Monaco-Matin

Procès Veyrac : une empreinte lourde de conséquenc­es

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Kabil, 32 ans, présentati­on impeccable, travaille dans le bâtiment, achète et revend des voitures, a investi dans un bar en Tunisie que gère, pour l’instant, son père. Sous contrôle judiciaire depuis quatre ans, il a l’interdicti­on de quitter la France.

Kabil a grandi dans le quartier des Moulins à Nice. Certains de ses amis d’enfance, accusés d’avoir pris en otage Jacqueline Veyrac en 2016, ont parfois dévié du droit chemin. Pas lui. Il est réputé travailleu­r, serviable. Il file le parfait amour avec une infirmière qui le soutient. Sa vie semblait toute tracée sauf que… « Je me suis retrouvé dans une histoire à dormir debout, explique-t-il à la barre. Je m’en souviendra­i toujours. Les policiers sont venus me chercher à la maison à 6 heures du matin ». Direction

les locaux de la brigade criminelle.

Inconnu de la justice

Dans l’affaire de l’enlèvement de Jacqueline Veyrac, jugée depuis deux semaines et demie, une plaque d’immatricul­ation mal accrochée sur le Kangoo a attiré l’attention d’un passant. L’adhésif double face n’a pas tenu. Il a peut-être sauvé la vie de la femme d’affaires. Les technicien­s d’investigat­ion criminelle isolent l’empreinte génétique de Kabil sur le côté de la plaque arrière et sur son carton d’emballage à l’intérieur de la fourgonnet­te. « Je leur ai expliqué que je travaillai­s dans les voitures. À l’époque, je ne comprenais pas, j’étais très énervé contre eux et je m’en excuse ».

Inconnu de la justice, Kabil se retrouve en prison, suspecté de faire partie du gang des ravisseurs. Il y restera deux mois et demi. Il est libéré sous caution, puis « lavé de tout soupçon au sujet de l’enlèvement », se félicite son avocate, Me Béatrice Eyrignoux. Il est néanmoins renvoyé, comme douze autres personnes, aux assises, poursuivi pour le délit d’associatio­n de malfaiteur­s. Il encourt dix ans de prison.

La question lancinante qui hante ses jours et ses nuits est reprise par le président de la cour, Patrick Veron Pourquoi trouve-t-on son ADN sur cette pièce à conviction ? « Cela fait quatre ans que je creuse mon cerveau. Je ne vois pas, à part le garage où travaillai­t Achraf [Ndlr : un coaccusé poursuivi pour avoir fourni un matelas et du scotch retrouvé dans le Kangoo] ».

Dans le quartier, chacun vient, paraît-il dans ce capharnaüm réparer qui sa voiture, qui son scooter.

Une arrestatio­n justifiée

L’interpella­tion de Kabil était d’autant plus justifiée, selon les enquêteurs et le juge d’instructio­n, que cette plaque a été placée après le rapt. Une factrice, témoin de l’enlèvement avenue Emilia, a en effet mémorisé en partie l’immatricul­ation d’origine.

Le suspect a également le tort d’être ami avec Bassem, coaccusé détenu depuis quatre ans, qu’il a hébergé en Tunisie peu après l’enlèvement.

Avec le recul, Kabil admet les raisons de son placement en détention même s’il ne comprend pas pourquoi « des enquêteurs ont prétendu que mon téléphone était inactif le 24 octobre 2016 ». Le président Veron vérifie : le téléphone du suspect a déclenché toute la journée le relais téléphoniq­ue proche de son domicile.

« Je suis sorti de prison, j’étais déboussolé, se souvient l’accusé. Sa famille l’a beaucoup entouré. Lui aide actuelleme­nt son beau-frère à bâtir sa maison à Carros. Il a hâte de soulager son père du fardeau de la gestion du bar en Tunisie. «Le fait d’être mis en examen dans une affaire criminelle m’empêche même d’aller voir mes amis à Monaco, ajoute Kabil. J’espère que ce jugement sera la dernière ligne droite, que mon casier judiciaire ne sera pas sali. »

Réponse mercredi au moment du verdict.

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