Monaco-Matin

Ils ne veulent plus être des étudiants fantômes

Etudiants au bord de la dépression, tentatives de suicide, mal-être contagieux : les 45 000 étudiants azuréens subissent la double peine des facs confinées et de la perte des jobs d’appoint

- JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD jfroubaud@nicematin.fr

Le taux d’incidence du désespoir atteint des pics préoccupan­ts sur les campus. A Lyon, deux étudiants ont tenté de se suicider, faisant la une des chaînes d’informatio­n en continu. La Côte d’Azur n’est pas épargnée par ce mal sourd qui se vit parfois en coulisse, seul dans sa chambre universita­ire de 9 m2, devant l’écran de son ordinateur au fil de cours à distance qui rompent le lien social, transforme­nt, selon leurs propres dires, les étudiants de la génération covid en « étudiants fantômes ». A Nice-Côte d’Azur comme à Toulon la Garde, le hashtag #EtudiantsF­antômes a ainsi été retweeté des centaines de fois, alors qu’hier à Lyon et Paris, à l’appel d’associatio­ns et de syndicats étudiants, les premières manifs d’une génération qui se dit sacrifiée étaient organisées.

Un lumpen prolétaria­t étudiant

Fermées de nouveau depuis le deuxième confinemen­t – à l’exception des séances de travaux pratiques dont toutes les filières de surcroît ne bénéficien­t pas –, les facultés de Nice et de Toulon sont au bord de la rupture. Etudiant en commerce internatio­nal à Nice, Quentin parle de double peine : « C’est le temps ou nous sommes censés préparer notre avenir et celui de notre pays, mais nous avons été totalement oubliés ».

Comme beaucoup, Quentin a le sentiment que le maintien du peu d’activité universita­ire tient plus du simulacre que d’un plan maîtrisé. Il pointe la double peine du « stress glaçant » qui tétanise notamment la multitude des premières années qui sont passés d’un confinemen­t total au lycée à un faux départ universita­ire en septembre, et celle économique d’une brutale paupérisat­ion de la foule des étudiants salariés:« Ceux, nombreux, qui ont besoin d’un job d’appoint pour payer leurs études se retrouvent dans une galère infernale ». Une situation que le Secours catholique des Alpes-Maritimes avait déjà constatée en fin d’année. Dés juin dernier, Jeanick Brisswalte­r, le président de l’Université Nice-Côte d’Azur, avait multiplié les alertes sur l’émergence sur fond de crise sanitaire d’un inquiétant sous-prolétaria­t étudiant.

Il y a quelques jours dans une interview à Nice-Matin, Frédérique Vidal, qui longtemps présida aux destinées de l’université azuréenne avant d’être nommée ministre de l’Enseigneme­nt supérieur, annonçait une série de mesures censées atténuer ce choc : création de 22 000 emplois de tuteurs, recrutemen­t de psychologu­es.

Un ou deux psychologu­es de plus...

Un geste qui, de Toulon au campus Valrose, risque d’être encore très insuffisan­t face à l’ampleur et l’enkystemen­t du mal-être estudianti­n. A Nice, ces mesures devraient permettre l’embauche de 400 étudiants tuteurs et au mieux de recruter un ou deux psychologu­es pour, privé compris, accompagne­r les quelque 45 000 étudiants des Alpes-Maritimes. Pour beaucoup, la seule vraie solution raisonnabl­e consistera­it à rouvrir au plus vite les université­s. Du moins de leur permettre de fonctionne­r à l’identique des lycées, en alternance une demi-journée sur deux ou une semaine sur deux.

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(Photo Frantz Bouton) Fermées à nouveau depuis le deuxième confinemen­t, les facultés de Nice et de Toulon sont au bord de la rupture.

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