Ils ne veulent plus être des étudiants fantômes
Etudiants au bord de la dépression, tentatives de suicide, mal-être contagieux : les 45 000 étudiants azuréens subissent la double peine des facs confinées et de la perte des jobs d’appoint
Le taux d’incidence du désespoir atteint des pics préoccupants sur les campus. A Lyon, deux étudiants ont tenté de se suicider, faisant la une des chaînes d’information en continu. La Côte d’Azur n’est pas épargnée par ce mal sourd qui se vit parfois en coulisse, seul dans sa chambre universitaire de 9 m2, devant l’écran de son ordinateur au fil de cours à distance qui rompent le lien social, transforment, selon leurs propres dires, les étudiants de la génération covid en « étudiants fantômes ». A Nice-Côte d’Azur comme à Toulon la Garde, le hashtag #EtudiantsFantômes a ainsi été retweeté des centaines de fois, alors qu’hier à Lyon et Paris, à l’appel d’associations et de syndicats étudiants, les premières manifs d’une génération qui se dit sacrifiée étaient organisées.
Un lumpen prolétariat étudiant
Fermées de nouveau depuis le deuxième confinement – à l’exception des séances de travaux pratiques dont toutes les filières de surcroît ne bénéficient pas –, les facultés de Nice et de Toulon sont au bord de la rupture. Etudiant en commerce international à Nice, Quentin parle de double peine : « C’est le temps ou nous sommes censés préparer notre avenir et celui de notre pays, mais nous avons été totalement oubliés ».
Comme beaucoup, Quentin a le sentiment que le maintien du peu d’activité universitaire tient plus du simulacre que d’un plan maîtrisé. Il pointe la double peine du « stress glaçant » qui tétanise notamment la multitude des premières années qui sont passés d’un confinement total au lycée à un faux départ universitaire en septembre, et celle économique d’une brutale paupérisation de la foule des étudiants salariés:« Ceux, nombreux, qui ont besoin d’un job d’appoint pour payer leurs études se retrouvent dans une galère infernale ». Une situation que le Secours catholique des Alpes-Maritimes avait déjà constatée en fin d’année. Dés juin dernier, Jeanick Brisswalter, le président de l’Université Nice-Côte d’Azur, avait multiplié les alertes sur l’émergence sur fond de crise sanitaire d’un inquiétant sous-prolétariat étudiant.
Il y a quelques jours dans une interview à Nice-Matin, Frédérique Vidal, qui longtemps présida aux destinées de l’université azuréenne avant d’être nommée ministre de l’Enseignement supérieur, annonçait une série de mesures censées atténuer ce choc : création de 22 000 emplois de tuteurs, recrutement de psychologues.
Un ou deux psychologues de plus...
Un geste qui, de Toulon au campus Valrose, risque d’être encore très insuffisant face à l’ampleur et l’enkystement du mal-être estudiantin. A Nice, ces mesures devraient permettre l’embauche de 400 étudiants tuteurs et au mieux de recruter un ou deux psychologues pour, privé compris, accompagner les quelque 45 000 étudiants des Alpes-Maritimes. Pour beaucoup, la seule vraie solution raisonnable consisterait à rouvrir au plus vite les universités. Du moins de leur permettre de fonctionner à l’identique des lycées, en alternance une demi-journée sur deux ou une semaine sur deux.