détériorée. »
Aucune perspective d’avenir
Si l’optimisme est une valeur qui colle à la peau de Rudy Maman, les perspectives d’avenir restent cependant liées à une sortie de crise. Et donc à un flou quasi total à l’heure actuelle. « Selon moi, on rouvrira quand il n’y aura plus de contaminations. Même cet été, malgré une situation que l’on pensait en nette amélioration, on n’a pas rouvert. À ma connaissance, il n’y a qu’à Wuhan(1) que ça repart. C’est le seul endroit où les discothèques tournent plein pot. En France, pour le moment, même pour les bars c’est compliqué d’avoir une vision d’avenir. Il faut faire une demande annuelle à la préfecture pour les autorisations de nuit. Or, ils n’en délivrent plus aucune pour le moment. Donc tout est en stand-by. On a appuyé sur le bouton pause… et on attend que la préfecture appuie sur le bouton lecture. » L’un des freins qui pousse Rudy Maman à penser qu’une réouverture malgré le virus semble impossible, est le fait qu’une discothèque brasse énormément de monde. À la fois des locaux et des étrangers. Un contexte évidemment très défavorable. « C’est le vrai problème de cette maladie : on ne peut plus se projeter. Je ne sais pas si je pourrai rouvrir l’été prochain. Et en attendant, il faut tenir. » 1. Wuhan, en Chine, est une grande métropole (plus de 11 millions d’habitants), berceau des premières contaminations de la Covid-19. Officiellement, depuis le mois d’août, il n’y a plus aucun cas de Covid-19.